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mardi 29 janvier 2013

Vaison pigeonne en hiver

Beaucoup de pigeons en ce moment à Vaison
La population devrait se méfier  si elle ne veut pas jouer dans le nouveau film
de Kitch Hock : "Les oiseaux, le retour".

lundi 28 janvier 2013

Sensation Arthur Rimbaud


Pour ceux qui en ont la possibilité, il faut entendre ce poème de Rimbaud chanté par Jacques Douai
Une interprétation merveilleuse

Réf. : www.deezer.com/artist/57513
         ou   héritage - Récital n° 3 et 4  BAM  (1956 - 1957)

A lire pour mieux connaître l'homme :
         Jacques Douai Troubadour militant   poètes et chansons  (sur google)

dimanche 27 janvier 2013

Chats d'une vie

Gros Emile, le gourmandinet heureux
Lucas, la tendresse à n'en plus finir
Barthélémy, le dur à cuire
Patchaïe, l'indépendance parmi les crocus

samedi 26 janvier 2013

Souvenirs d'enfance (4) Braconnage



Braconnage 

A la fin de la guerre et même après le conflit, il n'était pas bon être chat ou rat quand le manque de viande se faisait sentir dans les familles. Toute cuisse un peu musclée était bonne à prendre et à grignoter. Les os étaient sucés et léchés jusqu'à ce qu'il n'y reste plus le moindre petit lambeau, le moindre petit filament de chair. Les tickets de rationnement étaient insuffisants et cette insuffisance avait placé l'imagination au pouvoir. Les chats étaient cuits en gibelotte et les rats amélioraient l'ordinaire des bouillons
Dans notre famille, on manqua aussi de nourriture mais ce fut peut-être moins dramatique que chez d'autres. La solidarité familiale joua entre mes parents et mes grands-parents et quand ma grand-mère avait vent d'un arrivage de pommes de terre dans les Flandres, elle n'hésitait pas à traverser la moitié de la Belgique pour que ses petites-filles en profitent.
Ma mère, de son côté, ne ménagea jamais ses mollets et pédala tant qu'elle put dans les campagnes environnantes, trouvant ici du lait, là du beurre ou des œufs. Après d'âpres transactions financières dans lesquelles elle perdait toujours quelques plumes, elle ramenait ses trésors à la maison, essoufflée mais heureuse. Il arrivait parfois que le bonheur fût de courte durée et la découverte d'un morceau de chou blanc au centre de la motte de beurre effaçait les sourires confiants. A l'utilisation, le lait présentait un aspect trop fluide et son goût était fade. Il avait été «coupé». La grimace du désenchantement remplaçait la joie. C'était la fin de la guerre ou l'après-guerre et certains continuaient à «faire leur beurre» tandis que d'autres n'arrêtaient pas de se faire plumer.
Ces fraudes, ces petits apports étaient minimes mais suffisants pour survivre. D'espoirs en découragements, les adultes, faute de repas gargantuesques, avaient grignoté le temps et avaient enfin vu l'horizon s'éclaircir.
Un jour pourtant, un doute horrible plana sur la famille.
A l'époque, je marchais à peine et comme tout enfant qui découvre le monde, soit à quatre pattes, soit m'accrochant au pied des meubles comme un petit vampire, j'explorais mon environnement. C'est ainsi que cet après-midi-là, j'atteignis le bac à charbon.
Fidèle compagnon de la grosse cuisinière à cinq portes, pièce maîtresse de la cuisine de mes grands-parents, ce bac n'avait pas été refermé et, à mes yeux éblouis, apparurent les morceaux de charbon concassé. Brillants, tentants en diable, les petits diamants noirs m'attendaient. J'avançai la main, pris l'une des gaillettes* et, ni une ni deux, hop! dans la bouche.
