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samedi 30 mars 2013
vendredi 29 mars 2013
lundi 25 mars 2013
dimanche 24 mars 2013
Il a plu, il pleut, il pleuvra...
Photo des iris : Sérignan-du-Comtat Photo des vignes : Mérindol-les-Oliviers Conclusion : Aujourd'hui, il faisait plus doux à Sérignan qu'à Mérindol... Parce qu'il faut savoir qu'à Mérindol les fleurs d'iris ne sont pas encore formées. Et voilà à quoi on passe son temps un dimanche de pluie. Reconnaissons qu'il y a pire occupation. |
samedi 23 mars 2013
jeudi 21 mars 2013
Opposition
Oeuvre d'un artiste yéménite : Bouchra Almutawakel Elle est intitulée "Disparition" |
Crédit photo : site LABIOGUIA http://www.labioguia.com |
Ces deux oeuvres, mises côte à côte demandent peu de commentaires, je pense.
La première est le constat d'une réalité terrifiante.
La seconde est un véritable hymne à la joie.
Certaines jeunes femmes éprouvent le besoin de marquer le rejet de nos sociétés et de nos démocraties en réhabilitant un voile que leurs mères ne portaient plus. Elles devraient comprendre que, ce faisant, elles crachent à la figure de toutes celles qui voudraient échapper à cette forme d' asservissement féminin et qui, parfois, en meurent.
Souvenirs d'enfance (8) Briançon (L'Hôtel Sémiond)
Briançon
L'Hôtel
Sémiond
Que faire dans un hôtel
lorsque, à six ans, vous n'êtes pas scolarisée, que vous vous ennuiez et que vos parents dorment ? Des gaffes, c'est bien connu.
..........................
Mais.... il arrivait aussi que je m'échappe sans
autorisation et que je parte à l'aventure dans l'hôtel.
Dans un premier temps, en
cette fin d'après-midi maussade, j'avais suivi Maria, l'employée d'étage, pour observer
la mise en ordre de la lingerie de l'Hôtel Sémiond. Puis, le vent
de l'aventure soufflant, j'étais partie seule à la découverte des
différents étages. En fait, je ne savais combien il y en avait et
il me sembla urgent de combler cette lacune dans ma connaissance des
lieux.
J'étais d'abord
descendue jusqu'au grand hall d'entrée mais je ne m'y étais pas
attardée. Je savais ne pas y être la bienvenue car, à force
d'avoir traîné dans des recoins inhabités, j'avais parfois plus
l'air d'une souillon que de la fille de la famille Moreau. Cela
faisait mauvais genre dans le hall d'un hôtel étoilé. Après cette
brève incursion en milieu ennemi, j'étais donc remontée vers des étages
plus accueillants.
L'exploration d'un premier
niveau ne m'avait pas permis des découvertes exaltantes. A part
l'ouverture inattendue d'une porte à un endroit où je n'aurais pas
dû me trouver et qui m'avait fait battre le cœur un peu trop vite,
la vie à cet étage était morne.
J'entrepris donc de
continuer à m'élever vers le second étage. A mi-hauteur de la
première volée d'escaliers, j'entendis des conversations très
animées montant du rez-de-chaussée. En vrai fille d'Ève, curieuse
de tout, je voulus savoir le pourquoi de cette animation. Je m'assis
sur le giron d'une marche, passai la tête entre deux des balustres
de la rampe et me penchai le plus fort que je pus. Déception. Rien
de bien intéressant à tirer de cette observation. Trois clients
exubérants se racontaient des histoires amusantes; leurs rires
peu discrets s'étaient élevés à travers la cage d'escaliers.
Il me restait à poursuivre ma montée.
C'est ici qu'un drame
épouvantable éclata. Ma tête, introduite si facilement entre les
deux colonnettes en bois, refusa de prendre le chemin du retour.
Avait-elle gonflé sous un afflux de sang ? Les oreilles, trop
sollicitées par la curiosité, s'étaient-elles décollées ? Le
cou, trop imbu de lui-même, avait-il gonflé ? Je ne sais. Le fait
était que le chef, mon chef, ne passait plus.
Hou, là, là ! Il était
urgent de trouver une solution et vite ! N'importe qui pouvait monter
et j'aurais dû expliquer ma ridicule position. J'empoignai les
balustres entre lesquels je me trouvais emprisonnée et, prenant
appui des deux mains, tentai, mais en vain, de faire revenir la tête
du même côté que le corps. Les oreilles coinçaient. C'était donc
elles les fautives ? J'inclinai alors la tête latéralement.
