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mercredi 3 septembre 2014

Souvenirs d'enfance (32) Rentrée scolaire (1ère partie)


            
 
 
 
 
 
 
 
 

Ma vie à Maisières, durant une grande partie de mon enfance, se déroula le plus souvent, non sur les bancs de notre petite école communale, mais dans notre jardin, dans les bois qui jouxtaient l'arrière de ce jardin ou sur l'immense plaine du Camp de Casteau couverte de genêts et de dunes de sable.

Mon père n'aurait pas été aussi laxiste à mon égard s'il n'avait dû faire face à l'entêtement de ma mère quand il s'agissait de mon éducation. Parfois, un sursaut de bon sens le poussait à remonter sur le ring familial pour exiger une scolarisation un peu plus sérieuse. Mais... c'était compter sans moi. Lorsque j'entendais parler de «conduire la petite à l'école demain», j'étais brusquement saisie de douleurs à l'oreille : un début d'otite, sans doute.

Ma goutte d'huile sur le feu familial dans ce genre de discussions ne manquait jamais de venir à bout des arguments paternels. Ma mère, découragée par les nombreuses otites dont j'avais déjà souffert, ne pouvait plus faire la différence entre douleurs réelles et douleurs simulées. A la première plainte, elle excluait toute idée d'école pour le lendemain et les jours suivants.

Je ne manquai jamais d'exploiter à fond ce filon, lorsque j'eus pris conscience de son efficacité.

Et c'est ainsi que, dès mes premières années d'école, ce fut d'une manière très sporadique que mes institutrices tentèrent de m'inculquer quelques notions qui étaient rarement reliées les une aux autres. Je ne garde, de mes trois premières classes primaires que le souvenir d'une leçon de tricot, celui du cours de catéchisme et celui, plus dramatique lui, d'un stylo à encre démonté en cachette et qui tacha mes vêtements d'une manière indélébile. Pour se frayer un chemin dans la vie, c'est assez peu, je le reconnais.


 
 
 Préparatifs

  

  Par contre, de l'école maternelle de Quaregnon, je garde de plus nombreux souvenirs.

     Mon grand-père, quand je venais vivre chez lui, n'admettait pas cette scolarité anarchique. Et il était vrai que, même à Quaregnon, j'allais rarement à l'école, mes parents ayant demandé, tant que je ne fus qu'en âge de section maternelle, que l'on me laissât tranquille dans ce domaine.

     Pour ma grand-mère, Mimi, il allait de soi qu'il fallait respecter la demande de mon père qu'elle affectionnait particulièrement. Pour mon grand-père par contre, il était inadmissible de voir cette situation perdurer même si je n'avais que cinq ans. Il décida donc, lors de l'un de mes séjours prolongés, de m'inscrire à l'école communale du quartier pour une rentrée scolaire normale.

     Tenaillée entre les recommandations  de mes parents et les ordres de son mari, ma grand-mère choisit d'obéir aux ordres et, sans plus discuter, décida de m'habiller et me coiffer d'une manière impeccable pour cette première « rentrée boraine ».

     Dès la veille au soir, les préparatifs commencèrent. Je devais être coiffée avec ce que l'on appelait alors «des anglaises» : c'était des boucles en forme de petits boudins verticaux qui entouraient la tête de l'oreille gauche à l'oreille droite. Mais quel travail pour arriver à un bon résultat ! Mimi, durant une heure, avait pris mes mèches de cheveux une à une, les avait mouillées de bière pour ensuite les enrouler sur des papillotes qui étaient de petits morceaux de papier de soie. Après quoi, un filet en nylon était venu coiffer l'échafaudage du Figaro borain et j'étais montée me coucher avec cet harnachement barbare. 

      «Ne bouge pas la tête en dormant» avait été la recommandation finale. Et comme tout le monde le sait, ne pas bouger durant leur sommeil est à la portée de tous les enfants. 
     Mais franchement ! Allez dormir dans de telles conditions ! Le stress de la découverte d'une école, le lendemain,  ajouté à cette tête d'Apache nécromant et vous pouvez imaginer la figure qui fut la mienne au réveil : des cernes jusqu'aux narines.

     Après une toilette minutieuse, ma grand-mère m'habilla d'une robe claire empesée et repassée avec soin. Bas blancs et chaussures fraîchement badigeonnées au blanc de craie étaient les deux cerises sur le gâteau de la raideur.

La touche finale consista à enlever les papillotes une à une,  à enrouler avec soin chaque mèche autour de l'index et à placer la boucle ainsi formée dans l'alignement des autres. Mon aïeule alla ensuite prendre, dans sa réserve de rubans, un large ruban de taffetas avec lequel elle forma un magnifique nœud de la grosseur d'un jeune chou et vint me l'accrocher au sommet de la tête. A ses yeux, j'étais parfaite de propreté et de raideur, je pouvais prendre le petit cartable en cuir, cadeau d'encouragement de dernière minute, et partir à l'école où elle m'accompagna avec fierté.





(A suivre)

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