Impossible à croquer, cette gaillette fut sucée avec application. En apparence, le goût ne me répugna pas. Je la suçotai, la retournai de la langue, la fis passer de gauche à droite et, ce faisant, provoquai un afflux important de salive. Le liquide poisseux et noir me barbouilla les contours de la bouche, s'étendit sur les joues grâce aux mains déjà très noires elles-mêmes avant de s'étaler sur mon bavoir et mes petits vêtements en lainage pastel.
Quand ma mère me découvrit, ce fut un bébé-charbonnier qu'elle trouva. La gaillette, bien coincée dans la joue gauche, me déformait le visage. La bave noire continuait à couler. Mes yeux clairs, encore plus clairs dans le visage noir, l'observaient avec attention. A cette vue elle faillit avoir une attaque nerveuse.
Il fallut bien qu'elle reconnût sa fille dans ce monstre rampant qui avançait maintenant vers elle. Elle m'empoigna, m'assit sur la table puis, d'un index expert, s'acharna à extraire de ma bouche ce qu'elle découvrit être du charbon.
Ses cris avaient ameuté toute la maison. Atterrés, mes grands-parents ne purent que constater les dégâts vestimentaires, horrifié, mon père pensa aux dégâts digestifs. Malgré la guerre, personne n'avait jamais mangé du charbon dans cette famille. Aucun des observateurs ne sut que conjecturer des conséquences à venir. De toute urgence, il fut décidé de faire appel au médecin et dans l'attente de sa venue, les adultes furent sur des charbons ardents.
Quand le médecin arriva et que lui fut expliqué le «drame» provoqué par la petite, cela le fit bien rire.
- Elle manque tout simplement de sels minéraux, cette petite, et c'est dans le charbon qu'elle les cherche, dit-il à mes parents effondrés. Ne vous tracassez pas, ce n'est pas plus grave que si elle avait mangé des pastilles de charbon digestives. Laissez-la faire!
La laisser faire? Certainement pas! On aimait bien le vieux médecin de famille mais l'amitié avait ses limites. Le soulagement fut malgré tout général sauf pour mon père qui se sentit coupable d'avoir mal nourri sa famille. Mais que faire? De l'argent, il y en avait un peu mais il ne servait à rien si les provisions manquaient dans les magasins et si certains fermiers pratiquaient un marché si noir qu'il prenait les quémandeurs à la gorge. Il se tracassa beaucoup mais, dans un premier temps, ne trouva pas de solution adaptée.
Sur ces entrefaites, nous quittâmes la maison de mes grands-parents à Quaregnon et nous partîmes vivre à Maisières où mes parents avaient trouvé une location intéressante entre des bois et une plaine couverte de genêts.
Le temps passa, le manque de viande persista.
Je ne sais qui, à cette époque, de Louis Waëme ou de Louis Van de Spiegele, parla à mon père des possibilités d'apports supplémentaires de viande grâce au braconnage! Peu importe. L'un d'eux en parla.
S'il y avait bien un défaut que mon père n'avait pas c'était celui de malhonnêteté et le désir de tuer ne l'effleurait jamais. Dans un premier temps la proposition de l'un des Louis fut rejetée avec fermeté. Mais...
La mauvaise graine avait été semée et, soigneusement arrosée par ma mère qui n'avait pas les mêmes scrupules que son époux, elle finit par germer et par se développer.