Tentative inutile. Le nez risquait d'être endommagé. Mes pensées
s'affolèrent. Il fallait absolument que mes parents viennent à mon
secours mais comment les alerter ? Coincée comme je l'étais entre
deux étages, je ne vis aucune possibilité pour y arriver. Je me
mis à pleurer. Les petits sanglots du départ se transformèrent
assez vite en hurlements de désespoir. Pour une fillette qui, au
départ, s'était voulue discrète, c'était réussi.
Une première femme de
ménage fit son apparition au coin du couloir de l'étage inférieur
suivie par une seconde puis par une troisième.... La quatrième fit
le bon poids. Elles commencèrent par calmer mes pleurs, voulurent
connaître les raisons de ma position puis, après mûres réflexions,
trouvèrent la situation très cocasse et se mirent à rire.
L'amusement calmé, elles tentèrent de résoudre ce drame. L'une
appuya sur mes oreilles tandis qu'une autre poussait ma tête par
l'extérieur. Premier échec. La suivante pensa qu'en me mettant sur
le dos, les yeux tournés vers le toit, elles pouvaient réussir le
sauvetage. Ainsi fut fait. Le résultat ne suivit pas. Fatalement ! Ce
n'était pas les yeux qui coinçaient! Perplexes, elles se
consultèrent. La plus âgée ordonna alors à la plus jeune d'aller
chercher Michel, le cuisinier de l'hôtel : «Et qu'il apporte une scie, il faudra couper l'un
des barreaux de la rampe pour dégager la petite». La jeune employée
partit et une attente de plusieurs minutes commença. Chaque femme
profita de la pause pour me prodiguer moult encouragements. Malgré
tous leurs efforts et leur soutien moral, lorsque le cuisinier
arriva, j'étais épuisée de stress.
Michel prit son temps,
furieux d'être dérangé pendant la préparation du repas vespéral.
Il monta les marches sans se presser et, arrivé sur la volée
d'escaliers opposée à la mienne, s'arrêta. D'un seul coup d'œil,
il avait jaugé la situation. Comme un sans-culotte et
Marie-Antoinette avant sa décollation, nous étions face à face.
Nos regards se croisèrent : le mien désespéré, le sien rigolard.
Il prit sa plus grosse voix et se mit à rugir : «Ce n'est pas un
barreau que je vais scier, c'est sa tête !» Croyant bien faire,
pour désamorcer la peur qu'il percevait chez moi, le brave homme
avait pratiqué un humour d'assez mauvais goût. Bravo ! Belle
psychologie ! Le hurlement que je poussai alors dut retentit au-delà
des murs de l'hôtel pour aller se répercuter sur les flancs des
montagnes environnantes et, d'écho en écho, rouler jusque dans les
vallées italiennes. Toutes les personnes qui m'entouraient
arrêtèrent de respirer. Vite ! Vite ! Il fallait trouver une solution
pour atténuer la sirène continue qui maintenant sortait de mes
poumons et prévenait tous les clients de l'hôtel qu'il fallait
évacuer le plus rapidement possible.
Cette sirène eut un effet
positif, elle alerta Maria qui arriva au pas de course. Elle monta
jusqu'à moi, observa, réfléchit une fraction de seconde puis, me
soulevant avec précaution, remonta ma tête et mon cou dans la
partie supérieure des balustres. L'espace plus large à cet endroit
lui permit de me tirer vers l'arrière sans problème. Ma tête fut
dégagée. Elle ne serait pas séparée du corps, j'étais sauvée.
Peut-on le croire ? Mes
parents, si bien installés dans les bras de Morphée, n'avaient même
pas évacué et dormaient encore comme des bébés. A se demander ce
qui avait pu tant les fatiguer durant mon absence.
Merci à Jacques pour sa relecture et ses conseils
mardi 19 mars 2013
dimanche 17 mars 2013
Masque
(Un collage effectué dans les années 80)
Il ne faut jamais oublier que, trop souvent, nous sommes entourés de masques...
... mais qu'il y a aussi les amis qui vous apprécient
Pour C...
