vendredi 27 septembre 2013

Parler pour se comprendre

Parler pour se comprendre …

-- Et un seul jour pour les cadeaux d'anniversaire, voyez-vous. Quelle gloire pour vous !
-- Je ne vois pas très bien ce que vous entendez par « gloire »,  dit Alice.
Humptie Dumptie eut un sourire méprisant : « Pour ça, fillette, il vous faut attendre que je vous l'explique. J'entendais par là : « Quel bel argument de poids en votre faveur ! »
-- Mais « gloire » ne signifie pas « bel argument de poids », objecta Alice.
-- Lorsque moi j'emploie un mot, répliqua Humptie Dumptie d'un ton quelque peu dédaigneux, il signifie exactement ce que je veux qu'il signifie... rien de plus, rien de moins.
-- La question, dit Alice, est de savoir s'il vous est possible de donner aux mots trente-six significations.
-- La question, rétorqua Humptie Dumptie, est de savoir qui est le maître... Point final.

« De l'autre côté du miroir »
Lewis Carroll
Traduction de philippe Rouard


Dernièrement, ayant constaté avec tristesse que ma machine à lessiver avait rendu l'âme après vingt ans de bons et loyaux services, je décidai de me mettre à la recherche d'une solution pour pallier à l'inconvénient des lessives manuelles. Je descendis donc à Vaison et me rendis dans le magasin d'électroménagers le mieux fourni de la ville. En général, les clients y sont bien accueillis et la qualité des produits ne laisse pas à désirer. C'est donc d'un pas décidé que je franchis les portes de cet antre de l'électricité mise au service du peuple.
Passant d'un rayon à l'autre, je finis par me trouver nez à nez avec un responsable et la conversation s'engagea.
--  Puis-je vous aider ma brave dame ?
-- Oh, oui ! Certainement ! Ma machine à lessiver est en panne et j'aimerais obtenir quelques renseignements concernant les marques que vous pouvez me proposer.
-- Et à quoi sert cette machine ?
-- .....  ? Mais à laver le linge bien évidemment !

-- Il fallait le dire !

-- Mais je vous ai dit « à lessiver »

-- Oh ! Vous n'allez pas commencer à jouer sur les mots !

Pour bien m'indiquer qu'il se désintéressait de la question, l'homme se tourna alors vers un jeune employé qui passait dans un autre rayon et l'interpella vivement.
-- Amhed, tu veux bien t'occuper de la dame ? Elle cherche des renseignements.


Le jeune et bel Amhed arriva, empressé à rendre service à la dame et à lui donner un maximum de renseignements dans la mesure de ses connaissances.
-- Que puis-je faire pour vous, Madame ?

-- J'aimerais avoir une idée des machines à lessiver que vous proposez. Les marques, les prix … tout quoi.

-- Pour pouvoir vous renseigner, me dit l'Amhed au sourire éclatant, il faut m'expliquer à quoi va servir cette machine.

-- Mais … à lessiver...

-- Ah, bon ! C'est un lave-linge que vous cherchez ?

--  .....

J'eus brusquement l'impression d'avoir rejoint Alice de l'autre côté du miroir …



Et que dire des yeux ahuris qui vous dévisagent quand vous demandez un joint pour une marmite à pression ou un passe-vite pour mouliner vos potages ou quand vous parlez d'une flotte à placer pour soulever vos charnières … Quant aux gouttières, c'est bien connu, il n'y a qu'en Belgique qu'elles aident à l'écoulement des eaux de pluie descendues du toit. La buse, par ici, est un oiseau rapace mais surtout pas le tuyau par lequel passent les fumées de votre … Mon Dieu ! Je n'ose pas écrire le mot car je ne suis pas certaine d'être bien comprise. 
Ah, j'oublie ! Ne dites jamais d'un fruit qu'il est sur car, en fait, il ne peut être qu'acide...  comme les remarques que j'entends parfois... 
 A bon entendeur, salut

jeudi 26 septembre 2013

Facebook, humour and Co

Ah ! je dois reconnaître que, contrairement à de nombreuses autres personnes, j'aime ouvrir Facebook chaque jour. Les informations pleuvent. Pas toujours pour embellir votre quotidien, mais bon, nous ne vivons pas dans un monde parfait non plus ! Mais l'humour y fleurit souvent. Je le reconnais aussi, très régulièrement à côté de c...ries monstrueuses. Mais monstrueuses à un tel point qu'elles flirtent avec l'humour. Enfin !!! Tout cela pour en arriver à toute vitesse et en ligne droite à la découverte de ce matin. 
Et comme une petite photo vaut mieux qu'un long discours voici de quoi démarrer sa journée.




