Anne MOREAU: "Au coeur des ténèbres"

..." Je vis sur ce visage d'ivoire se peindre l'orgueil sombre, le pouvoir implacable, la terreur abjecte - le désespoir intense et absolu. Revivait-il sa vie dans tous ses détails de désir, de tentation et d'abandon pendant cet instant suprême de connaissance totale ? Il s'écria dans un murmure devant quelque image, quelque vision - il s'écria deux fois, en une exclamation qui n'était qu'un souffle :

" L'horreur ! L'horreur ! "

Vous avancez dans ce roman comme on avance dans une forêt la nuit avec, autour de vous, des bruits impossibles à situer, une impression de danger permanent; c'est un monde d'obscurité moite, désespérante.

La lumière viendra-t-elle avec le petit jour? Probablement pas et l'espoir s'est évaporé avec la lumière.

Pour une descente aux enfers, c'est une descente profonde. Des enfers dans lesquels l'âme de l'être humain dévoile sa face la plus sombre, la plus ...inhumaine. Celle qui a existé à l'époque du colonialisme pur et dur qui consistait à exploiter à outrance un peuple conquis en vue d'un bénéfice financier maximum pour les envahisseurs.

Cela a-t-il tellement changé?

Les définitions, les mots ont changé, les situations d'exploitation restent les mêmes : toujours des pays plus puissants s'emparent des richesses de pays plus fragiles. Toujours des massacres ont lieu et des peuples s'enfoncent dans la pauvreté, la misère et la mort sans susciter la moindre intervention d'un monde capitaliste totalement amoral.

L'esclavage camouflé et la destruction, la disparition de la nature augmentent journellement pour un profit non partagé.

Oui, le cœur des ténèbres bat toujours comme un tam-tam mortel.