Très bien! Il n'était pas impossible d'envisager de temps à autre la mort d'un lapin. Il y en avait tant dans les bois voisins! Mais, placer un collet, cela demandait une certaine technique que mon père ne possédait pas. De plus, se faire surprendre par le garde forestier était un danger qu'il fallait éviter à tout prix. Qu'allait-on penser de Monsieur Moreau s'il était surpris en délit de braconnage?
Les deux problèmes furent rapidement résolus.
Louis l'instigateur passa plusieurs soirées à expliquer comment fabriquer un collet, où le placer, quel fil choisir, à quel moment de la journée relever ces méchants pièges etc...etc...
En ce qui concernait une mauvaise rencontre dans les bois, mon père trouva la parade la plus efficace. D'habitude, il arpentait les sous-bois et la clairière voisine en ayant toujours en main un livre de poésie. Le contact avec la nature, le calme des bois, les chants d'oiseaux procuraient une autre dimension aux poèmes analysés. Parfois, le chemin du garde croisait le sien et les contacts étaient amicaux. Qui aurait alors soupçonné de braconnage ce brave enseignant plongé dans ses études poétiques? A partir de ces conclusions, mon père partit dans les bois tenant son livre d'une main, l'autre main, tenant le collet, enfouie dans la poche de son veston.
La réussite ne fut pas au rendez-vous. On ne transforme pas aussi facilement un poète en tueur de lapins. Plus malins que mon père, les rongeurs, jamais, ne passèrent leur petite tête et leurs longues oreilles dans les nœuds coulants. Ils devaient bien rigoler, tapis à l'entrée de leurs terriers, quand ils voyaient arriver le professeur avec ses pièges inoffensifs.
Celui qui ne rigola pas, ce fut le garde forestier qui, habitué à surveiller son domaine au mètre carré près, eut vite fait de trouver les collets mal placés. Un jour, rencontrant mon père lors d'une de ses promenades, il l'accompagna le long du sentier et entretint la conversation plus que d'habitude. Il fut question de l'état des arbres, de la flore rare qui poussait ici et là, du gibier qui serait chassé en automne et, le sujet étant abordé, il ajouta sans avoir l'air d'y toucher : «Je ne sais pas quel est l'imbécile qui place des collets en ce moment, mais avec aussi peu de technique, jamais il n'attrapera rien. Par contre, si moi je l'attrape, il s'en souviendra... ».
A partir de ce jour, plus jamais mon père n'alla placer de pièges et ses promenades redevinrent purement studieuses et honnêtes.
Malgré le léger manque de viande qui perdura, malgré l'effort qu'il avait fourni pour se faire à l'idée de devenir tueur de lapins, mon père resta intransigeant sur un point : quand notre voisin, Charles à Sabots, proposa à ma mère quelques-uns des petits oiseaux qu'il tuait de temps à autre pour son profit personnel, Franz refusa avec colère, révulsé par l'idée de la mise à mort de ces petits êtres ailés. La fréquentation de Charles à Sabots fut vivement déconseillée à ma mère. Sa proposition l'avait transformé en persona non grata malgré qu'il se soit justifié : «Pour que la petite ait de la viande».
Les lapins, oui, les oiseaux, non!
Toujours aussi peu scrupuleuse, ma mère, dans l'intérêt de sa cadette, accepta les oiseaux en cachette. Profitant des absences de mon père, retenu à Mons pour ses cours, elle me les cuisinait avec une petite échalote et un soupçon de serpolet. Je garde le souvenir de minuscules cuisses très tendres mais... oui, vraiment minuscules. Les gaillettes avaient plus de consistance et duraient plus longtemps. 

