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mercredi 3 septembre 2014

Un mauvais créneau

La vieille dame indigne (vous vous souvenez du film?)

Décidément, sur ce parking du Super U de Vaison, il règne un esprit mauvais, grossier, maléfique même. Quand je m'y gare, il me semble apercevoir l'œil du malin derrière chaque platane.
M'être fait traiter de FEMME par un macho à la petite semaine m'avait, une première fois, laissée perplexe; il était bien évident que, pour cet homme, au vingt-et-unième siècle, la femme ne faisait toujours pas partie des êtres humains; en tout cas pas de ceux que l'on respecte. Vous voyez, le genre d'individu qui « emboutit » sa truie dans une campagne reculée.
M'être fait traiter de connasse par un jeune arrogant qui ne supportait pas de perdre trente secondes pour que je puisse me garer correctement m'avait laissée rêveuse et m'avait permis une révision orthographique du mot.
Et ce matin, la grossièreté, une nouvelle fois, était de sortie.
Mais je dois reconnaître que, cette fois, j'étais un rien fautive. Bon, O.K., j'étais fautive pour m'être garée cinq minutes dans un petit triangle qui n'était pas un créneau autorisé et bien limité.
Cré bon Dieu ! j'avais juste besoin de ces cinq minutes pour déposer mon linge à la laverie et le panier était lourd.
O.K. Cela n'excuse rien !
A mon retour, le gardien du parking, un grand baraqué à la chemise d'une blancheur Persil, attendait; la moustache en bataille, fulminant et prenant le monde à témoin de l'infamie que je venais de commettre, il gesticulait pour mieux attirer l'attention des citoyens les plus proches.
« AÏE ! me dis-je, surtout s'il te fait une remarque, ne réplique pas car tu as tort ! Pas la peine d'aggraver ton cas. Baisse la tête, joue la cagote, fais la sourde, il ne peut quand même pas t'abattre pour un créneau isocèle ! »
Lorsque l'homme comprit que j'étais cette conductrice sans scrupule qui avait osé utiliser ce petit triangle d'asphalte comme créneau, et afin que nul n'en ignore parmi les chalands présents, il s'écria d'une voix de stentor : « Vous êtes mal garée, vous foutez le bordel ! »
« Ooooh ! Ooooh ! Quel vocabulaire me dis-je intérieurement. » et, sans regarder ni à gauche, ni à droite, je remontai dans ma petite Toyote et démarrai.
J'évitai de m'énerver pour ne pas lui rouler sur les pieds, j'évitai aussi de donner des gaz ou de jouer de l'avertisseur sonore. Pas la peine d'envenimer un cas aussi fautivement limpide. A lui seul, le gardien faisait déjà assez de bruit pour pas grand chose.
En fait, moins on a de vocabulaire plus de bruit on doit faire pour attirer l'attention. Ce n'est pas la première fois que je le remarque.
Car il aurait pu dire, ce brave gardien : « Madame évitez de vous garer ici, ce n'est pas un créneau ! » ou « Une prochaine fois, réfléchissez, vous auriez pu bloquer un autre conducteur pressé ! » ou encore «  Alors, Madame, on a oublié ses lunettes et on croit être sur un créneau ? » ou même « Mais qu'est-ce que vous croyez ? Qu'ici, vous pouvez vous garer comme bon vous semble ? Ce n'est pas l'espace Médrano, que diable !» ou, pourquoi pas, « Ecoutez, si le roi est votre cousin, une prochaine fois, je vous réserve deux créneaux ! »
Il y aurait encore bien des façons de dire les choses mais, n'ayant pas l'imagination d'Edmond Rostand, j'arrête là.
Bon, je ne suis pas une super nana dépoitraillée qui hurle d'une voix éraillée dans les parkings souterrains : « C'est moi qui déchire ! », mais si, à septante ans, j'arrive encore à « foutre le bordel », je pense que ce qu'il me reste comme avenir n'est pas perdu et je savoure.

Vous savez à quoi je viens de penser ? Ce monsieur a eu une grande retenue dans ses propos. Imaginez qu'il ait  remplacé le point final de sa phrase par le mot putain comme de nombreux  Provençaux le font souvent !
"Vous foutez le bordel, putain !" 
C'eût été tangent, non ?

Récit sans photos, je n'en ai pas eu l'occasion !

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