Pages

dimanche 2 mai 2021

Une peur

 

 

 

A droite, le grand  fauteur*  de troubles !

 

 

Et voilà que ressurgit l'une de mes peurs d'enfant suite à : "Quelles questions vous posiez-vous lorsque vous étiez enfant ?"

A la réflexion, je n'ai pas trouvé beaucoup de questions datant de cette époque  lointaine. 

Cependant, si, l'une d'entre elles ne s'est pas effacée...

"Si j'ai avalé le noyau de ma cerise, est-ce que je vais mourir ?"

La naïveté de mes six ans,  proche de la niaiserie, me plongeait souvent dans un doute immense quant aux conséquences d'une action.    

 

Ce soir-là, nous avions une invitée, infirmière, amie de mes parents. Le repas venait de se terminer et ma mère apporta un grand plat de cerises, fraîchement cueillies, brillant des dernières gouttes d'eau de leur rinçage.  Charnues, d'un beau rouge sombre, une pure merveille ! 

En déposant le plat, ma mère me regarda et dit :

-- Surtout n'avale pas de noyaux en les mangeant !  

Après quoi, elle repartit vers la cuisine.

L'amie mit une poignée de cerises dans une assiette et  la fit glisser devant moi puis continua à s'entretenir avec mon père. 

Tout occupée à croquer les fruits et, en même temps, à écouter la conversation des adultes, je fus distraite et avalai l'un des noyaux. 

Lorsque je réalisai l'erreur, je me figeai une seconde avant d'annoncer d'une voix tremblotante qu'un noyau était passé dans mon estomac, lui aussi.

L'amie me regarda, se mit à rire et me dit :

-- Oh ! Tu vas avoir un cerisier qui va pousser dans ton ventre ! 

Mon père sourit sans intervenir. 

Comment alors ne pas accorder crédit aux propos de cette amie ? Elle était infirmière après tout,  elle savait donc de quoi elle parlait.

Mais quelle horreur ! un arbre dans mon ventre ? ? ?  L'effroi m'envahit.  Je commençai à sentir le noyau s'ouvrir et le germe pousser. Combien de temps faudrait-il pour que les branches se développent ? Allaient-elles me sortir par la bouche et le nez dans les jours à venir ? Cela allait-il me faire mourir ? Cette idée devint presque une certitude ! 


Je fis un effort immense pour ne pas me mettre à pleurer. Ma mère m'avait bien recommandé de ne pas avaler de noyaux et, connaissant son tempérament nerveux, il valait mieux ne plus me faire remarquer. 

Rongée par l'angoisse, je repoussai l'assiette de cerises et me tins coite jusqu'à l'heure du coucher, ressassant encore et encore l'idée d'un arbre incrusté dans mon ventre.

Dans mon lit, le sommeil n'arriva pas immédiatement et j'eus le temps de ressentir les chatouillements provoqués par le frôlement des  premières feuilles du cerisier sur les parois de mon estomac....

Peut-on parler de l'adaptation des enfants aux petits drames de leur vie ? En tout cas, le lendemain matin, l'angoisse m'avait quittée et la vie reprit son cours.

Ma foi, j'étais une petite nigaude qui  avalait aussi bien les propos irréfléchis que les noyaux de cerises.

 

 

 

* je n'ai pas trouvé de féminin pour ce mot mais, vu l'évolution de notre société, peut-être, ces dernières années,  en a-t-on créé un ??? 

 

 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire