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samedi 22 août 2015

Mémoires d'instit - Le pire reste à venir

Le pire reste à venir

    En cette fin d'après-midi ensoleillée, je jardinais tranquillement devant chez moi, me remémorant cette première journée de classe et les nouveaux élèves que j'avais accueillis le matin. La rentrée avait eu lieu et une nouvelle période de scolarisation s'amorçait. J'aimais cela.
    Fin juin, il y a toujours un petit pincement au cœur lorsque, pour la dernière fois, on voit partir cette vingtaine ou trentaine d'élèves avec lesquels on a passé de bons ou de moins bons moments. Il y a eu de la tendresse, parfois des accrochages sévères, des apports de la part de l'enseignant tout comme de celle des élèves. En tout cas, jamais aucune indifférence. Ce sont les petits des hommes qui passent entre nos mains et il faut les mener le plus loin possible durant ce bout de vie que nous partageons ensemble.
    Début septembre, c'est le plaisir de découvrir de nouvelles personnalités, des caractères souples ou plus rétifs. Le plaisir aussi d'établir de nouveaux contacts, de créer des liens, différents d'un élève à l'autre.
Voilà, j'en étais là de mes réflexions lorsqu'une voix joyeuse s'éleva derrière moi :
     - Bonjour, Madame Moreau !
    Je me retournai et je vis un ancien élève qui avait quitté ma classe depuis trois ans .
    C'était le joyeux Maxime !  Toujours la même bonne bouille toute ronde. Le sourire avenant, les yeux pétillant de malice. Il n'avait pas maigri durant ces trois ans mais j'aurais été incapable de l'imaginer autrement.
    - Ah ! Bonjour Maxime, tu te promènes ?
    - Oui, je passais. Vous voulez un coup de main pour la pelouse ?
    Mes anciens élèves étaient nombreux à habiter mon quartier et se proposaient souvent à me rendre un « petit service » lorsqu'ils me voyaient jardiner. Enfin, le coup de main, c'était le prétexte car je crois que ce qu'ils aimaient par-dessus tout, c'était venir discuter quelques minutes avec celle qui, durant un an, les avait tenus en laisse et avec laquelle, maintenant, ils pouvaient discuter presque sur un pied d'égalité.
    Et aujourd'hui, c'était Maxime qui passait.
    - Dis-moi, Maxime, comment s'est passée la rentrée ?
    - Oh ! Bien, bien. Aucun problème (avec lui, il n'y en avait jamais). On n'a pas fait grand chose. Vous savez que Nicolas est rentré en Belgique ?
    - Non, je pensais qu'il resterait encore un an.
    - Il est parti. Mais il y a deux nouvelles filles.
    - Jolies ?
    - Ça, on verra plus tard. Pour le moment elles n'ont pas dit grand chose.
    - Laisse-leur le temps de s'adapter. Un changement d'école n'est jamais facile.
    - Un changement de classe non plus ! Tiens, en parlant de cela, j'ai rencontré vos nouveaux élèves et je leur ai demandé comment cela allait avec vous.
    - Ah bon ? Et que t'ont-ils dit ?
    - Que vous étiez sympa, qu'ils avaient déjà appris une petite chanson, que vous leur aviez lu une histoire et que vous leur aviez permis de dessiner...
    - Mon Dieu, oui ! C'est le premier jour ! J'ai fait la même chose avec vous quand vous êtes arrivés dans ma classe. Il faut mettre les enfants  en confiance.
    - Je sais, c'est pour cela que je me suis permis de les prévenir.
    - Mais qu'est-ce que tu leur as dit ?
    - Que vous faisiez toujours ça le premier jour mais que, quand vous alliez commencer à compter jusqu'à trois, ils avaient intérêt à se taire car... le pire restait à venir !

Sacré Maxime ! Toujours aussi joyeux luron cet enfant !



7 commentaires:

  1. Tu as de si beaux souvenirs ;) ... Moi aussi en classe .. Cela s'est gâté quand je suis devenue directrice dans le BW, 350 élèves et 33 membres du personnel à sauve-garder dans mon école ... Les 2 premières années, j'ai doublé le nombre d'élèves. Mais par la suite ... aucun soutien de la part des ' pédagogues ', des ministres, des directeurs généraux ... et encore moins des inspecteurs ... Je coûtais trop cher ... A croire qu'une école qui progressait devait, à tout prix, être ' étouffée ' ... Heureusement, j'avais les parents avec moi ... Ils adoraient la discipline, style ' Siegen ' LOL !... Mais la conclusion : je suis partie dès que j'ai pu à 55 ans ...