* les gaillettes :   petits morceaux de charbon   

vendredi 25 janvier 2013

Etoiles des neiges

Etoile des neige, mon coeur amoureux 
S'est pris au piège de tes grands yeux ....

lundi 21 janvier 2013

jeudi 17 janvier 2013

Les enfants

Ah ! Quels beaux souvenirs que ceux fournis par la jeunesse de nos enfants ...

mardi 15 janvier 2013

souvenirs d'enfance (3) Le catéchisme


Le catéchisme.


Dès mes premières participations à la vie scolaire, l'enseignement faillit me faire  mal tourner.
Mes parents m'avaient inscrite à l'école communale de Maisières et mon père avait indiqué   que je ne suivrais pas le cours de religion. A l'époque, aucun dogme religieux n'avait sa grande entrée dans notre famille.
Mon père, sûr de son bon droit et du respect qui serait accordé à sa demande, se désintéressa rapidement du problème.
Ma mère, indifférente à tout ce qui ne concernait pas la santé et la bonne nourriture à fournir à sa petite tribu, ne creusa pas non plus pour savoir ce qu'il adviendrait de moi tous les jours de huit heures trente à neuf heures.
Durant cette demi-heure, chaque matinée de la semaine, un cours de catéchisme était donné dans toutes les classes. La religion, habituellement enseignée par nos institutrices, était parfois supervisée par une grande ombre noire accueillie avec beaucoup de déférence par les deux dames. Le berger venait inspecter ses ouailles et vérifier si le chemin de la rédemption restait bien dégagé. Deux pierres rugueuses gâchaient l'harmonie de cette voie mais elles étaient si petites...
En ce qui me concernait, Madame Emma et Madame Delbart eurent donc à trouver une solution qui permettrait à l'ensemble de la petite classe l'apprentissage du catéchisme tout en soustrayant à cet endoctrinement la seule élève athée du groupe. (Ma sœur, élève de la grande classe, aurait dû être la seconde incroyante de l'école. Cependant, après mûres réflexions enfantines, elle avait choisi la voie de la confession sans en parler à la maison. C'est ainsi que, à la veille des communions, l'église jouxtant notre école la vit entrer, se signer et s'agenouiller parmi ses camarades de classe, dans l'attente de la dénonciation salvatrice de ses mini péchés.)
Les heures de religion se situant en début de matinée dans les deux classes, il était impossible de me faire voyager d'une classe à l'autre durant ce cours.
Madame Emma, mon institutrice, eut l'idée qui lui sembla la plus appropriée : chaque matin, je devrais aller m'asseoir au dernier banc de la classe; de là, les oreilles fermées à toute information religieuse, je ne pourrais rien entendre ni comprendre des mystères de la Sainte Famille et des avatars de leur Grandiose Rejeton. La demi-heure écoulée, agneau noir s'il en fut, je pourrais regagner ma place habituelle au milieu du troupeau de mes compagnes fidèles.
Imaginez une enfant de sept ans à laquelle on intime l'ordre de ne pas écouter et surtout de ne pas entendre ce qui se dit près d'elle pendant une demi-heure, vous comprendrez la suite de l'histoire.
