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samedi 6 février 2016

Cette semaine à vaison, deux films belges à l'honneur...


...et, franchement, ils méritent bien l'intérêt marqué par le public de connaisseurs qui n'a pas regretté de s'être déplacé.


De Bouli Lanners, avec Albert Dupontel et Bouli Lanners Sortie le mercredi 27 janvier

Un film pour le plaisir, de Bouli Lanners, acteur, réalisateur belge, dont c’est le quatrième long métrage. Il se met en scène aux côtés d’une panoplie d’acteurs/d’actrices exceptionnels, tous plus taiseux les uns que les autres. Il revendique un western, il est amateur du genre.
Situé dans la partie sud de la Beauce, dans un décor de plaines, plates à l’infini, de champs sans arbres, quelques fils électriques qui se balancent sous l’effet du vent permanent et glacial de l’hiver, une lumière blafarde, des couleurs marron de la terre, le brun des arbres sans feuilles, des cieux gris ou nuageux, rarement lumineux. Et des silos, des gares désaffectées, la ligne abandonnée de l’aérotrain.
Des couples étrangers à ces lieux errent et se cherchent dans ce décor, deux chasseurs de primes à la recherche d’un portable, deux jeunes marginaux, un peu handicapés, qui cherchent une enfant, et une bande de méchants, chasseurs, qui traquent les étrangers et veulent se faire justice eux-même. Crépusculaire et fantastique à plus d’un titre, mais non sans humour, avec, cerise sur le gâteau, Michael Lonsdale et Max Von Sydow en presque fantômes. On sort de là heureux.
Jean-Marc Bourquin
https://npa2009.org/idees/culture/film-les-premiers-les-derniers

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19559017&cfilm=231779.html


 TWO LOVERS


Certains films commencent de manière plus intrigante que d’autres, accrochent plus rapidement l’intérêt du spectateur curieux. Malgré des airs de réalisme social bien identifié, le début de Je suis à toi comporte un certain nombre de décalages. Qui est qui dans cette histoire d’amour où personne n’arrive à se faire comprendre dans sa langue maternelle ? Quelle est l’histoire de ce couple improbable, sorte de Laurel et Hardy gays, projetés dans les bras l’un de l’autre par une connexion internet ? Le réalisateur belge David Lambert (Hors les murs) ne joue pas avec le spectateur, mais il possède un sens du détail et du détour qui témoigne d’une vraie finesse d’écriture. Après tout, Je suis à toi s’ouvre sur la promesse d’une mise en scène brut (celles d’une webcam crade), et d’images toutes aussi crues (un pénis en érection, dès la première scène). Mais la piste est doublement fausse, car ce que le film dévoile peu à peu, c’est plutôt un mélange particulier de registres, à mi-chemin entre tendresse et chagrin. A l’image d’une relation qui commence comme un plan cul imaginé, et qui devient cruellement banale. A l’image également de l’acteur argentin Nahuel Pérez Biscayart (déjà croisé chez Benoît Jacquot), dont le corps sec et les yeux immenses créent un contraste saisissant, à la fois tendu et naïf.
A mesure de l’évolution surprenante de son récit, c’est le film entier qui finit par ressembler également à un paradoxe. Avec l’arrivée d’un personnage féminin, Je suis à toi change de couple de protagonistes, change de ton et même de rythme. Le tout progressivement, presque l’air de rien. Indépendamment du fait qu’il passe d’un couple homo à un couple hétéro, le film se retrouve alors sur des rails cinématographiquement plus sages et plus convenus. Ceeux d’un réalisme un peu terne, faits de baraque à frites, du ciel toujours gris et de flippers au fond d’un bar de quartier. De curieux décrochages persistent encore (on danse dans la farine, on recrache du sperme, on entonne une chanson locale...) mais leur fréquence s’espace. Il est toujours un peu frustrant de perdre en cours de route un effet de surprise, et ce d’autant plus que cette deuxième partie prend son temps. A l’inverse, on doit également souligner la singularité d’un scénario où les moments les plus marquants se situent au début, afin d’amener le spectateur ailleurs. Où ça d’ailleurs ? C’est l’autre contrepied du film, qui retrouve son ton bien particulier... à mesure que s’approche un dénouement ambigu mais amer. A défaut d’être un happy end pour les protagonistes, c’en est un pour le spectateur, soulagé de voir un film qui semblait perdre son souffle retomber sur ses pattes.
par Gregory Coutaut

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