Une déclaration affectueuse ... ou plus si affinité


J'ose espérer que la personne à laquelle s'adresse ce tag a eu 
l'occasion de le lire.
Car plus grand que ça tu meurs !
Il faut avouer que cela vaut tous les courriers et tous les courriels. 


Personnellement, j'aurais mis une apostrophe entre les 2 M pour que la compréhension de cette déclaration arrive plus vite au cerveau 
de l'élu ou de l'élue.

Mais bon, j'ai l'âge que j'ai et ne suis pas encore au fait des finesses de l'orthographe actuelle !

Bien assez difficile avec la traditionnelle !!!  

Et, tant qu'à gaspiller mon argent en bombàtags, 
j'aurais aussi pris du rouge pour le coeur
 et du jaune pour ajouter un soleil.

C'est un rien tristounet ce noir sur gris. Mais peut-être s'agit-il ici d'amours mortes. Une réminiscence.  Allez savoir...

mercredi 25 septembre 2013

Le singe du Grand Garde revu et corrigé

Pour François


Attention, aucune gloriole, l'idée a certainement déjà été exploitée.

Souvenirs d'enfance (13 - quatrième et dernière partie) Lycée Royal de M... Normalienne fraîche émoulue

Lycée Royal de M... (fin)

Normalienne fraîche émoulue

   Tout se serait parfaitement passé n'eût été la préfète de l'établissement qui avait survécu aux nombreuses années écoulées mais dont le caractère, au contraire de celui de sa subalterne, ne s'était nullement amélioré. En toute franchise, d'acariâtre qu'il avait été dans les années cinquante, il était devenu imbuvable dans les années soixante.
   Le matin, elle traversait la cour de récréation, drapée dans son étole en renard, pauvre animal mité, obligé de la suivre depuis tant et tant d'années. Elle gravissait les marche du perron pour venir s'y dresser comme la statue vengeresse de la discipline compromise. Là, elle attendait que la sonnerie retentisse et que les rangs se forment. «En silence, s'il vous plaît, mesdemoiselles». Elle n'avait pas besoin de le rappeler chaque matin, sa seule vue suffisait à faire baisser de trois tons les cris des élèves les plus endiablées. Les rangs se formaient donc en silence au pied du perron et chaque classe, l'une après l'autre, gravissait les marches et passait devant elle et devant Madame D... . Malheur alors à l'élève distraite qui oubliait de saluer de la tête en passant. Elle était extirpée de son rang d'une main ferme et vertement réprimandée face au renard aux yeux vitreux.
   Étant la plus jeune enseignante de la section primaire, j'avais droit, avec une régularité de métronome, aux entrées intempestives de la Préfète dans ma classe. La porte s'ouvrait brusquement et Mademoiselle Du... s'y encadrait. Pas seule, non, mais toujours accompagnée de son animal de compagnie. Elle ne frappait jamais pour annoncer son arrivée. Prendre en flagrant délit l'enseignante, fautive d'une quelconque omission de règlement, semblait être devenu son sport favori. 
  Dans ma classe, elle ne cherchait jamais longtemps. Il y avait toujours bien une élève mal assise ou dont le cartable ne pendait pas au crochet du banc ou dont les cheveux étaient retenus par un nœud trop voyant ou... ou... ou... Enfin, rien ne lui échappait et plus c'était mesquin, mieux elle le voyait.
   Un matin, elle entra, son regard balaya la classe et se posa sur une élève sans tablier (à cette époque, les tabliers bleus à longues manches étaient obligatoires). Le plaisir de la découverte illumina un bref instant son regard de hyène croqueuse d'enfants : "Où est votre tablier, mademoiselle?"
   L'élève, paniquée, la regardait, bouche ouverte, sans réagir. 
  Je voulus venir à son secours. Sans reprendre une seule fois ma respiration, je débitai d'une voix monocorde : "Madame la Préfète, elle ne l'a pas, je viens de le lui demander (ce qui était vrai) mais elle l'a oublié chez elle car sa maman l'a lessivé hier et ne l'a pas remis dans son cartable."
   Ma misérable intervention ne fut pas une réussite. Un grand sourire de victoire éclaira brusquement le visage de cette préfète du diable.
   - Ah, elle l'a oublié chez elle? Voyons donc cela.
   Elle avança d'un pas altier vers le banc de la coupable, y arriva et souleva l'écritoire en bois qui composait le dessus du pupitre. Horreur! Le tablier apparut aux yeux éberlués de l'institutrice crédule que j'étais encore. Mais pas seulement aux miens, aussi à ceux de la Préfète.
   - Mademoiselle Moreau, siffla-t-elle au milieu de la classe estourbie par ce mauvais coup du sort, quand une élève aussi menteuse que celle-ci vous fournira encore des excuses, vous êtes priée de les vérifier. Quand à vous, mademoiselle Sz... , donnez-moi votre journal de classe. Vous irez le rechercher chez Madame D... .
   Tomber de Mademoiselle Du... en Madame D... n'équivalait pas, bien sûr, à tomber de Charybde en Scylla mais ce n'était pas triste non plus. La classe en fut toute remuée pendant quelques minutes et puis la vie reprit son cours. 
  Personne n'en voulut à personne car la détestation que chacune éprouvait pour la Préfète était un ciment assez fort pour souder toute une classe, de l'élève la plus désobéissante à la maîtresse la plus débutante.

