Souvenirs d'enfance (33) - Jeux d'antan (4ème partie)

    Les bulles de savon

Dès notre retour à la maison, aussi bizarre que cela puisse paraître, ce n'était pas notre nouveau palet qui avait la primeur de nos attentions mais bien le jeu obtenu en second choix.

      Des pipes en terre cuite, mon Dieu, combien j'en ai eu !
     Auprès d' Olga, j'obtenais un grand bol rempli d'eau tiède savonneuse préparée avec une cuillerée de savon noir. Je m'installais sur la pierre bleue du seuil de la cuisine et là, à l'aide de ma nouvelle acquisition, je cherchais à obtenir les bulles les plus grosses possible. Elles n'étaient jamais assez grosses, jamais assez irisées et, à mon avis, n'atteignaient pas les hauteurs vertigineuses espérées. 

    Je soufflais de longues secondes pour former la plus belle sphère, retenant mon souffle quand je risquais d'atteindre le point critique d'éclatement puis je détachais la bulle en balançant légèrement la pipe de gauche à droite et je la regardais s'éloigner, poussée par un infime souffle d'air.      Assez gonflées et légères, les bulles s'élevaient dans la lumière ambiante, renvoyant leurs reflets bleutés, mauves, verdâtres vers mes yeux émerveillés; détachées trop vite et trop lourdes, elles stagnaient une seconde à hauteur de la pipe avant d'entamer la descente qui les ferait éclater au sol; trop nombreuses, elles se fragmentaient par contacts mutuels. Parfois, rarement, l'une d'entre elles s'élevait parmi les papillons jusqu'à la cime du buddléia et c'était une réussite qui procurait un grand bonheur.

    Il arrivait parfois que, voulant retenir ma respiration, j'y mettais trop de fougue et, inversant le processus, j'aspirais l'eau savonneuse située au fond de la pipe. Dans ce cas, le jeu s'arrêtait net. Dégoûtée par le goût amer du savon, je lâchais tout pour me précipiter vers l'évier où je me rinçais la bouche à grandes gorgées d'eau. L'attrait des bulles irisées disparaissait et je partais à la recherche d'une autre occupation.