Les tresses plaquées derrière les oreilles, les lobes frémissant d'attention soutenue, mes capacités auditives exacerbées, j'étais tout ouïe durant trente minutes. Il n'y avait que mes mains que je n'osais utiliser pour agrandir mes pavillons roses.
Premières leçons d'hypocrisie obligent, mes yeux ne pouvaient suivre les paroles sur les lèvres de l'enseignante. Je faisais donc semblant de lire un livre de contes ou de revoir un exercice dans mon cahier de brouillon. Pauvres yeux, obligés de rester inactifs pour donner un maximum de chance à leurs commères les oreilles.
De toute ma vie, ce furent sans doute les uniques leçons que j'écoutai avec une telle intensité et, oserais-je dire, avec une telle ferveur.
Pour mon malheur, je ne pouvais poser aucune question quant au surnaturel qui enveloppait très souvent les saints récits ce qui était un handicap grave. A sept ans, on peut tout écouter, on ne peut pas tout comprendre.
Quand j'y pense, quelle gabegie de la mémoire que celle qui survola mes premières années d'études ! Car, en ce qui concerne les tables de multiplication, il me fallut plus de douze ans pour arriver à les mémoriser! Dieu ne fut jamais avec moi dans l'apprentissage des mathématiques. Par contre, pour le catéchisme...
Ah! ce catéchisme. Il y avait bien des éléments que je comprenais et mémorisais parfaitement. A la question : «Où est Dieu ?», j'aurais pu m'introduire dans le chœur de mes compagnes et réciter avec elles et d'une même voix : «Dieu est au ciel, sur la terre et en tous lieux». A force d'entendre chaque matin les mêmes questions et les mêmes réponses, je les avais retenues à la perfection.
Ce genre d'énoncés ne me perturbait pas. Père Noël, le 24 décembre au soir, n'était-il pas, lui aussi, au ciel, sur la terre et en tous lieux? C'était incontestable, à chacune de ses fêtes, les cadeaux arrivaient sous le sapin. Bon! Tant qu'à croire, je croyais en tout, l'aporie n'était pas mon fait.
La question : «Qu'est-ce que Dieu ?» m' allait bien aussi et, mentalement, je répondais : «Dieu est un esprit infiniment parfait, créateur du ciel et de la terre». Oui, il avait  fallu que quelqu'un le crée ce ciel si beau, nuageux, bleu, limpide ou menaçant. L'immensité de l'univers ne faisait pas encore partie de mes connaissances. Mon univers personnel avait ses limites peintes en bleu et cette terre sur laquelle je marchais n'était pas venue toute seule se mettre sous mes pieds. Pour moi, il n'y avait pas d'incohérences dans le cours de catéchisme que je devais faire semblant d'ignorer. Matinée après matinée, mi-mécréante, mi-crédule, je devenais une bizarre petite cagote.
Vint alors le jour où j'entendis que Joseph n'était QUE le père nourricier de Jésus et ce QUE ébranla mes croyances. Que l'on nourrisse un enfant tombait sous le sens. Mes parents le faisaient   tous les jours et sans problème. Mais comment pouvait-on être père et n'être QUE nourricier ?

