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jeudi 25 novembre 2021

L’école des bateliers (3ème partie)

 

 

 

 



Durant ma première semaine de cours dans cet établissement, tel un hussard noir exterminateur, une collègue me fut envoyée par le directeur pour m’annoncer que j’allais devoir donner des cours de gestion ménagère aux filles de ma classe…

Des cours de gestion ménagère ? ? ? quésaco  ? Un froid glacial me transperça l’âme … Encore une vilenie échafaudée dans un cerveau malade probablement…

Voyant ma stupéfaction, la collègue développa l’idée : oui, quand les filles retournent aux bateaux, elles doivent être capables de gérer la cabine très étroite dans laquelle les femmes rangent la vaisselle, les couverts, les provisions  , où se pratique l’épluchage des légumes, où elles cuisinent de délicieux frichtis pour leur homme et la progéniture, etc … etc.

Mes yeux écarquillés d’horreur mais éteints firent comprendre à ma collègue que mon cerveau venait de se mettre en pose et qu’elle devait aller plus loin dans ses explications.

– Suis-moi, me dit-elle, je vais te montrer.

Elle m’emmena dans la fameuse cabine de bateau dans laquelle je devais inculquer aux fillettes ce que toute femme digne de son statut féminin devait connaître pour, peut-être un jour, monter sur le podium de la ménagère parfaite…

Pour être étroite, elle était étroite cette cabine reconstituée au détail près dans une salle de l’école. Étroite et sombre. Celle qui y laisserait tomber son oignon à moitié épluché mettrait dix minutes à le retrouver. Et les larmes seraient celles de la douleur d’être une femme et non à cause du piquant de l’oignon.

Je pris donc connaissance du lieu mais sans savoir ce que je devrais y enseigner.

Même en retirant de notre classe les garçons qui, eux, allaient avoir des cours d’accordéon (non, ce n’est pas une information sortie d’un logiciel malveillant), faire entrer toutes les filles dans cette cabine était un tour de force irréalisable……. à mon avis.

Malgré tout, je tentai l’expérience.

Alors que les garçons allaient parfaire leur formation musicale en pianotant et en chantant, j’emmenai les filles vers la cabine puis, tant bien que mal, tentai de les y encastrer toutes.

Garder le ventre rentré au maximum, ne pas trop respirer et ne bouger la tête que pour voir où se trouvaient les tiroirs, portes, évier, cuisinière… étaient les trois règles de survie dans ce petit espace.

Après quelques explications sommaires et quand la température des corps atteignit un seuil critique, je fis rapidement sortir le groupe et, à mon grand soulagement, constatai que nulle n’avait été prise de malaise.

Franchement, ce fut la leçon de la honte ! Personne n’avait rien appris sauf peut-être à se poser la bonne question : « Mais que sommes-nous allées faire dans cette galère ? »

Arrivées en classe, les fillettes parlèrent de choses et d’autres sans chercher à en connaître plus quant à la tenue parfaite d’une cabine de péniche. A mon avis, elles en connaissaient plus que moi.

Lorsque les garçons revinrent du cours d’accordéon, frais et frétillants comme des gardons heureux, je me dis que tous ne deviendraient pas des Willy Staquet ni des Giscard d'Estaing mais, somme toute, qu'il valait mieux vivre en chantant qu'en cuisinant...

 










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