   Malgré tout, je garde quand même d'excellents souvenirs de cet intérim. C'est dans cette première classe que je commençai, pleine d'enthousiasme, à mettre mes connaissances de jeune enseignante en pratique. Le cours de sciences fut un terrain particulièrement privilégié. 
  Ainsi, mes élèves virent défiler, en peu de temps, différentes observations qui me paraissaient incontournables. L'étude du marronnier, de sa fleur fanée, de ses bourgeons gluants, de ses bogues et de ses fruits immatures, fut suivie par la dissection d'un poisson bien frais. 
  Frais ? à mon humble avis, oui,  mais que chacune observa le nez pincé entre deux doigts et les yeux exorbités par l'horreur de la découverte peu habituelle de la nature . 
  Le poisson cuit à la poêle avec une tranche de citron et une branche de persil, ces jeunes demoiselles de bonne famille le connaissaient. Mais, les entrailles à l'air, l'animal leur sembla moins familier. Et quand l'enseignante prit un chalumeau afin de démontrer le rôle de la vessie natatoire en y soufflant de toutes ses forces, quelques unes, le teint devenu crayeux, durent retourner s'asseoir à leur place.

Crédit photo : www.intellego.fr/doc/19985 
Crédit photo : 20min.fr 

 
 
  La dissection d'un cœur de bœuf bien sanguinolent sema un réel doute chez les élèves. Celle qui trônait sur l'estrade n'était peut-être pas l'enseignante qu'elles désiraient conserver jusqu'au 30 juin.
  Pas de panique, mesdemoiselles, après la recherche des oreillettes et des ventricules, la différenciation de l'aorte et de l'artère pulmonaire, il vous suffira de dessiner l'organe concerné, ce qui sera bien moins stressant. Non ? 
  Non ! Certaines avaient déjà tourné de l'œil. Enfin, elles étaient peut-être bonnes comédiennes ! A cet âge, on ne peut jamais jurer de leur honnêteté intellectuelle. Les sciences naturelles, c'était quand même intéressant que diable !
   De toute manière, à quoi auraient servi tant d'heures d'étude à l'École Normale si le programme de sciences ne pouvait être respecté à cause d'une ou deux petites syncopes ?
 
  Je finis quand même par me demander si ces futures demoiselles ne préféraient pas une dictée de Grévisse ou quelques problèmes de l'impitoyable Bourgaud à la connaissance de l'anatomie des vertébrés. Qu'à cela ne tienne, le lendemain matin, elles seraient confrontées aux deux tortionnaires des cerveaux enfantins. Je tenais vraiment à m'en faire des amies. 
  Y ai-je réussi ? Je ne pourrais le dire. En ce temps-là, la discipline était si bien respectée que des récriminations trop vives étaient rares.

   A cette même époque, le lycée dépendait d'un inspecteur réputé pour son agressivité, ses crises de colère caractérielles et sa mauvaise humeur permanente.
   Lors de mon arrivée, chaque collègue, forte de son ancienneté, eut à cœur de me mettre au parfum : l'une avait été sermonnée par l'Inspecteur durant dix minutes devant toute la classe terrorisée, l'autre avait vu son cahier de matière déchiré en deux avant d'atterrir, toute affaire cessante, sur son bureau, une troisième avait été convoquée au bureau pour y subir un lavage de cerveau en règle, une autre encore s'était vu réprimander à cause de son rang mal aligné... 
  Comme on me le fit comprendre, la liste des méfaits découverts par cet inspecteur n'était pas exhaustive.
   Je voulus connaître la fréquence des visites de ce sinistre individu, me disant qu'après tout mon intérim serait peut-être terminé lors de son prochain passage.
- Il vient tous les samedis, me répondit une collègue.
- Tous les samedis ? (ma voix s'était éraillée sous l'émotion). Mais pourquoi ? Où habite-t-il ?
- Oh, il peut venir à pied, il habite à Mons, sur le boulevard près de la prison. Et il vient tous les samedis parce que c'est le jour où sa femme nettoie. Comme cela ennuie Madame d'avoir son mari dans les pieds le jour de son nettoyage, elle l'envoie au lycée.
 