Pour C...
lundi 11 mars 2013
Un aïeul
dimanche 10 mars 2013
La journée de la femme ... ??? (2)
Galanteries et compagnie (suite)
Ce
même parking m'aide à améliorer mon vocabulaire et ensoleille mes
passages à Vaison.
Ce
jour-là, une seule place restait libre lorsque j'arrivai devant le
magasin.
Je possède une petite Toyota au rayon de braquage impressionnant mais l'espace à occuper se situant juste après un tournant en épingle à cheveux, impossible de s'y placer en une seule manœuvre. J'entamai donc mon tournant, stoppai, fis une petite marche arrière pour reprendre ensuite le mouvement vers l'avant et m'arrêter correctement sur l'emplacement choisi.
Je possède une petite Toyota au rayon de braquage impressionnant mais l'espace à occuper se situant juste après un tournant en épingle à cheveux, impossible de s'y placer en une seule manœuvre. J'entamai donc mon tournant, stoppai, fis une petite marche arrière pour reprendre ensuite le mouvement vers l'avant et m'arrêter correctement sur l'emplacement choisi.
Le
temps était magnifique, chaud, un ciel bleu à l'infini et la vitre
de ma portière était abaissée. Je pus ainsi entendre :
« Connâââsse !!! »
Je
jetai un coup d'œil dans la direction d'où s'était élevé
l'aimable beuglement. En fait, la manœuvre que je venais d'effectuer
m'avait pris une quinzaine de secondes. C'en était trop pour le
jeune homme qui me suivait et avait dû marquer un temps d'arrêt.
Quinze secondes ! Je lui avais volé quinze secondes de sa précieuse
vie. Quel scandale ! Il avait donc éprouvé le besoin immédiat de
sortir une tête rouge à l'extrême et de me faire part de son
énervement en un seul mot. Son langage fleuri mais restreint me
laissa rêveuse. Les tempéraments sudistes sont parfois un tantinet
« décoiffants » et celui qui veut s'adapter ici ne doit
pas rester coincé dans une linguistique trop puriste. De toute
évidence, à armes égales, j'aurais dû répondre : « P... !
Tu m'fais ch...! Espèce de résidu de c... ! » Mais … je
dois reconnaître que je manque d'entraînement avec cette magnifique
langue française nouvelle mouture. Pour mon malheur, je n'ai pas des
décennies de pratiques quotidiennes comme certains. Mes pensées
peuvent bouillonner, les mots ne me viennent pas assez vite. Je
demeurai donc quelques secondes supplémentaires devant mon volant à
me remettre les idées en place et à réfléchir : comme une partie
de notre jeunesse était belle, cordiale, chaleureuse même ! C'est
toujours un plaisir de se dire qu' un jour, peut-être, l'individu
devenu adulte, s'il continue à être aussi c...llu, sera à la tête
d'une entreprise.
De
cette joyeuseté, il m'est finalement resté une
question incongrue : « Fallait-il deux N au mot co...asse ? »
Rentrée chez moi, j'interrogeai le Petit Robert pour découvrir avec surprise que les avis étaient partagés : N ou NN, à votre bon coeur.
Ce midi-là, j'avais quand même échappé au pire : l'homme qui m'avait interpellée aurait pu être bègue. Je vous laisse imaginer toutes les possibilités de variantes !!!
(à suivre)
samedi 9 mars 2013
La journée de la FEMME... ??? (1)
Galanteries et compagnie
Ces vertus qui font aussi la grandeur et l'agrément d'un peuple
en plus de sa politique et de son économie, c'est sur un parking de
Vaison que je les trouve avec régularité.
Dernièrement, voulant quitter mon emplacement dans l'allée
centrale d'un parking, je fis une marche arrière plus que lente :
je me méfie très fort des hurluberlus qui arrivent à fond de
train sur cette aire, pressés par le temps qui n'arrête pas de
passer et par le désir d'effectuer un achat de dernière minute.
Donc, un recul lent . Cette lenteur me permit d'apercevoir, sur ma
droite, un véhicule se
déplaçant en marche arrière. Pourquoi le conducteur roulait-il
coffre à l'avant et capot à l'arrière ? Je n'en compris pas la
raison et, par la suite, je ne posai pas la question. Mais, par prudence,
je m'arrêtai. Roulant dans le sens inversé de la trajectoire
traditionnelle, l'homme ne me vit pas. Bong !!! Quoi d'étonnant ? Il
vint heurter mon pare-chocs arrière. Bien que l'ayant vu arriver, je
fus quand même surprise par le choc : persuadée que le conducteur
adverse stopperait avant le baiser métallique final, durant une fraction
de seconde, j'avais quitté des yeux son recul dangereux. Cette petite distraction fut la raison pour laquelle je
n'utilisai pas mon klaxon.
