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mercredi 12 juillet 2023

Turin .... maudite sortie ...

 

 

 



 

Je ne sais comment je m'y prends mais, en Italie, les sorties d'autoroutes à péage me posent un réel problème ...  

Trois expériences négatives dans la ceinture autoroutière de Turin en sont les preuves.

Je passerai sous silence les deux premiers traumatismes car, par comparaison, ils furent moins graves que le troisième.  

En fait, comme je me trompe chaque fois de file à l'entrée des péages, je passe sans recevoir de ticket.

Stressée, je le suis immédiatement mais, mon esprit rejetant les problèmes de sortie à plus tard, à bien-in-in-in , plus tard, je me dis : " Roulons toujours, on verra après... ! "

Comme on peut le comprendre, je tente chaque fois la zen attitude. 

Lorsque, pour la troisième fois, je montai sur l'autoroute à Milan en direction de Turin, je me trompai encore de file ! 

Pourtant, ce matin-là, je fis un effort énorme pour choisir la bonne entrée : "Ne te trompe plus de file, cette fois ! N'oublie pas les problèmes précédents pour sortir sans ticket ! Ne réitère pas l'expérience ad vitam æternam ! "  Je matraquai mon cerveau de conseils, de souvenirs sinistres, d'images stressantes...  à tel point que la masse grise se bloqua totalement et laissa tout raisonnement pratique aux seuls éléments vivants capables d'encore réagir : mes yeux. 

Donc quand ces derniers virent le panneau sur lequel apparaissait le dessin de deux tickets, ils me guidèrent vers cette entrée qui ne pouvait qu'être la bonne...

"Ticket ! Ticket ! Ticket !" chantaient les yeux à la place du cerveau. "Oui, c'est par là, c'est par là ! Passage salvateur nous voilà !"  

Maudite ! Pourquoi avoir suivi ce conseil visuel sans redonner le pouvoir au cerveau ? 

Bon ! c'est ainsi.... J'engageai donc ma voiture vers le  couloir étroit. 

Arrivée près de la barrière, je constatai avec horreur qu'une fois encore aucun distributeur ne me tendait un ticket magnétique et que la barrière se soulevait, m'invitant à passer. 

Je venais de choisir la file des automobilistes possédant un badge de péage...

Trop tard, je ne pouvais plus reculer, d'autres véhicules arrivés derrière le mien attendaient, eux aussi, de pouvoir s'engager.

Le stress nouveau ne m'empêcha pas de penser : "Roulons toujours, nous verrons plus tard..."

Max et moi avons donc roulé, roulé, roulé jusqu'à Turin. 

Arrivés là, la fluidité de la circulation et le peu de voitures me firent croire  que, si je choisissais la borne de péage la moins recherchée et si personne ne me suivait, j'allais pouvoir expliquer mon erreur à mon aise. 

L'une des bornes de péage étant entièrement libre, je me dirigeai  vers celle-là.

A peine engagée, je constatai avec désespoir qu'une, puis deux, puis trois voitures avaient suivi la mienne. Pourquoi ? Mais pourquoi ne s'étaient-elles pas dirigées vers les autres bornes tout aussi libres ? Esprit grégaire semble-t-il mais, pour moi, une vraie malédiction ! J'allais devoir m'expliquer très vite et en français et non en italien, bor...el de m...de de salo...rie de cochonnerie !  (tout le monde a déjà remarqué au moins une fois dans sa vie que jurer soulage bien fort et plus vous êtes grossier, plus cela soulage...) 

J'appuyai immédiatement sur le bouton d'appel au secours et, dès le déclic et une première question en italien, je m'écriai en français : "je me suis trompée de file à Milan et je n'ai pas de ticket pour sortir !"

Oups ! on ne m'avait pas comprise ... Seconde et même question... je répètai ma phrase explicative plus lentement et en articulant bien. 

Aïe ! troisième question... je devais être en communication avec une IA... Inutile donc de tenter de me faire comprendre. 