   Ouaip ! La paix pour l'une, la catastrophe pour les autres. La justice ne pourrait vraiment jamais régner dans ce lycée de malheur.
   Enfin, malgré la peur qui plana sur mes heures de cours chaque samedi, j'échappai au massacre des Innocents. L'inspecteur ne vint jamais dans ma classe.  
 
 
 


samedi 21 septembre 2013

Tout simple, l'oeuf sur le plat au safran


Ingrédients  :   (pour une personne)

1 oeuf
sel / poivre
1 petite pincée de safran "L'Or Rouge des 3 Rivières"
1 c à c d'huile d'olive ou une c à c de beurre

Préparation

Dans une poêle antiadhésive (ou une autre) faire fondre un rien de matière grasse
Casser l'oeuf et répartir le blanc d'une manière uniforme
Surveiller la cuisson afin que le jaune ne commence pas à blanchir (trop cuit)
Lorsque la première tache  blanche  apparaît, retirer la poêle de la source de chaleur
Saler le blanc, poivrer le jaune
Dans le creux de la main, écraser 3 ou 4 filaments de safran et répartir à la surface de l'oeuf

A déguster avec de la baguette beurrée et un peu de confiture d'orange  (les oranges corses donnent la meilleure confiture) ou de pamplemousse ou de cédrat (mais elle est difficile à trouver)

Durant quelques minutes, vous serez au paradis !

jeudi 19 septembre 2013

mercredi 18 septembre 2013

L'APOCALYPSE SELON L'OUVEZE


Un livre à connaître
« L'APOCALYPSE SELON L'OUVEZE »





22 septembre 1992...

Bien sûr, à l'époque, tout le monde en avait entendu parler. L'information concernant cette catastrophe avait fait le tour du monde en quelques minutes : suite à de fortes pluies, une petite rivière provençale était sortie de son lit, avait grossi au fil des heures pour devenir un monstre rugissant et, finalement, s'était transformée en une vague monstrueuse qui avait tout détruit sur son passage.
Des photos à sensation avaient été publiées dans nombre d'hebdomadaires et les journaux télévisés avaient relayé l'évolution de la situation d'heure en heure et ensuite …
...Et ensuite le monde était retourné à ses occupations habituelles sans plus se soucier de cette vague de boue mais surtout de souffrances qui avait déferlé sur Vaison-la-Romaine. Oui, le monde avait continué d'avancer vers son futur d'autodestruction généralisée sans plus s'occuper de cette destruction locale. Les journalistes avaient obtenu les images chocs pour faire la « une » durant quelques jours. Dans la boîte ? O.K. En première page ? O.K. On pouvait passer à autre chose.

Quand vous parlez maintenant avec les personnes qui ont connu ce drame vous vous rendez compte que, contrairement au reste du monde, ici, personne n'a oublié cette apocalypse qui, il y a vingt et un ans, a déferlé sur la ville, réduisant à néant des familles, des dizaines de vies, tout autant d'habitations, et des milliers d'espoirs. Chacun vous narre un détail émouvant : ici, c'était l'eau qui ressortait en geyser par les fenêtres des étages, là, c'était une vieille dame dont le balcon avait été arraché et qui, sans admettre sa défaite, tentait de refouler l'eau de son domicile à l'aide d'une raclette dérisoire; plus loin, sur tel parking, on avait vu les autos se soulever, se mettre à flotter puis être emportées à la dérive dans ce fleuve de boue déchaîné; dans tel quartier, c'était des familles accrochées au toit de leur maison et qui avaient attendu, des heures durant, que les premiers secours puissent arriver jusqu'à elles; et plus en amont, oui, il y avait bien eu ces campings et leurs derniers vacanciers qui furent emportés comme fétus de paille...
C'est à mi-mots et d'une voix plus basse que l'on évoque ces « sans domicile fixe » ou ces travailleurs saisonniers dispersés dans les campagnes environnantes qui avaient été emportés sans laisser de traces. Personne n'avait réclamé leurs corps. Et c'est avec fatalisme que l'on achève l'information par une oraison funèbre étrange : « Oh ! Ils ont dû être emportés dans le Rhône... (un soupir).. personne ne les connaissait et on ne sait pas ce qu'ils sont devenus... »