A l'époque, j'avais déjà ma petite idée quant à la façon de faire un enfant. Comme toutes mes amies du même âge, nous avions dépassé la théorie du chou et de la rose et   avions enfin compris que le père mettait une graine dans le nombril de la mère et, hop! le tour était joué. Simple et rapide. La conception était infiniment plus pratique que maintenant. Mais n'être que nourricier, là, quelque chose commençait à m'échapper. J'en restai très perplexe. Impossible d'obtenir le renseignement en classe, toute question aurait dénoncé mon hypocrisie. Auprès de mes parents, à mon avis, la question aurait provoqué un résultat catastrophique. Dans mon désir d'exégèse, je décidai donc de voler un catéchisme, de le rapporter à la maison et de mieux étudier la question dans le silence et le recueillement nécessaires à cette tâche. Sûre que la possession du livret et une lecture approfondie de ses textes me dévoileraient certains secrets et m'apporterait les réponses que je cherchais, je pris donc mon courage à deux mains et, la troisième main invisible, je la glissai dans un pupitre proche, en retirai le livret jaune beurre que j'introduisis dans mon cartable. A la seconde même, celui-ci devint lourd du péché de vol.
Personne n'ayant rien soupçonné, le déroulement de la journée scolaire et le retour à la maison se firent sans autre incident.
En famille, j'étais en sécurité, personne ne vérifiait jamais ce qu'il pouvait y avoir dans mon cartable. J'étais seule maîtresse de celui-ci et les rares fois où je l'ouvrais étaient lorsque je cherchais mes crayons de couleur ou du papier de dessin. La notion de «devoirs à faire à la maison» ne m'avait pas encore contaminée et effleurait rarement l'esprit de mes parents. Mon cartable, donc, était plus sécurisé que la Banque Nationale.
Le soir tomba tout doucement. Après avoir vérifié les occupations de chacun et chacune dans la maison, je compris que le bon moment était arrivé : ma mère, enveloppée des vapeurs odorantes fusant des casseroles, cuisinait comme à son habitude; mon père discutait avec des amis dans la salle à manger; ma sœur vaquait à une occupation quelconque dans la même pièce. Aucun danger d'être surprise dans mes recherches délictueuses.
Je pris mon petit cartable en cuir et montai sans bruit dans le bureau de mon père où je m'installai confortablement sur le cosy corner parental. J'adorais la douceur veloutée du couvre-lit brun, le creux qui se formait quand on s'y lovait, la légère odeur de poussière vieillotte qui s'en dégageait : un véritable havre de paix que je rejoignais souvent. C'était le meilleur lieu de la maison pour étendre mes connaissances et... peut-être... atteindre aux mystères de Dieu.
Dieu ne voulut pas aider une voleuse! Il ne me permit pas d'entendre le pas de mon père qui montait l'escalier.
A la recherche d'un document posé sur son bureau, ce dernier fut bien surpris de trouver sa cadette, assise comme une indienne, les jambes repliées servant de porte-livre et profondément plongée dans une lecture qui semblait passionnante.
Il me demanda ce que je lisais et son tendre sourire me montrait à quel point il était fier de me voir en plein exercice de lecture. 
Lorsque je le vis entrer, je restai sans voix. Impossible d'émettre le moindre son. La gravité de mon méfait commençait à m'apparaître : le vol doublé de la transgression d'un interdit paternel.
Voyant mon trouble, mon père se mit à douter de la pureté morale de sa fille. Il s'approcha, se pencha sur le livret que je tenais serré entre les mains puis le prit afin d'en mieux saisir l'origine et l'intérêt.
Sa confrontation avec le recueil diocésain fut terrible. Le tendre sourire disparut brusquement pour faire place à un véritable raz-de-marée de colère mal maîtrisée. Je retenais mon souffle face à la tempête qui noircissait l'avenir proche. Jamais je n'avais vu un tel courroux dans les yeux de mon père.    
Où as-tu pris ce livre? me demanda-t-il d'une voix glaciale. 
A l'école, bien sûr.
Et que comptais-tu en faire?
Ben... je cherche le père nourricier.
Et après ces paroles stupides, je m'empêtrai dans des explications abracadabrantes qui n'auraient même pas convaincu le plus demeuré du village.
Mon père me fixa froidement et reprit en détachant bien ses mots :
-Tu es priée de replacer ce livre où tu l'as pris! Dès demain matin! Je ne veux plus jamais voir ceci entrer chez moi! Mets-le dans ton cartable et je t'interdis d'y toucher encore.
Là-dessus, toujours plongé dans sa colère, il fit demi-tour et redescendit. Je l'entendis expliquer son horrible découverte à ma mère qui, elle, n'y accorda pas grande importance. La réussite du repas du soir était autrement plus captivante.
J'avais beau être pétrifiée par la colère de mon père, mon cerveau enregistra quand même que la possession du catéchisme pouvait être néfaste et qu'il valait mieux ne pas s'y frotter. Je glissai le livret dans mon cartable pour la seconde fois de la journée et fermai soigneusement le rabat en cuir sur l'objet du délit.
Quelques années plus tard, lors d'une conversation à bâtons rompus avec des camarades de classe, j'appris enfin ce qu'était un père nourricier Nous avions grandi et les arcanes de la Sainte Sexualité enjolivaient nos propos grivois des coins de cour de récréation.