Bon, le mal était fait, quelle attitude adopter sinon celle de
sortir en gardant son calme pour constater les dégâts ? Je sortis
donc.
Et c'est ici que Feydeau aurait pu prendre quelques notes
intéressantes.
Au milieu de l'allée, un couple s'était arrêté bien avant le
choc pour observer les manoeuvres de nos deux autos.
Dès mon apparition, le mâle du sud, pour bien asseoir sa
supériorité, fit entendre son propre avertisseur sonore : « Ah
! Bien sûr ! Encore une femme au volant ! On pouvait s'y attendre !
»
Je n'arrivais pas à en croire mes oreilles.
Incroyable mais vrai : on avait lâché le crétin de service dans
Vaison-la-Romaine. Je me tournai vers lui et lui susurrai : « Votre
vue ne semble pas très bonne, la femme, elle,
avait immobilisé son véhicule.
Celui qui l' a embouti est un homme ! »
En plus d'une imbécillité chronique, l'interlocuteur traînait, accroché à ses basques, un manque total de politesse.
Après un hoquet rageur, sans aucune excuse pour son intervention
inopportune, il prit le bras de sa moitié et se remit en marche
vers le magasin.
De l'aventure, un seul regret m'est resté : penser qu'il y a, dans cette ville (ou ailleurs), une femme obligée de vivre avec ÇA
! Bon, rien ne lui interdit, à cette moitié, de monter dans sa
voiture et de quitter son goujat d'époux. Mais ….. pas en marche
arrière, s'il vous plaît, elle pourrait se faire traiter de …
FEMME
!
La fin de l'histoire fut sans importance, il n'y avait pas eu de
gros dégâts et l'automobiliste fautif et désolé s'était
répandu en excuses.
(à suivre)
jeudi 7 mars 2013
Le travail d'un safranier
"Sous l'oeil sévère du Ventoux,
Dès l'aube, le safranier,
Jusqu'à tomber à genoux
Doit remplir son panier d'osier...."
Poèmes et contes populaires de Provence - XIXème siècle
mercredi 6 mars 2013
Petite histoire du soir pour le Club des Cinq
La promenade de ce lundi aurait pu être paradisiaque si.......
.... si Némo-Zorro, furetant de droite et de gauche, n'avait découvert, en différents endroits du maquis, une multitude incroyable de culots et de douilles abandonnés par des chasseurs peu scrupuleux et indifférents à la pollution qu'ils laissent derrière eux.
Pendant une demi-heure, Madame et moi n'entendîmes plus que plaintes et jérémiades concernant les dévoiements humains. Nous ne pouvions que donner raison au révolté mais que faire ? Ramasser ? Impossible, il y avait bien trop de déchets près de chaque affût.
"Un changement de direction et une descente dans la combe du Trignon le calmera" pensai-je naïvement. Rien n'y fit.
Pour changer les idées du poilu écolo, une seule solution : le petit biscuit, récompense d'un bon rappel. Il n'y avait pas eu de rappel mais, au moins, cela nous permit de réécouter les chants d'oiseaux.
lundi 4 mars 2013
Les histoires d'Alexandra (1) (canards à l'eau de vie)
Canards à l'eau de vie (suite et fin)
Un
spectacle de mort; l'hécatombe de la Bérézina, c'est ce que
découvrit, en traversant la cour, le fermier venu prendre son repas
de midi. Horrifié, il courut prévenir ses maîtres de la
catastrophe qui avait frappé la basse-cour. N'ayant pas assisté au
déversement des cerises ni au repas plus que festif des canards, il
ignorait la cause de leur « mort » tout comme
l'ignorèrent, durant de longues minutes, les membres de la famille
appelés à constater le désastre.
Dans
cette vie quasi autarcique que menaient les Prokhoroff au milieu des
steppes de Crimée, rien n'était jeté sans une bonne raison. Tout
ce qui pouvait encore servir était récupéré, le gaspillage était
inconnu. Nioura et son mari Nikita prirent les canards en main, les
observèrent sous toutes les coutures, constatèrent que les membres
flasques ne présentaient aucun signe de vie et décidèrent que,
morts sans causes connues, ils ne pouvaient être mangés. Par
contre, leur duvet serait utilisé pour le renouvellement des
édredons les plus usagés.