A côté du pont romain, une petite plaque indique que, ce jour-là, l'eau avait atteint telle hauteur. Les étrangers s'arrêtent, s'ébahissent, se tournent pour vérifier cette information par rapport au parapet actuel et ensuite reprennent leur marche en vue d'une visite dans le vieux Vaison. Ce ne sont pas les vies détruites qui les touchent vraiment mais plutôt l'hallucinante hauteur que l'eau de cette minuscule rivière gonflée par des milliards de gouttes de pluie avait pu atteindre en quelques heures. « Incroyable ! Tu te rends compte ? » « Oui ! Bon, on y va ? Il est presque midi, il faut se trouver un petit resto. Tu n'as pas faim, toi ? » Les esprits changent de direction, zappent comme on dit aujourd'hui, les pas s'éloignent.
A l'entrée de Vaison, un insolite champ de menhirs accueille les étrangers. Chaque pierre a été gravée d'un dessin ou d'une phrase. Et chaque phrase est écrite dans une langue différente : une volonté certaine des Vaisonnais de garder, ici, le souvenir de ce drame.  Choisi parmi tant d'autres, ce lieu isolé fut celui où, en une fraction de seconde, des vies furent balayées sans distinction d'âges, de sexes, de nationalités, de religions...
Les touristes qui s'arrêtent et se promènent sur cet espace savent-ils encore qu'ici, le 22 septembre 1992, il y avait un lotissement au bord d'une jolie rivière et que nombre d'habitants y attendaient la fin de cette pluie ininterrompue, exaspérante et, en définitive, de plus en plus angoissante. Quelle ironie ! Ce quartier était nommé THEOS !

Peut-on en vouloir aux visiteurs d'aujourd'hui lorsqu'ils passent avec indifférence parmi les jalons de l'inondation de 1992 ? Les trop grandes catastrophes ne peuvent être saisies que dans leur globalité par ceux qui ne les ont pas vécues. Un phénomène d'auto protection empêche de s'appesantir sur les détails. Mais pour ceux qui ont été frappés de plein fouet, justement, ce sont les cas individuels, les détails, qui ont été gravés au fer rouge dans les souvenirs, les sentiments ou la mémoire.

Il y a quelques jours, fouinant parmi les rayonnages de la bibliothèque municipale de Vaison, je mis la main sur un livre au titre insolite : « L'APOCALYPSE SELON L'OUVEZE ». Je le tournai pour lire le texte de présentation situé en quatrième de couverture : deux phrases extraites du témoignage d'un homme qui avait survécu au drame attirèrent mon attention. J'emportai le livre et dès le soir, me mis à le lire. D'une traite, d'abord simplement émotionnée puis, les yeux humides m'obligeant à relire plusieurs fois les mêmes passages, j'arrivai à la dernière page.

Dire que ce livre est un chef-d'œuvre de la littérature serait un mensonge. En fait,c'est bien plus que cela. Ce témoignage tout simple vous emporte dans un tourbillon de sentiments contradictoires. Au fil des pages, vous êtes le mari heureux, le père aimant, l'homme angoissé par la montée des eaux, vous êtes la vague destructrice qui arrive, balayant tout sur son passage, vous devenez l'être humain brisé par la fatalité et vous êtes le désespoir qui mène à la folie. En peu de mots et sans aucun besoin de photos, l'auteur vous fait revivre cette journée et cette nuit cauchemardesques que furent celles du 22 et du 23 septembre 1992 à Vaison.

Après cette lecture, plus jamais vous ne pourrez passer devant la petite plaque du pont romain ou près du sanctuaire garni de menhirs avec un regard indifférent et des sentiments quelconques.
Ce livre est un réel hommage à tous ceux qui, connus, reconnus ou inconnus, français ou étrangers, retraités ou travailleurs laborieux ont péri, engloutis par la fureur du ciel et de la terre.

Merci à l'auteur.






lundi 16 septembre 2013

Mars attaque ...

 
Bon sang de bonsoir ! Quelle aventure !
Une attaque imprévue lors de la journée portes ouvertes chez un paysagiste de P... 
Heureusement, au premier souffle dans sa nuque, la dame a réussi à garder son calme et personne n'a chuté dans le bassin.
Bel exemple de sang-froid belge dans ce pays où les têtes sont si souvent près des bonnets !
 

Cuisine de fin d'été : les délicieuses figues...

Clafoutis aux figues



Ingrédients : (pour un plat de 25 cm de diamètre)

12 à 15 figues suivant leur grosseur
30 cl de lait
100 gr de farine
100 gr de sucre
3 œufs moyens ou 2 gros
1 gousse de vanille
1 c à c de beurre
45/50 stigmates de safran de L'Or Rouge des 3 Rivières

Préparation :

La veille, faire infuser le safran dans le lait tiède et placer au frigo

Préchauffer le four à 180° durant la préparation du clafoutis

Beurrer un plat à clafoutis et fariner
Couper les figues en quatre et garnir le plat avec ces quarts de figues en les ajustant joliment
Dans un grand bol, mélanger la farine, les œufs, le sucre et le lait safrané
Bien fouetter pour éviter les grumeaux et obtenir une pâte lisse
Sur une planche, fendre la gousse de vanille et, avec la pointe d'un couteau, en extraire les graines
Ajouter ces graines de vanille à la pâte et fouetter une nouvelle fois pour bien disséminer les graines dans toute la pâte
Verser la préparation sur les figues
Placer au four préchauffé et cuire durant 30 minutes puis augmenter la t° à 210°
Saupoudrer de sucre et cuire encore 10 minutes
Vérifier la cuisson régulièrement
Servir tiède

Je n'ai pas essayé mais il me semble qu'un toupet de crème fraîche safranée (préparée la veille) sur le quartier de clafoutis au moment de la dégustation rendrait le bonheur encore plus intense !!!




Une astuce :
Une fois évidée, ne jetez pas votre gousse de vanille. Récupérez-la et placez-la dans votre réserve de sucre cristallisé (ou autre). Après une ou deux semaines, vous obtiendrez ainsi un véritable sucre vanilliné d'excellente qualité pour pas un seul kopeck (dans ma réserve de sucre, il y a au moins 5 gousses récupérées. Je ne les enlève jamais, je me contente d'en ajouter après chaque utilisation. Plus les mois passent, plus mon sucre est goûteux.)




Et que dire des figues blanches à déguster sans modération, assis sous le figuier ?
Il y aurait tout un chapitre à écrire pour leur rendre hommage.
Je ne dirai qu'une petite chose : ce sont de grosses gouttes de miel suspendues aux branches de leur arbre.


Mon Gros Emile et les rouges-gorges


Un chat rempli d'une telle tendresse ne pouvait que mériter 
une photo pleine de douceur.
Mais, méfiance, tout cela n'est qu'une apparence trompeuse !!! 

lundi 9 septembre 2013

Mérindol-les-Oliviers : coucher de soleil


Souvenirs d'enfance (13 - troisième partie) Lycée Royal de M ... La cinquième, encore et toujours

 Lycée Royal de M ....  (suite)

La cinquième, encore et toujours

L'échappée dans les rues de M... m'aida à reprendre ma respiration et l'air frais me fit du bien. Durant le trajet qui me ramena chez moi, je ne vis le paysage qu'à travers les pleurs contenus avec difficulté et ce ne fut que lorsque la porte de notre maison se referma derrière moi que je pus enfin donner libre cours à un déluge de larmes.
Quand, finalement, j'expliquai que l'institutrice m'avait traitée de «petite imbécile» devant toute la classe, mon père réagit au quart de tour. Cela, c'était inadmissible. Il ne le tolérerait pas. Sa fille, une «petite imbécile»? On allait voir ce qu'on allait voir. Cet homme, en général si doux, n'aimait pas que l'on touche à sa progéniture. Sans plus se soucier de savoir pourquoi je n'avais pas été capable de faire une division, sans essayer d'extraire les racines du mal en prévoyant quelques leçons particulières, il partit, le lendemain matin, faire un scandale dans ce vieux Lycée de M.... 
Chez la préfète dans un premier temps, en classe de cinquième primaire ensuite. Sur quoi, l'honneur des Moreau ayant été lavé, je fus retirée de cette institution barbare et inscrite à l'école communale du village.
Cette réaction paternelle, véritable baume d'amour pour mon cœur endolori, me redonna un peu de confiance en moi. Suffisamment, en tout cas, pour que j'arrive à terminer, cahin-caha, mes deux dernières années d'école primaire. Pourtant, le mal avait été fait, l'humiliation trop profonde. Mon cerveau cadenassa définitivement le recoin dévolu à la mathématique. Rongé par une haine féroce du calcul, il lança ses métastases antimatheuses vers chaque exercice ennemi lorsque l'un d'eux se présentait. Ce qui me valut, durant le reste de mes études, de traîner la jambe dans la plupart des branches scientifiques.

