Pages

lundi 21 avril 2014

Souvenirs d'enfance (25 - première partie) Les trois gifles

Les trois gifles

   Mes parents ne nous frappaient jamais. C'était un principe bien établi dans leur système éducatif et ce n'est que très rarement que des incidents  les firent dévier de la ligne adoptée.
..... 
   Pour ma part, il y eut trois soufflets donnés par ma mère. 
   L'un était mérité, les deux autres, moins justifiés, me laissèrent dans une grande colère et firent définitivement partie des souvenirs désagréables de mon enfance. 
    Commençons par la gifle méritée. 
   Cette année-là, ma mère, fatiguée,  avait bien du mal à gérer le ménage  et il fut décidé de faire appel à une aide familiale qui l'aiderait dans la préparation des repas, l'entretien de la maison et celui du linge.
   Un matin donc, nous vîmes arriver une jeune fille charmante du nom de Christine. Cheveux roux magnifiques, peau de pêche, teint de nacre, caractère adorable. Un seul tout petit défaut : au bout du nez, un minuscule bouton rouge. Impossible à cacher, impossible à enlever, cette légère erreur de la nature faisait partie de son anatomie depuis sa naissance sans doute. 
  La malveillance enfantine qui m'envahissait régulièrement fit que, quand je regardais Christine, je ne voyais rien d'autre que ce petit point rouge si mal placé.
   A midi, le drame éclata.. Christine, installée à l'une des extrémités de la table, me faisait face. Ma sœur était à ma droite, ma mère, à ma gauche. Alors que ma mère, debout, servait de la purée, je décidai de faire remarquer à ma sœur le défaut du bout du nez. J'étais déjà assez âgée pour savoir que l'on ne montrait pas du doigt et que l'on ne critiquait pas à haute voix. Restait une solution silencieuse : les mimiques. Je commençai à regarder Christine avec insistance pour bien faire comprendre à mon aînée que le sujet interdit se trouvait là puis je me tournai vers elle et, avec un aplomb grossier, je me mis à loucher en regardant le bout de mon propre nez me disant que si ma sœur ne comprenait pas le message c'est qu'elle était «dure de comperdure».
  Pour mon malheur, Danielle n'était pas seule à m'observer. Ma mère aussi me regardait. La gifle tomba sans prévenir. J'en restai soufflée. Toute envie de loucher, de ricaner ou de me moquer s'était envolée et je savais très bien que ce qui venait d'atterrir sur ma joue était largement mérité.  
   Je pleurai mais plus pour la forme que de douleur. Christine regardait son assiette, très ennuyée, Danielle avait prestement fait disparaître son envie de rire, quant à mon père, n'ayant rien suivi de mon manège, il ne comprit pas la réaction de sa femme et peut-être mit-il la gifle sur le compte des nerfs fatigués. Seul, un petit air ahuri marqua ses traits durant quelques secondes mais il ne fit aucune remarque en notre présence.

   Ce que je ne compris pas et que je ne comprends toujours pas aujourd'hui c'est comment, aussi mal placée à ma gauche, ma mère put m'atteindre avec une telle précision. Un des grands mystères de l'Éducation.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire