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mardi 3 décembre 2013

Souvenirs d'enfance (16 - 3ème partie et fin) Les pétards

Les pétards  (3)



Le résultat fut terrifiant, au-delà de tout ce que nous avions pu espérer. La vieille porte, sous le coup de la déflagration, faillit sortir de ses gongs et continua à trembler quelques secondes. Le bruit sembla se répercuter à l'infini dans toutes les directions de notre quartier. Nous en avions le souffle coupé et, aplatis au sol, nous n'osions plus bouger : nous venions de comprendre que la punition qui allait suivre serait mémorable.
Nous n'avions pas encore tenté de nous redresser que la porte de l'épicerie s'ouvrit avec violence, la vieille arrière-cousine de mon père surgit comme un diable, rugissant de rage, s'en prenant au ciel et à la terre qui supportait le poids de ces enfants infernaux et maudissant les parents sans autorité.
Le ventre proéminent couvert de son coquet tablier de ménagère sans reproche, le cache-cœur en laine brune croisé sur ses gros seins, la mèche grise en bataille, l'œil enflammé de colère, elle entreprit de descendre notre rue et se dirigea droit vers la maison de mes parents. Pourquoi pensait-elle que j'étais seule responsable de l'aventure? M'avait-elle vue ? M'avait-elle entendue ? Mystère! Le fait est que c'est chez nous qu'elle vint porter plainte. Je ne sais ce qui fut dit mais les relations entre mes parents et la cousine en prirent un sale coup et pour longtemps. Quand ma mère dut encore aller faire un achat de dernière minute dans l'officine de cette parentèle, ce fut en pagayant sur un iceberg qu'elle s'y rendit.
Prudents, nous restâmes couchés dans les hautes herbes suffisamment longtemps pour permettre le retour de l'épicière dans son échoppe et ce ne fut qu'après avoir entendu la porte violée se refermer dans un grand claquement que nous prîmes nos jambes à notre cou et rentrâmes chez nous têtes basses pour y subir des représailles bien méritées.
Je ne peux que reprendre les versions présentées par mes amis lors de nos rencontres suivantes mais, par rapport à ce qui se passa chez moi, ce ne dut pas être glorieux.
A Paul, le fils de l'ingénieur, il fut interdit de nous fréquenter plus longtemps. Anne pouvait encore venir jouer chez lui mais lui ne jouerait plus que dans son jardin ou dans la villa.
Chez Étienne, le sermon dura des heures : Dieu ne pouvait admettre une telle méchanceté chez sa brebis et l'égarement récent ne devait plus jamais recommencer et, dimanche, il irait se confesser et avait-il réfléchit qu'il venait de faire sa grande communion? Et... Et... Et...
Monique échappa plus ou moins à la réprimande. Ses parents, nouveaux venus dans la rue, furent tenus à l'écart du drame. De toute manière, quand son père revenait le soir de son travail à l'usine, il valait mieux ne plus l'ennuyer avec les petits problèmes de quartier.
Pour moi ? Mon père, tiré de ses chères études, fulmina comme rarement, suite à la venue et aux plaintes de sa parente. Interdiction formelle me fut faite d'encore acheter le moindre pétard, interdiction formelle d'aller traîner dans le haut de la rue et obligation, pour rester sous surveillance (les bracelets électroniques n'existaient pas encore), de jouer au tennis devant la maison. A mon avis, les punitions furent moins graves que la faute.
Avec le temps, les interdits et les obligations s'estompèrent surtout lorsque les plaintes des voisins qui craignaient pour leurs fenêtres suite à nos matchs de tennis endiablés nous permirent de reprendre du large et d'aller jouer plus loin.

 Des pétards, nous n'en achetâmes plus jamais. La droguerie ne fit pas faillite pour autant et un calme acceptable plana de nouveau sur la rue Félix Nihoul.

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