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jeudi 3 octobre 2019

Le Clezio : un texte magnifique en faveur de Greta Thunberg


(Je ne sais de qui est la photo, je l'ai prise avec le texte)


Il y a les imbéciles aigris du genre Onfray qui la compare à un cyborg et puis il y a Le Clézio.


 Portrait de Greta Thunberg par Le Clézio ( mars 2019 dans Libé)


"Son visage nous est devenu familier. Elle est sérieuse comme on l’est quand on n’a pas encore 17 ans, elle regarde l’objectif sans ciller, elle lit ses discours d’une voix posée, dans un anglais parfait, ses nattes sages encadrent ses joues rondes, ses yeux nous fixent sans une hésitation, elle se tient bien droit, les bras le long du corps, elle ressemble un peu à une gymnaste, ou à une déléguée d’un groupe de collégiennes. Elle est devenue la combattante la plus crédible du mouvement de défense de notre planète menacée par le gaspillage des ressources naturelles et la disparition des espèces animales. Elle est reçue par les plus grands, des présidents, des directeurs d’industrie, des éminences des banques. Elle parle à la COP 24, ce club très fermé qui reçoit dans la ville de Katowice en Pologne les politiques et les spécialistes de l’environnement, qui discutent beaucoup et ne font pas grand-chose. Son discours est facile à comprendre. Elle ne manie pas l’hyperbole, elle ne se cache pas derrière les statistiques inutiles et les promesses de Gascon. Elle ne flatte pas le public pour dénicher des électeurs. Elle dit que nous - les adultes, les responsables, les acteurs de notre monde égoïste et rapace -, nous n’avons rien fait, et que les enfants du futur nous demanderont des comptes. Elle dit même une chose plus terrible, que lorsque nous ne serons plus là, dans dix, vingt ou trente ans, elle y sera encore et que c’est à elle que les enfants demanderont des comptes. Elle nous accuse, de sa voix douce et calme, d’avoir oublié que la Terre nous est prêtée, pas donnée. Est-ce que nous pouvons l’entendre ? Nous avons si peu entendu les voix qui nous interpellaient, avant elle. Nous n’avons pas écouté la parole du chef des Indiens Lummi, le grand Seattle, lorsqu’il répondait au gouverneur qui lui proposait d’acheter les terres indiennes : «Comment pouvons-nous vendre ce qui ne nous appartient pas ?» Nous n’avons pas entendu les avertissements des hommes de science, d’Aldo Leopold, de Bertrand Russell. Nous n’avons même pas écouté Einstein quand il nous prévenait que si les abeilles venaient à disparaître, nous n’aurions que quelques mois à vivre.
Son action est simple, comme cela devrait toujours l’être quand il s’agit de choses normales. Chaque vendredi, elle appelle à la grève des enfants. Une grève des écoliers, il y a de quoi faire sourire les sceptiques. Avec un petit sourire, ils ne se privent pas de dire que c’est assez original, plutôt amusant. Et il lui faut du courage, à Greta, pour affronter le sourire ironique des adultes. Pourtant, quand elle apparaît, sur nos écrans, dans les pages de nos journaux, avec son visage grave et ses traits doux, et qu’elle dit de sa voix de colère contenue que nous devons paniquer, que nous devons réagir, nous indigner, commencer la lutte, changer notre façon d’être, notre rapport au monde et aux animaux qui l’habitent avec nous, que nous devons nous inquiéter de l’absence des saisons, de la disparition des insectes et des oiseaux, du dépeuplement des mers et du blanchissement des coraux, de cette sorte de silence assourdissant qui s’étend peu à peu sur la planète nature, au profit des vacarmes des villes, du mouvement fébrile des hommes, de l’exploitation à outrance des richesses du sol et des forêts, comment ne pas ressentir un coup au cœur, un tressaillement, comment ne pas être envahi par la nostalgie du futur, à l’idée de ce que nous n’avons pas fait, de ce que nous avons laissé se défaire, de notre regard qui s’est détourné, du grincement cynique de nos égoïsmes ? Comment ne pas l’entendre ? Comment avons-nous pu oublier à ce point nos responsabilités envers les générations à venir, comment avons-nous osé accepter que ceux qui vont pâtir le plus du changement climatique seront ceux qui n’ont pas participé à sa détérioration, ceux qui n’ont pas profité des bénéfices de la production, qu’ils mourront de faim parce que nous avons rempli nos garde-mangers à l’excès ?
Il n’est pas imaginable que tout cela ne soit qu’une crise passagère, que cela disparaisse dans le grenier encombré de nos luttes échouées, de nos approximations, de nos rêves fracassés.
Greta Thunberg, elle, n’a pas renoncé. Avec la gravité de son jeune âge, avec la science instinctive de l’enfance, elle monte à la tribune, elle dit ce que nous ne voulons pas entendre, elle brandit ses panneaux devant les Parlements, devant les politiques, les puissants de ce monde. Elle parle pour elle, pour sa génération, mais aussi pour ses enfants à naître, et au-delà des humains, pour notre Terre tout entière, dans sa précieuse et fragile beauté. Écoutons-la. Entendons-la. Il est peut-être encore temps."
J.M.G. Le Clezio

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Les scientifiques  donnent leur avis concernant les discours de Greta : ses discours sont-ils aussi manipulés que certains le pensent ???
Tous sont d'accord pour affirmer qu'elle écrit ses discours elle-même ....

