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mercredi 27 octobre 2021

Mémoires d’instit - L'école des bateliers (2)

 

 


 

 

 J’en reviens à mon ami Baptiste

Amusant, il le resta toujours mais il arriva  parfois, et même souvent, que son tempérament dynamique, pour ne pas dire explosif, prenne le dessus. L’enfant, incapable de contrôler ce débordement, devenait alors quasiment ingérable.

Cet après-midi-là, durant une leçon de travail manuel, la discipline fut normalement relâchée.

Baptiste commença à agacer l’un puis l’autre de ses camarades. Il passa à un troisième puis à un quatrième faisant monter la tension autour de lui, ce qui l’amusait beaucoup.

J’intervins plusieurs fois mais sans aucun résultat .

Baptiste était en train de glisser de l’indiscipline légère à l’esprit révolutionnaire constructeur de barricades.

Ma patience disparue, je décidai de prendre le taureau par les cornes et de porter l’estocade qui consista à exclure Baptiste du cours durant cette heure de relaxation.

Ma collègue de la classe voisine avait la réputation de mater toutes les fortes têtes, de ne jamais s’en laisser compter et de calmer les crises enfantines les plus vives. Je demandai donc à Baptiste de ranger son matériel et d’aller passer une heure dans sa classe

Je l’accompagnai pour expliquer le problème à ma collègue qui accepta volontiers d’intervenir jusqu’au retour au calme du jeune cerveau en ébullition.

Mal lui en prit ! …..

Le fameux jeune cerveau avait continué à bouillonner durant le temps de changement de classe et la mise en ordre de son matériel ne lui avait pas enlevé le désir d’épater la galerie, si j’ose dire.

Après plus ou moins un quart d’heure, je vis la porte de ma classe littéralement sortie de ses gonds par une poussée furieuse et même hystérique…

« Ton élève, tu le gardes, je ne veux plus jamais le voir dans ma classe ! » hurla ma collègue. « Plus jamais ! » insista-t-elle en traînant Baptiste par le col puis en le catapultant dans sa rangée où il atterrit presque à quatre pattes.

L’explication arriva, crachée plutôt que narrée : «Il avait des ciseaux dans sa poche et, comme je l’avais assis près de la patère à laquelle j’accroche mon manteau, il a commencé à découper la fourrure du bas du vêtement. Mais qu’est-ce qu’il a dans la tête, ce petit démon ? ? ?»

« Plus jamais ! » reprit-elle, après quoi, elle sortit en claquant la porte avec violence.

Dans la classe, un silence de mort régna jusqu’à la sonnerie de fin des cours. Même Baptiste se tint coi...

Deux tempéraments forts venaient de se heurter et les résultats qui s’en suivirent furent catastrophiques.

Je me sentis bouleversée, catastrophée, effondrée. Impossible de réparer de tels dégâts ! La fourrure cisaillée le resterait définitivement…..

Honnêtement, je suis incapable de dire comment se termina cette mésaventure. Le trou noir du stress probablement .

Cependant, un souvenir très net me reste : celui de ma collègue arpentant la cour de récréation lors d’une surveillance, vêtue de son joli manteau en daim couleur rouille avec l’élégante fourrure plus claire qui garnissait le col, le bord des manches et le bas du vêtement. C’était la grande mode à l’époque !

Baptiste avait-il voulu y ajouter sa touche de jeune styliste ou chercha-t-il un rien de douceur à garder en poche dans le monde si cruel de cette école ?

La question reste ouverte depuis cinquante ans.




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