vendredi 5 septembre 2014

Souvenirs d'enfance (32) - Rentrée scolaire (2ème partie)

                 L'école

    L'école communale se situait à l'arrière des maisons et des jardins et, pour y accéder, il fallait longer une étroite allée de cendrée rouge. 
     Coincée entre le mur d'un jardin, à gauche, et le pignon de l'habitation de droite, cette venelle était assez longue et j'eus le loisir d'y admirer une magnifique vigne vierge déjà touchée par les couleurs de l'automne. Ma grand-mère me laissa ramasser quelques feuilles rouges tombées au sol et c'est avec ce bouquet coloré que je fis mon entrée dans la cour de récréation.
     Les bruits, les cris, les rires des enfants nous étaient déjà parvenus pendant que nous longions l'allée; en débouchant dans la grande cour, ce fut un tourbillon de jeux et de courses que je découvris.
     Sur la droite de la cour trônait un magnifique marronnier sous lequel avaient déjà roulé des dizaines de graines fraîches, brunes, brillantes   qui présentaient, aux mains avides des petits, le velours grège de leurs  ventres  ronds . C'était tentant en diable mais, la gorge serrée par la peur de l'inconnu, je ne désirais pas quitter l'ombre de ma grand-mère. D'un pas certain, elle se dirigea vers Mademoiselle Danièle, la maîtresse de la classe maternelle, qui, à l'ombre du grand arbre, surveillait la marmaille piaillant autour d'elle tout en discutant avec une collègue.
     Lorsque les présentations furent faites, ma grand-mère me proposa d'aller jouer avec les autres enfants. Profitant d'un moment d'inattention de ma part, elle me laissa, pour rejoindre le domicile familial . 
      Mademoiselle Danièle, indifférente à cette nouvelle enfant que l'on venait de lui confier, ne s'occupa plus de moi et reprit sa conversation avec sa collègue. 
     Lorsque j'eus constaté la disparition de mon aïeule, je n'osai plus me déplacer et restai alors sans bouger, livrée à moi-même, incapable de m'insérer dans les jeux; je ne connaissais personne dans cette cour en dehors de ma sœur. Intégrée de longue date, elle s'amusait avec les élèves de sa classe sans se soucier de moi. C'est à ce moment-là que mes larmes commencèrent à couler. Je me sentis totalement isolée au milieu de l'exubérance des enfants de mon âge. 
      J'aurais bien aimé jouer mais comment faire quand   la main droite tient un cartable, que la gauche serre un bouquet de feuilles si belles      et que l'estomac est broyé par l'angoisse de l'inconnu ?  Mais surtout, quand, sur la tête, un chou blanc   cherche à se désolidariser de la coiffure et qu'aux pieds, les chaussures blanches doivent     rester immaculées.

     Gourde empesée, je l'étais en arrivant dans la cour, gourde triste, je le restai jusqu'au tintement de la cloche annonciatrice de la fin des jeux et du travail à venir.   

(à suivre)

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