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mercredi 24 avril 2013

Souvenirs d'enfance (9 - suite - troisième partie) Val d'Isère

Val d'Isère   (suite)

Torrent de montagne
                                                 Crédit photo : Google banque d'images - torrents de montagne

Cette première expérience torrentueuse ne fut pas la dernière et ne me servit pas de leçon. Je savais que le cours d'eau devenait dangereux en fin d'après-midi. Mais à quel moment de la journée se situe une fin d'après-midi quand on a huit ans ? Ajoutons à cette insouciance que j'aimais beaucoup faire de l'esbroufe lorsque je me trouvais en compagnie d'enfants de mon âge. Ces éléments rassemblés provoquèrent une nouvelle catastrophe.
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Après avoir chanté et rechanté notre répertoire, nous décidâmes de passer à des activités plus physiques. Nous quittâmes le dessous du balcon et nous dirigeâmes vers l'île devenue accessible à tout un chacun depuis que les adultes y avaient oublié le pont formé par la grosse poutre. Et hop! Nous passâmes sans encombre. L'île, ce jour-là, n'offrait pas d'intérêt particulier et nous continuâmes nos explorations sur la seconde rive qui présentait l'avantage d'être moins piétinée et donc plus prometteuse de découvertes nouvelles. Furetant de-ci, de-là, nous nous retrouvâmes bientôt assez loin en aval de notre point de passage.
C'est ce moment que choisit le soleil pour commencer à disparaître derrière la montagne. Aussitôt, la température se fit plus fraîche, les ombres mauves des sommets s'allongèrent et nous pensâmes à rentrer auprès de nos parents. Chacun, sauf moi, fut d'accord pour refaire le chemin en sens inverse. Je voulus leur en mettre plein la vue et déclarai qu'il serait plus rapide de traverser le torrent à cet endroit : il suffisait d'enlever ses chaussures. Les arguments d'opposition se mirent à pleuvoir. L'eau avait commencé à monter. On ne pouvait pas enlever ses chaussures à cause des vipères. Nous n'allions pas pouvoir poser les pieds nus sur les galets, cela ferait mal. L'eau était bien trop froide etc... etc... Ma décision ne fléchit pas et je demandai à mes amis atterrés par l'inconséquence de mon projet de bien regarder comment j'allais leur ouvrir la voie. Je m'assis, enlevai mes petites bottines et mes soquettes puis, prenant mon courage et mes chaussures à deux mains, je m'engageai dans le torrent. Effectivement, l'eau était plus que froide. Glaciale, pourrait-on dire. Je n'en laissai rien paraître. Comme les amis l'avaient dit, marcher sur les galets faisait très mal et, à tout moment, je risquais de me tordre une cheville. Je m'entêtai et poursuivis mon avancée mais de plus en plus lentement. Lorsque je fus au milieu du torrent, je réalisai enfin la folie de mon entreprise : le courant, à cet endroit était devenu tellement violent qu'il m'interdisait d'encore soulever un pied ni pour une marche arrière ni pour une marche avant. Je stationnai, cherchant avec angoisse comment me tirer de ce pétrin sans y perdre mon honneur. J'avais beau m'accrocher à mes bottines, ne reposant sur rien, celles-ci ne pouvaient me sauver la mise. Derrière moi, les commentaires goguenards commençaient à fuser: «Vas-y, avance !» «Pourquoi t'arrêtes-tu ?» «Tu as peur des poissons ?» «Je pensais que c'était si facile !»
Achever un homme à terre a toujours fait partie des habitudes humaines. Rien ne me fut épargné et surtout pas les petits ricanements qui vrillent les tympans comme des forets.
Mon père, ce héros
Lorsque, prise de panique, les jambes saisies par le froid du torrent, les muscles des cuisses prêts à céder à la fatigue, je tournai la tête vers le public moqueur pour déclarer d'une voix blanche que je ne pouvais plus soulever un pied, la panique s'empara du groupe. La plus sensée d'entre nous comprit qu'il ne fallait plus rigoler. Elle prit ses jambes à son cou et fonça en sens inverse, retraversa la poutre en une fraction de seconde et courut chercher du secours auprès de mon père. Celui-ci arriva à toute vitesse et, une fois de plus, n'hésita pas à tremper ses bottines et ses bas afin de me récupérer au milieu du torrent qui montait de plus en plus. Cette fois-là, je crois qu'il me sauva la vie. Une ou deux minutes de plus et j'aurais lâché prise.
L'émotion fut tangible chez tout le monde et la réprimande fut de nouveau au rendez-vous. Plus jeune que ma sœur, je bénéficiai quand même d'une certaine compréhension pour mon manque de réflexion et ne fut pas trop grondée. Si punition il y eut, je n'en garde pas mémoire.

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