Je pris mon courage à deux mains, sortis de ma voiture et me dirigeai vers les véhicules qui me suivaient en leur faisant signe des deux mêmes mains de reculer pour que je puisse me dégager et les laisser passer.

Goguenard, le premier conducteur me répondit : "È proibito ! È necessario inserire il biglietto e pagare ! " Bon celui-ci, malgré son sourire étincelant, ne serait pas mon sauveur. 

Effondrée, je revins à ma voiture, remontai et appuyai une nouvelle fois sur le bouton d'appel au secours. C'est à ce moment que, chose rare chez moi, je sentis de grosses gouttes de sueur glisser sur mon front et atteindre mes  yeux félons. Ma vue se brouilla durant quelques instants. 

Peut-être y avait-il une camera dans une lointaine cabine de surveillance ? Peut-être  le personnel de service commençait-il à réaliser qu'une femme en perdition était en train  de bloquer l'une des sorties ? Brusquement, vers son sommet, alors que je ne m'y attendais pas, la borne de péage éjecta un long ticket blanc comme si elle me le crachait à la figure avec tout le mépris de la compagnie des autoroutes italiennes. 

Ce ticket tomba en valsant de droite et de gauche, emporté par un petit vent follet.

Vite, je tendis mon bras par la fenêtre de la voiture et tentai de l'attraper.

Raté ! Le ticket termina sa chute sur le sol. 

Bon ! Il suffisait de le ramasser de payer et, enfin, de pouvoir démarrer et quitter cette autoroute  satanique. 

J'ouvris la portière, me penchai bras tendu et ..... rien de rien sur le sol.

C'était l'horreur à son acmé. Je n'avais pourtant pas rêvé, ce ticket, je l'avais bien vu sortir, virevolter et me passer sous le nez ! 

Cette fois, je ressortis de la voiture. Le vent avait dû le pousser sous la carrosserie. Je me penchai mais ne vis rien. Ni coincé contre un pneu ni vers le centre, ni à gauche, ni à droite, pas de petit papier blanc. 

Durant une fraction de seconde, je me sentis en état d'hallucinée ayant fait face à une vision christique et revenant brutalement aux réalités de la vie quotidienne.

Perdant alors tout sens de l'honneur, sous les yeux des automobilistes suivants qui observaient les péripéties de l'aventure têtes sorties et cous tendu au maximum, je me mis à genoux, les mains à terre, les fesses dressées vers le ciel, le crâne presque engagé  sous la voiture. Je tentai de voir le plus loin possible, en vain  ... RIEN ! Niente di niente !  

Sans perdre mon petit reste de courage, je me relèvai et, sans regarder vers l'arrière, je contournai ma Toyota et je découvris enfin le ticket anarchiste en train de se barrer comme un hypocrite vers la droite, aidé en cela par un souffle de vent doux mais efficace.

Ça, mon bonhomme, tu allais me le payer ! Et c'est en l’aplatissant au sol d'un pied rageur que je finis par le récupérer.

Bizarrement, derrière moi, aucun applaudissement... Ce fut un rien décevant, je venais pourtant de fournir au publique un spectacle gratuit de folie douce. Bon ! l'attente fut longue  mais le spectacle de l'étrangère à quatre pattes et cul en l'air valait le coup, non ?

Je supposai que la recherche du ticket dut être suivie sur l'écran  de surveillance car, dès mon retour face au volant, je vis la barrière se dresser comme un doigt réprobateur et je pus enfin quitter cette borne de péage, libérant, par la même occasion, tous mes suivants. 


Une remarque  en passant : on dira ce que l'on veut de l'effervescence permanente des Italiens. C'est une idée reçue et souvent méprisante. Dans mon cas, durant toute ma recherche du fameux ticket, je n'ai pas entendu un seul coup de klaxon, pas une remarque réprobatrice, pas un cri d'énervement. Quelle patience... !


 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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