Ce que mon père ne débusqua jamais, c'est cette croyance qui avait fait son nid dans ma jeune cervelle : longtemps contemplée en classe, l'image de Dieu créant le ciel et la terre s'était fixée, ancrée, dans un coin de ma mémoire et, malgré mon athéisme acquis au fil des années, lorsque je contemple un nuage nimbé de magnifiques rayons solaires, je ne peux m'empêcher de me dire : «Dieu est là derrière». 
 

vendredi 11 janvier 2013

Burqa ... et le reste ...

 Entendu à la radio  : "Le terrorisme est le fait d'imposer sa connerie par la violence"      J'ai aimé

La révolte du chien Némo


"Trop de chasseurs pour si peu de loups !  Il fallait bien que quelqu'un se révolte. De plus, ce que je ne supporte pas, en tant que chien amoureux de la nature, ce sont tous ces déchets abandonnés sur les lieux de chasse. Les loups, lorsqu'ils chassent, ne polluent pas, eux !" 
A suivre : Zorro réussira-t-il à éliminer toute cette pollution ?

mercredi 2 janvier 2013

Souvenirs d'enfance (2) Perspectives


Perspectives.

Par quel tour de passe-passe mes parents réussirent-ils à me faire inscrire en quatrième primaire au Lycée de M... ? Ils durent faire preuve d'une fameuse imagination, c'est certain. Plus nulle que moi dans toutes les matières, ce n'était pas courant. La notoriété de mon père dut jouer ainsi que mon âge et il est vrai que j'avais l'âge sinon les connaissances pour être dans cette classe
C'est ainsi qu'un lugubre matin de septembre, je me retrouvai sous le porche humide et sombre de ce Guantanamo de l'enfance, le Lycée M... B.... La fine bruine qui tombait ce jour-là ne mettait pas le moral au beau fixe et j'eus l'impression que ma vie allait être une suite ininterrompue de jours sombres et désespérants. Comme un poulet mouillé, j'attendais sans bouger que la cloche sonnât la fin des arrivées d'élèves, la formation des rangs et la fermeture des lourdes portes cochèrent qui verrait s'envoler tout espoir de fuite.
Une maman se présenta alors tenant une fillette de mon âge par la main. Toutes deux, souriantes, cherchèrent du regard une future compagne vers laquelle se diriger. Ce fut sur moi que leurs regards s'arrêtèrent. Le ciel, malgré son sale petit crachin, venait enfin à mon secours. La dame me demanda mon nom, me présenta sa fille Chantal et proposa que nous nous donnions la main pour aller nous ranger. Un énorme poids venait de s'envoler de ma poitrine et je pus rejoindre la double file des élèves de quatrième année en serrant la main de ma nouvelle amie comme on serre une bouée de sauvetage.
Dès ce premier contact, notre amitié ne cessa d'aller en grandissant. C'était la première fois de ma vie scolaire que j'avais une amie et je n'allais pas la lâcher de si tôt. A la récréation du matin, notre curriculum fut étalé sous le marronnier. Son père possédait une brasserie à Erbisoeul, mon père était professeur de latin et de grec à l'Athénée; le parc qui entourait sa maison était très grand, les bois qui entouraient la mienne étaient immenses; le matin, un chauffeur la conduisait à l'école, je venais en tram car mon père refusait toute idée d'auto; elle avait un professeur de piano... aïe! Je n'avais que la nature comme professeur. Bon, malgré quelques différences, notre entente ne pouvait être que parfaite, nous le sentions l'une comme l'autre.
Le lendemain matin, j'attendis mon amie sous le porche. Elle arriva, m'embrassa et, tout de suite, ouvrit son cartable d'où elle tira un petit cadeau qu'elle m'offrit. Je trouvai l'idée du cadeau merveilleuse et après l'avoir remerciée, lui promis que, le lendemain, ce serait moi qui lui en apporterais un. Ainsi le rituel du cadeau matinal s'instaura entre nous. Oh! c'était deux fois rien. Elle m'apportait un crayon un peu usé, je lui apportais une gomme mordillée; un jour, c'était un joli morceau de papier rose, le lendemain, un bout de guirlande de Noël. Vraiment, deux fois et même trois fois rien mais l'attention que nous apportions l'une comme l'autre à emballer joliment ces petits objets pour créer la surprise ensoleillait toutes mes journées. Un peu de bonheur dans cet univers lugubre du lycée.


