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jeudi 16 mai 2013

La promenade de Némo (deuxième partie)





...Et, vous voulez que je vous dise ? A la source, nous n'y sommes jamais arrivés.... 
 
Pour mon malheur, au col, elle a découvert les premiers crocus printaniers. Alors, la séance de «clic, clac, photo !» a réellement commencé. Elle possède une sorte de petite boîte argentée qui ne la quitte presque jamais et avec laquelle elle a un comportement bizarre. J'ai marché un peu, je me suis retourné pour vérifier si elle suivait .A ma grande surprise, je l'ai découverte , couchée par terre, face à un crocus, la boîte près de la figure, elle semblait avoir arrêté de respirer. Morte ? Non, les yeux clignaient. Fatiguée ? Même pas. Brusquement, elle a bondi pour aller se recoucher un peu plus loin, face à un autre crocus. J'avais bien remarqué qu'elle était parfois à l'ouest mais là, franchement, ça se passerait en ville que j'en serais gêné. Enfin, il faut bien que vieillesse se passe! Après tout, si elle veut se coucher dans la nature...
 
 
 
 
 Là où c'est devenu plus dramatique, ce fut quand elle eut escaladé une déclivité un peu raide pour aller s'agenouiller devant un troisième crocus. Je m'étais assis sur le chemin d'où je pouvais observer ses agissements pour le moins spéciaux lorsque j'ai remarqué qu'elle se trouvait en difficulté. Se hisser jusqu'à la fleur n'avait pas semblé lui poser de gros problèmes. Mais, les quelques « clic clac » terminés, il fallait redescendre. Et c'était moins facile qu'elle ne l'avait cru. Une main accrochée à une touffe d'herbe, l'autre tenant fermement la boîte argentée, me faisant face, elle tâtait le sol du bout du pied pour y trouver un appui sérieux.
 
Point d'appui, le sol se délitait allègrement. Elle finit quand même par découvrir un petit rocher bien solide et y posa le talon de sa bottine. Restait à poser l'autre pied. Bon nous n'allions pas y passer le reste de la soirée, je décidai de l'aider. Prenant mon élan le plus fameux, j'atteignis le pied non posé et m'y accrochai de toute la force de mes jolies canines. Je tirai vers le bas du mieux que je pus pour accélérer la descente et c'est alors que je l'entendis crier de toutes ses forces : «Palepié, palepié, Némo, mais tu es fou ou quoi ?» Qu'est-ce que cela voulait bien dire «palepié» ? Je n'avais jamais entendu cette expression. Cela devait être un encouragement pour mon aide. J'enfonçai donc mes crocs encore plus fort et continuai à tirer tout en secouant la tête. Sous l'effet des hurlements qui allaient en s'intensifiant, tous les oiseaux, dans un rayon d'une vingtaine de mètres, s'étaient tus. A mon avis, ils devaient observer. La «belle brune» était arrivée en courant pour voir ce qui se passait et jappait pour accompagner mes mouvements.
 
Enfin, grâce à mon aide, notre sexagénaire dégringola le reste de la pente en un merveilleux petit pas de course qui se termina de l'autre côté du chemin, juste au bord d'un ravin bien ombragé. J'espérai qu'elle n'y avait pas vu un quatrième crocus, car là, je le dis en toute franchise et malgré la tendresse que j'aie pour elle, cela aurait été sans mon aide.
Ayant repris son souffle, elle se tourna vers moi et me parla sur un ton qui ressemblait plus à de la réprimande qu'à un remerciement : «Quand je te dis palepié ,c'est palepié, Némo, tu ne comprends pas ça ?» Non, je ne comprenais pas et surtout pas pourquoi l'atmosphère s'était soudain refroidie. Je levai les yeux. Le soleil brillait encore, pas un seul nuage dans le ciel, allez savoir ce qui avait pu se passer.
 
Et c'est à ce moment-là qu'elle décida de faire demi-tour pour rentrer, au lieu d'aller jusqu'à la source. Je suis encore en train de me poser la question : pourquoi ce brusque revirement dans ses décisions ? A mon avis, elle avait dû se tordre un peu la cheville ou courir sur un caillou pointu car je remarquai qu'elle boitillait du pied dans lequel j'avais si bien mordu pour l'aider. Oui mais, quand on veut faire la folle à son âge, il faut prendre ses responsabilités et assumer les petites douleurs qui s'en suivent. Bon, avec les humains, il faut s'attendre à tout. Nous fîmes donc demi-tour; ce qui m'arrangeait bien car, en plus de ma soif, je commençais à être réellement fatigué. Tant d'énergie dépensée pour une aide à la descente m'avait épuisé.
                                                    (à suivre)























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