Les
directives données furent donc de plumer ces malheureux alcooliques
anonymes, d'en récupérer le duvet le plus fin puis d'aller jeter
les corps à la rivière qui coulait derrière la propriété.
A
cette époque, une décision prise par le baryn n'était pas
discutée, la domesticité ne fit pas une étude plus approfondie des
corps inertes et tout fut mis en œuvre pour obéir aux ordres. Les
malheureux canards, délestés de leur doux duvet et, au passage, de
quelques rémiges, furent jeté à la rivière, sans état d'âme,
par les enfants de la ferme.
Le
printemps avait beau toucher à sa fin, l'été avoir déjà frappé
d'un doigt léger à la porte du domaine, l'eau de la rivière
restait encore très fraîche. Le plongeon brutal et le changement de
température provoquèrent le choc thermique propice à un réveil
rapide de la gent ailée qui se retrouva rapidement sur la rive aux
sons de nasillements désespérés entrecoupés d'éternuements
affolés. Horreur ! Tout leur moelleux duvet s'était envolé !
Chacun se retrouvait avec le ventre plus nu que devant l'Éternel. Le
côté ridicule de la situation ne sauta pas immédiatement aux yeux
des rescapés qui, après concertation cancanée, se dirigèrent vers
la basse-cour pour rejoindre leur lieu de vie habituel.
Ils
traversèrent ainsi le verger, piétinèrent le potager, coupèrent
par le jardin d'agrément, longèrent la terrasse du corps de logis
pour gagner la ferme proche.
C'est
à ce moment que Nioura, étendue sur l'une des chaises longues de la
terrasse, les aperçut. Ses yeux s'agrandir, devinrent plus ronds,
plus saillants et elle faillit s'étrangler de surprise devant ce
spectacle totalement surréaliste et incongru : Des petits ventres
roses surmontés de têtes emplumées qui se dandinaient à la queue
leu leu en direction de la ferme. Elle se tourna vers l'intérieur de
la maison et, d'une voix sépulcrale, appela son mari : « Nikita !
Nikita ! Les canards ! », elle ne put en dire plus.
Nikita
arriva, constata que sa femme n'était pas sujette à visions et,
tout aussi ahuri qu'elle, il emboîta le pas aux canards pour les
suivre jusqu'à la ferme.
Le
personnel fut rassemblé : fermier, fermière, jardinier,
palefrenier, personne ne fut oublié et tous furent questionnés.
C'est alors que le serviteur, chargé en début de matinée de
résoudre le problème des tonnelets de cerises, se rendit compte de
son erreur et reconnu, d'une voix contrite et apeurée, avoir déversé
la liqueur et ses fruits sur le fumier sans tenir compte de la
présence des canards. Devant l'assemblée mi-rieuse, mi-fâchée,
il se dandina sur place, lui aussi comme un canard en déroute. Le
maître de logis, mis en joie par cette attitude mimétique,
l'admonesta avec une alacrité certaine.
Une
grande question se posa alors : Que faire de cette horde déplumée ?
Ces pauvres volatiles ne pouvaient rester le ventre nu, livrés au
soleil ou aux intempéries, en tenue si légère.
Nikita
les observa, fut pris de pitié et décida de donner une chance aux
palmipèdes dénudés. Il fit dégager l'un des poulaillers, y fit
étendre une bonne couche de paille fraîche puis fit apporter et
placer près de la porte un petit brasero portatif. En guise de
punition, le serviteur fautif fut chargé d'entretenir le foyer de la
tombée du jour aux premières heures matinales ainsi que les jours
de pluie durant lesquels les canards devraient rester enfermés. Ces
précautions furent maintenues jusqu'à la repousse complète du
duvet et tous les « pochtrons » déplumés
échappèrent, grâce à ces soins attentifs, à une pneumonie
mortelle.
A
votre avis, que devinrent ces canards par la suite ? Je suis certaine
que votre idée rejoint la mienne : ils finirent, délicatement
cuisinés et flambés à l'eau de vie, dans les assiettes de la
famille Prokhoroff et de leurs invités qui ne manquaient jamais
d'envahir la maison à la belle saison.