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    1. Oh, il ne faut pas se faire d'illusions, il y a de bons et de mauvais souvenirs à parts égales, je pense. Moi, ma fin de carrière fut duraille car, étant devenue déléguée syndicale à Weiden, j'ai défendu un collègue qui était vraiment bon dans son enseignement mais soixantehuitard attardé. Ce qui me valu d'être admise parmi les parias. Anne-Marie S.... et sa grande copine, la préfète, m'en ont fait voir de toutes les couleurs. Elles n'ont pas digéré le fait que j'avais empêché la mise à pied de cet homme de plus de cinquante ans. ça mis à part, ce fut un métier que j'ai bien aimé et si l'Allemagne avait encore continué, je serais allée jusqu'à mes 65 ans au lieu d'arrêter à 60. Honnêtement, il y a eu des bagarres très désagréables à affronter parfois mais je ne regrette rien. Bientôt, tu vas bien rire car je suis en train de peaufiner le souvenir d'une aventure dans laquelle Freddy L..... a joué un grand rôle.

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  2. J'oublie de te dire : jamais je n'aurais voulu être chef d'école, il y a trop de coups bas ou de coups de poignards dans le dos. J'ai dû assumer ces fonctions durant 15 jours à Siegen et j'ai bien cru que j'allais devenir folle. Quand tu veux être juste, tu ne sembles pouvoir l'être que pour la moitié des collègues tandis que l'autre moitié te cloue au pilori surtout quand, dans l'école, règne en maître un délégué syndical qui a ses préféré(e)s !!! . Après cette expérience, je suis allée trouver Monsieur Marchal pour lui demander qu'il ne me désigne plus jamais. Toi et Francis Conrad faisiez cela très bien mais, honnêtement, très peu pour moi !

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  3. Je ne me souvenais pas que tu avais fait la direction. Tu sais, le délégué syndical en question ne s'est pas privé de me torpiller dès qu'il le pouvait !... Ainsi qu'un certain prof de gym et de morale ;) ... Il n'est pas bon de se lancer dans cette carrière au milieu de ses propres collègues !...
    Rentrée en Belgique, c'est l'Inspecteur Potier qui m'a poussée à m'inscrire au brevet. Je n'y ai d'abord pas cru quand j'ai appris que j'avais réussi du premier coup ! Je me suis retrouvée dans une école autonome à Tubize. J'étais seule pour tout gérer avec une secrétaire-comptable. Mais l'ambiance était formidable, rien à voir avec Siegen ... Ce sont les administrations, le ministère, tous ces gens qui se fichent royalement de l'avis des enseignants et du bien-être des enfants qui m'ont empoisonné l'existence. Ce n'était que magouilles, rivalités et politique de bas étage ...
    Cette année, cela fait 10 ans que j'ai arrêté et je ne l'ai jamais regretté ... Maintenant, je cultive mon jardin ;) ...

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  4. J'ai dû faire ce remplacement après ton départ. Il fallait quelqu'un pour prendre la relève de Francis qui était parti en classe verte avec ses élèves.Si j'ai bonne mémoire, il existe un règlement disant que l'on ne peut pas prendre la direction d'une école quand on y est soi-même enseignant... Mais ce règlement n'était pas appliqué, en tout cas, en Allemagne. Le délégué syndical était une véritable pourriture. Te souviens-tu qu'il m'avait un jour poursuivie dans les couloirs pour me frapper parce que je refusais de lui signer je ne sais plus quel papier ? J'ai dû me réfugier dans le bureau du directeur ( à l'époque Monsieur Perpète) pour lui demander de m'accompagner pour m'aider à sortir de l'école. Avec le prof de gymnastique du primaire, je n'ai eu aucun problème, il restait assez neutre. Par contre avec le prof de morale et sa femme, prof de math, mes fils en ont vu pis que pendre uniquement parce qu'ils étaient mes fils. En math, pour pouvoir leur enlever des points, elle leur en enlevait pour les fautes d'orthographe dans les exercices de math ! ! ! Et leur prof de gym les avait exclus du cours pour avoir parlé dans les vestiaires. Ils ont dû rester, la figure tournée vers une tenture durant plusieurs cours. Mon mari a dû venir de Rösrath pour intervenir auprès de Marchal. Ce groupe-là formait l'une des pires mafias parmi toutes celles croisées dans ma carrière. Une très grande époque, vraiment !

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  5. Oufti! J'en apprends des "choses" en vous lisant...quelle chance j'ai eue d'échapper à ce genre d'événements...J'en ai connu d'autres, dans d'autres établissements...mais pas à ce point! Il faut dire que j'étais de passage et survolais les "magouilles";) J'ai reconnu certains de vos "tortionnaires" et je peux confirmer leur "esprit d'équipe"... "Souvenirs...attention, danger..." Chantait Serge Lama. Tu en auras des souvenirs à me raconter...?! A bientot;)

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  6. Oui, mais tu sais Dany, il y eut aussi de grands moments de rigolades. Pas que des horreurs tous les jours. Allez, je vous passe le souvenir suivant dans le texte suivant.

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