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jeudi 28 novembre 2013

Souvenirs d'enfance (16 - première partie) Les pétards

Les pétards


Dans le haut de la rue Félix Nihoul se trouvaient quelques terrains en friche destinés probablement à de futures constructions. Envahis par les hautes herbes, en été, ils offraient des terrains de jeux intéressants à notre petite troupe et lors de nos parties de cache-cache, nous utilisions souvent la hauteur des herbes pour trouver des refuges faciles.
Face à ces terrains, sur le trottoir perpendiculaire à notre rue, deux petits magasins de village. Celui de gauche, une droguerie, offrait un choix restreint de jouets, de pots de peinture et de quelques outils pour des bricolages peu importants, celui de droite, une épicerie sombre, peu achalandée, pouvait dépanner l'une ou l'autre ménagère imprévoyante lors d'un besoin urgent de sel, de café ou de macaroni. Ma mère s'y rendait régulièrement car nous avions découvert que la plus âgée des deux épicières était une lointaine cousine de mon père. Il était normal donc, pour entretenir de bonnes relations familiales, de faire quelques achats chez elles.
Mes amis et moi-même, lorsque nous avions un petit franc à dépenser, aimions aussi nous y rendre car c'était là que nous pouvions trouver des oublies remplies de «sur», de gros cuberdons bien mauves ou des boîtes de cachoux que nous adorions faire claquer en appuyant sur les couvercles. Pour les deux vieilles épicières, nous représentions une clientèle fidèle quoique un peu trop exubérante lorsque nous envahissions à quatre ou cinq l'espace exigu de leur échoppe. Mais, bon, en commerçantes avisées, elles n'allaient pas trop rouspéter contre nos passages : un sou est toujours bon à prendre.
Durant longtemps, les relations furent correctes sinon excellentes entre les habitants du quartier, les épicières et nous, les enfants, jusqu'au jour où...
Un matin d'été, n'ayant encore décidé d'aucun jeu précis, notre petit groupe traînait le long des façades des deux magasins, allant d'une vitrine à l'autre, réfléchissant à un achat éventuel tributaire de nos minimes économies ou lorgnant en direction des rares clients pour découvrir un petit travers vestimentaire dont nous pourrions nous gausser à voix basse.
Mon regard se posa, par hasard, sur un produit nouveau qui venait d'être installé dans la vitrine de la droguerie : de petits cylindres cartonnés terminés, à l'une des extrémités, par une demi-sphère grise et rugueuse.
 - Venez voir, ils ont reçu des pétards!
 - Dis donc, il y en a de gros!
 - Ouaw! Ils doivent faire un bruit terrible!
 - Oui, mais combien coûtent-ils?
 - Qui entre pour demander?


Il fut décidé que nous entrerions tous. Nous poussant de l'épaule et nous bousculant, nous envahîmes le magasin Celui-ci, contrairement à son voisin, était spacieux et permettait à de nombreux clients de tourner entre les pots de peinture sans rien bousculer. Notre entrée fracassante ne créa donc pas de désordre parmi les marchandises. Nous nous alignâmes le long du comptoir et, après une brève hésitation, le plus franc des garçons demanda le prix des gros pétards.  



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