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jeudi 30 octobre 2014

Souvenirs d'enfance (33) Jeux d'antan (1ère partie)

Jeux d'antan




Regardé par transparence, le noir de notre palet se transformait en une teinte allant du mauve foncé dans les parties bombées au lilas plus clair dans les fines rainures. Ce jouet en verre était une merveille et c'était lui qui embellissait nos parties de marelle. Ce matin, sous le soleil printanier, abandonné négligemment sur la case du Paradis suite à une querelle enfantine, il brillait, solitaire, et attendait notre retour avec la patience de celui qui a déjà assisté à une multitude de disputes futiles.
Quelques minutes auparavant, ma sœur avait prétendu m'avoir vu toucher du pied droit l'une des lignes de la marelle incrustée dans la terre battue de notre cour. «Tu mens» avais-je répondu, colérique à mon habitude. Je savais qu'elle avait raison et ce fait augmentait ma colère. Elle, s'était obstinée : «Mais si, tu l'as touchée, tu as perdu, c'est à mon tour de jouer». Quant à ça, il n'en avait pas été question. J'avais voulu continuer à sautiller d'une case à l'autre, poussant le palet du pied et je n'aurais cédé pour rien au monde. Mon aînée avait alors voulu s'emparer du palet pour interrompre mon avancée et cela avait été la goutte qui faisait habituellement déborder le vase de nos relations sororales.
Poussée par ma mauvaise foi, j'avais tapé le palet d'un coup de pied rageur, l'avais envoyé valdinguer loin du quadrillage du jeu puis, la figure crispée par la bouderie , étais partie chercher notre petite balle rouge pour jouer seule à «la balle au mur». Mon aînée, adoptant l'attitude de celle qui possède tout son self-contrôle, était allée rechercher le jouet maltraité. Grande dame, elle l'avait déposé sur la cinquième case du jeu puis s'était dirigée vers le vieux tilleul. Avec la souplesse d'un chat sauvage, elle avait entrepris son escalade jusqu'aux plus hautes branches pour mieux dominer le monde du regard et prendre du recul par rapport à moi.
Jouer seule, j'en avais l'habitude mais, quand ma sœur se trouvait dans les environs, cela me pesait. Décidée à faire un premier pas, mine de rien, j'étais venue m'asseoir sur la balançoire installée sous le tilleul et, chantonnant une comptine, j'attendais maintenant que mon aînée daigne redescendre de sa cime privée.
Elle aussi pouvait faire preuve d'entêtement surtout quand elle savait que cela me faisait enrager. L'attente avait été longue. Finalement, l'arrêt du chant des tourterelles dans le tilleul et un faible frémissement du feuillage m'avait prévenue de sa venue condescendante. Nous allions enfin pouvoir recommencer à jouer.
Le palet fut repris, jeté dans la première case, poussé du pied et, après avoir marqué son temps d'arrêt au Paradis, avait terminé son voyage en sortant par le huitième rectangle sans la moindre anicroche. Vraiment, ma sœur était forte! Ce constat ne m'avait pas plu mais j'avais bien dû admettre la réalité du fait. 



(à suivre)

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