En classe, par contre, la différence entre nous fut énorme. Chantal était bonne élève, j'étais le cancre parfait, elle ne ratait aucune dictée, j'avais toujours zéro en orthographe, ses devoirs étaient faits régulièrement, les miens rarement ou pleins d'erreurs.
Notre séparation ne tarda pas. Mon amie se retrouva vite assise à l'avant de la classe alors que je fus placée au dernier banc à côté d'une fillette très aimable mais qui ne devait pas faire plus d'étincelles que moi. C'était peut-être le point de vue de l'époque : «Mettez deux nulles ensemble et priez pour obtenir des cerveaux einsteiniens». Pour ma nouvelle compagne, je ne sais, mais, en tout cas, pour moi, la méthode ne marcha pas.
Notre institutrice était pourtant une bien brave dame, tout enveloppée dans les replis de sa poitrine, de son derrière et de son bedon. Jamais je ne l'entendis crier et c'est toujours gentiment qu'elle m'annonçait mes zéros. Parfois, il y avait l'ombre d'un regret dans sa voix mais c'était très discret. Je crois que, dès les premiers jours, elle avait laissé tomber les bras et mon improbable résurrection scolaire avait déserté ses pensées. Il en allait de même pour moi.

En plus de mon amitié pour Chantal, deux merveilleux souvenirs me restent de mon passage dans cette classe.
Un jour, notre maîtresse arriva, tenant en main un gros ballotin entouré d'un ruban de satin rose. Nul doute, c'était des pralines. Que se passait-il donc ? Quelle était l'occasion ? Pour qui ce cadeau ? Elle ne nous laissa pas languir trop longtemps :
- Aujourd'hui, c'est mon anniversaire, dit-elle, et je vous ai apporté des truffes. Nous les mangerons cet après-midi avant le cours de dessin.
Waouw! Des truffes ! En classe ! Ça, c'était vraiment autre chose qu'une dictée ou des calculs. J'aurais aimé envisager le quotidien de la vie scolaire de cette manière.
L'après-midi arriva, notre enseignante nous mit en cercle autour de son bureau puis elle défit le nœud du ballotin, écarta ses rabats dorés et bascula légèrement la boîte pour nous faire découvrir les petites boules irrégulières couvertes de poudre de cacao. Chacune à notre tour, nous fûmes autorisées à prendre l'une des friandises que, sur ses conseils, nous laissâmes fondre doucement dans notre bouche Il fallait, nous dit-elle, profiter du goût au maximum. Ah, la brave dame, elle n'était pas ronde pour rien ! C'était la première fois que je mangeais une truffe et je fus très satisfaite de cette expérience qui me réconcilia, durant quelques minutes, avec l'école.
Un autre jour, notre institutrice décida de nous apprendre à dessiner une perspective à l'aide de quatre lignes de fuite.
Expliquée en deux mots, la technique n'a l'air de rien mais pour moi, placer un point aux trois quarts d'une feuille, y faire converger quatre droites non parallèles entre lesquelles, prises deux par deux, on pouvait venir esquisser des arbres, des maisons ou des personnages, allant du plus grand au plus petit, ce fut une révélation aussi importante que la découverte d'un nouveau continent pour d'autres. Jamais je n'avais imaginé que quatre droites et un point pouvaient offrir tant de rêves. Je venais de découvrir la fuite sur papier.
A partir de ce jour, des lignes de fuite, j'en dessinai des dizaines et des dizaines. Que m'importait alors l'orthographe et les mathématiques? Par le dessin, l'évasion était totale.
La période de Noël de cette année-là vit sortir de mon crayon et de mes couleurs à l'eau mille paysages enneigés où les sapins fuyaient vers l'infini sans jamais revenir, des dizaines de maisons aux toits alourdis par de grosses couches de gouache neigeuse s'estompèrent dans des brumes lointaines, des rues de villages défilèrent et des oiseaux migrateurs s'envolèrent très loin vers des pays imaginaires. Et que dire des chemins de halage plus bordés de peupliers que ne le furent jamais aucun d'entre eux en Flandre?


Ainsi, la quatrième année primaire ne me laissa pas que de mauvais souvenirs et si elle ne me vit acquérir ni une meilleure orthographe ni une méthode correcte pour calculer au moins m'apprit-elle la fuite par le dessin.





Vu la médiocrité de mon travail durant cette année scolaire, l'institutrice ne put que m'octroyer le grade de plouc en calcul et en orthographe.
                                                                                                                                  ( 4ème primaire, fête de fin d'année scolaire.)