.....................

Incroyable mais vrai, bien des années plus tard, fraîche émoulue de l'École Normale Primaire de Mons, je fus désignée pour effectuer mon premier intérim au Lycée Royal de M.... Je m'y présentai donc, armée cette fois, d'un télégramme de désignation.
Le lycée n'avait pas changé. Chaque bâtiment, exhaussé par un architecte mégalomane, présentait une couleur uniforme : murs gris clair, toitures gris foncé, escaliers gris, même le ciel bleu, parfois paraissait gris. Dès l'entrée, on se noyait dans cette couleur de cendre et les sentiments devenaient sombres.
La lourde porte cochère et son porche vous mettaient dans l'ambiance. La première se refermait avec un terrible bruit d'enfermement définitif pour vous laisser dans l'ombre froide et humide du second. Vous ne pouviez échapper au porche qu'après avoir vendu la presque totalité de votre âme à un concierge-cerbère. «Nom?» «Qualité?» «Raison de votre présence?» «Rendez-vous ou pas?» Son regard glauque vous dévisageait pour vérification. Il lui fallait déceler le moindre mensonge apparu dans une ride ou la chute d'une paupière du visiteur. Le passage du Styx devait être plus agréable. Lessivée, vous étiez lessivée avant d'avoir atteint la première cour.
........................

Ce jour-là, j'arrivai donc au bureau de l'institutrice en chef.
Encore plus incroyable mais tout aussi vrai, la grande prêtresse qui régissait maintenant les petites âmes de six à douze ans s'appelait Madame D.....
Lorsque je me présentai à son bureau, mon nom ne lui rappela rien, elle ne me reconnut pas.
Entretemps, les eaux de la Trouille* et de la Haine* avaient coulé sous les ponts et, devenu certain, l'âge de la dame l'avait calmée. Elle m'accueillit avec des paroles très amènes, me fit les recommandations d'usage pour une temporaire débutante et me conduisit vers la classe à prendre en main durant quelques semaines : la cinquième primaire.



**La Trouille et la Haine : deux rivières qui passent à Mons ou dans les environs de la ville


(à suivre)

mardi 3 septembre 2013

Souvenirs d'enfance (13 - deuxième partie ) Lycée Royal de M... La division

Lycée Royal de M ...... 
La division   (suite)


Madame D..... , depuis la rentrée, avait semblé éprouver une véritable délectation devant des opérations parfaitement exécutées. Je découvrais, ce jour-là, qu'une jouissance plus subtile pouvait aussi faire son régal : face à ses sbires de onze ans et à leurs ricanements, celle de torturer, d'humilier durant de longues minutes, une enfant prise au piège d'une scolarité assez fantasque. Comme il lui était facile de faire porter à une fillette, pétrifiée devant le tableau noir, la responsabilité de la décision qu'elle allait prendre : « Puisque cette petite imbécile refuse de travailler, vous resterez toutes assises à vos places, mesdemoiselles, et la leçon de gymnastique est supprimée. Tant qu'elle n'aura pas effectué sa division, nous resterons ici ! » Là, il faut reconnaître que les sbires ne rigolaient plus et je compris qu'à la prochaine récréation je ne serais acceptée dans aucun jeu pour cause d'imbécillité.
Eh oui! le summum du manque de pédagogie venait d'être atteint : tout un troupeau puni pour une seule brebis galeuse. Notre tyranneau pouvait être satisfaite, en deux petites phrases, elle avait retourné toute une classe contre une seule élève.
Vite étouffées, quelques plaintes s'élevèrent derrière moi. « Pourquoi une telle injustice ? Oh! Justement la gymnastique, on aime tant ! S'il vous plaît, Madame ! »
Rien n'y fit. Je me tiendrais debout devant le tableau et le reste de la classe s'occuperait en silence dans l'attente de la sonnerie salvatrice et de l'échappée vers le réfectoire ou la maison.
Quand la sonnerie retentit enfin, comble de raffinement, Madame Dupuis, portée en avant par les deux obus qui lui servaient de seins, vint ranger son bureau sans même me regarder. Pour elle, je n'existais pas. Ou plutôt, je n'existais plus. Rayée de ses préoccupations. Pas un mot, pas un regard, pas un geste de sa part ne vint calmer mon désespoir. Elle ne tenterait rien pour essayer de comprendre mon mutisme. En cette rentrée de septembre, j'étais un boulet qu'on avait accroché au wagon de sa classe de cinquième primaire et la seule solution qu'elle avait trouvée pour ne pas en sentir le poids était de m'ignorer. Cette leçon sur la division m'avait rendue invisible.
Dès les premières stridulations de la sonnerie, chacune s'était dirigée vers son portemanteau pour en décrocher son vêtement dans un silence de mort. J'avais suivi, bonne dernière. Personne ne m'avait regardée, personne ne m'avait parlé et c'est dans cette atmosphère de fin du monde que je quittai le lycée.
Des divisions, j'en ai connu tant et plus dans ma vie mais cette euclidienne-là fut l'une des plus terribles car elle allia à une méconnaissance mathématique qu'il m'était impossible de justifier une humiliation inique et à une responsabilité écrasante. Comment argumenter, à onze ans, pour expliquer que la vie scolaire vous est presque inconnue et qu'une division, même drapée dans sa jolie poussière de craie blanche, vous l'est tout autant?