Ivan Couronne
Agence France-Presse

 
S’il n’a pas vraiment fait bouger les leaders qui se sont exprimés après elle, son discours de quatre minutes et demie est devenu immédiatement viral, suscitant des dizaines de milliers de partages et de commentaires sur les réseaux sociaux.

Le statut dominant de Greta Thunberg dans le mouvement climatique n’est pas si difficile à expliquer, disent ceux qui ont côtoyé l'ado de 16 ans, en année sabbatique d'école et qui parle très bien l’anglais.

«Elle a fait quelque chose d’inhabituel, une grève de l’école, alors que l’école c’est vraiment important pour les enfants», dit Jennifer Morgan, directrice exécutive de Greenpeace International. Cette grève, elle l’a lancée à Stockholm avec sa pancarte en août 2018.

La simplicité de l’action a vite fasciné en dehors de la Suède, et un an après, ces grèves, régulières ou occasionnelles, ont gagné des dizaines de pays, propagées par les réseaux sociaux.

«Sa parole est très claire, et elle a prononcé des mots au sommet qui sont ressentis par énormément de gens», juge aussi Jennifer Morgan.

«Elle parle avec tant de passion qu’on est obligés d’écouter», dit la directrice exécutive d’Oxfam International, Winnie Byanyima.

Cette forme d’expression – toujours brève, percutante, et illustrée de quelques données scientifiques bien choisies – contraste avec les discours d’autres jeunes, comme on a pu le voir le week-end dernier à un sommet de jeunes. Certains s’expriment déjà comme leurs aînés, récitant de longs textes sans vrai sens de la formule.

La singularité de son expression, tantôt réservée, tantôt brute, est influencée par son syndrome d’Asperger, une forme légère d’autisme, dont elle dit qu’elle l’a rendue «très directe».

«Tout le mouvement qu’elle a inspiré, ainsi que son discours d’hier, jouent un rôle très important pour faire évoluer l’air du temps», dit Bill McKibben, fondateur de l’organisation 350.org, active dans le mouvement des grèves.

«Notre idée de ce qui est normal et attendu est en train de changer de plus en plus vite grâce au travail de Greta», ajoute l’écologiste, qui l’a vue à Washington et New York.

La voix de la science


Comme la jeune Pakistanaise Malala Yousafzai pour l’éducation des filles ou l’ancien élève du secondaire américain David Hogg qui milite contre la prolifération des armes à feu, Greta Thunberg a été accusée d’être une enfant manipulée.

Elle-même a répondu qu’elle n’était pas une marionnette : «Il n’y a personne “derrière” moi, à part moi», a-t-elle écrit sur Facebook en février. «Et oui, j’écris mes propres discours. Mais comme je sais que ce que je dis atteindra beaucoup, beaucoup de gens, je demande souvent des avis».

Son entourage donne plusieurs noms de scientifiques réputés qu’elle consulte : Johan Rockström, Stefan Rahmstorf, Kevin Anderson, Jean-Pascal van Ypersele, Glen Peters...

«Je suis convaincu qu’elle écrit ses textes elle-même pour l’essentiel, même si elle les fait relire», confirme le climatologue belge Jean-Pascal van Ypersele, en contact régulier avec elle et son père. Par messages, il l’a aidée encore la semaine dernière à préciser un point avant son intervention au Congrès américain.

Même commentaire de Kevin Anderson, de l’université de Manchester : «Je suis certain que Greta écrit ses propres discours, mais vérifie de façon appropriée la rigueur des faits, déclarations scientifiques et chiffres avec divers spécialistes».

«Si elle passait 10 minutes avec le président Trump à parler de physique et de chimie planétaires, à votre avis, qui dominerait?», demande Bill McKibben, admiratif.

Évidemment, elle ne voyage pas toute seule. Son père, le comédien devenu producteur Svante Thunberg, l’accompagne, ainsi qu’une amie de famille de longue date. Callum Grieve, de l’association Every Breath Matters, était aussi présent à Washington.

Elle ne gère pas non plus seule le déluge d’invitations et de demandes d’interviews. Les sociétés de communication spécialisées sur le climat et les ONG Climate Nexus et GSCC gèrent la logistique des demandes de presse, pro bono. De multiples ONG sont en contact pour coordonner des événements, comme 350. org, qui fait passer des invitations. «Elle n’a pas de grandes ONG derrière elle, elle est sa propre personne», dit la porte-parole de 350.org Kim Bryan.

Greenpeace Suède l’a un peu aidée l’hiver dernier avec de la nourriture et du soutien, dit Jennifer Morgan, mais à part cela, Greenpeace n’aide pas Greta Thunberg.

«Elle sait qu’elle peut nous appeler, mais elle a vraiment sa propre personnalité», dit-elle. «C’est du pur Greta». 

Photo :    http://Guilhem Méric   -- "Même la plus petite personne peut changer le cours des choses" - JRR Tolkien



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