(à suivre)

dimanche 1 septembre 2013

Souvenirs d'enfance (13) Lycée Royal de M... La division ( POUR MON FILS FRANCOIS et POUR MON PETIT-FILS MARCEAU )

Lycée Royal  de M ......

                       La division

(N'ayant quasiment jamais été scolarisée durant les 3 premières années primaires et la 4ème ne m'ayant pas marquée par des acquis importants en mathématique ou autres matières, voici le souvenir d'un début de cinquième primaire)

J'étais seule, debout devant un tableau noir, si souvent lavé, frotté, essuyé, qu'il en avait pris une teinte verdâtre. Usé quoi.
Seule devant deux lignes blanches tracées à la craie, l'une verticale et assez longue, l'autre horizontale, beaucoup plus courte et accrochée haut sur le côté droit de sa voisine. De part et d'autre, deux nombres. Celui de gauche était, de toute évidence, plus important que celui de droite. De cet aspect des choses, j'avais une conscience objective mais cette objectivité n'était d'aucune valeur au regard de la méconnaissance des divisions qui était la mienne. Car c'était bien une division qui se dressait devant moi comme une potence. Il n'y manquait que la corde pour m'y pendre.
J'avais beau regarder cette opération sous toutes ses coutures, je ne voyais vraiment pas comment il fallait s'y prendre pour en venir à bout. Aide-toi et le ciel t'aidera! Mais où était-il donc ce ciel qui aurait pu aider une jeune mécréante en pleine déconfiture mathématique?
A vrai dire, j'étais tellement tétanisée par le stress de la situation que je n'arrivais plus à penser. Le peu que je connaissais du principe de la division écrite était maintenant en déroute et plus les minutes passaient plus l'angoisse montait et moins le cerveau fonctionnait. Un véritable Waterloo scolaire.
Et oui, je le savais bien qu'à gauche se trouvait un gros nombre joufflu qui aurait dû être réduit à néant par le petit agressif de droite et que ce dernier avait pour mission de faire couler son adversaire à pic vers le bas du tableau. A part cela, bernique! Tout s'embrouillait.
Depuis cinq minutes, mon esprit macérait dans un jus de désespoir noir suie et mon corps, bloqué en position verticale, rêvait d'une chaise salvatrice.


Osant à peine respirer, je sentais derrière moi, toute une classe qui retenait son souffle dans l'attente de la très probable explosion finale déclenchée par une institutrice au tempérament volcanique, furieuse d'être tenue en échec par «cette petite imbécile qui le faisait exprès de ne rien comprendre».



Mais non, je ne le faisais pas exprès, Madame D....  Si j'en avais eu la possibilité, cette division, je vous l'aurais expédiée en deux coups de cuillère à pot. C'eut été un bonheur que de la pulvériser d'une craie ferme, de cette même craie qui pendouillait si lamentablement au bout de ma main fatiguée d'être crispée. Je me serais fait une joie de prouver à toute la classe que j'étais, moi aussi, capable d'effectuer correctement une opération complexe. Et je t'aurais divisé à gauche, et multiplié à droite, mentalement, pour vérifier, juste le plaisir de vérifier, et je t'aurais soustrait à gauche, encore une fois, et j'aurais accéléré la cadence, plus vite, encore plus vite jusqu'à la réduction finale de tous les chiffres à zéro. Ah! Le bonheur, le bonheur inégalé de voir ce zéro débouler enfin sur la ligne d'arrivée.
Pour mon malheur, aucun chiffre n'avait encore quitté la ligne de départ !
(à suivre)