La nuit arriva. Oubliées les mises en garde. Bien enroulées dans notre sac de couchage, nous nous endormîmes rêvant à tous ces oiseaux bleus si peu farouches qui étaient venus picorer non loin de nous lors du souper.
Bardaf ! Badaboum ! Bang ! Clong ! Clong ! Venant des poubelles situées à l‘entrée du camp, ces bruits infernaux nous réveillèrent en moins de temps qu‘il n‘en faut pour le dire.
Un pas lourd se dirigea ensuite vers notre tente.
Au fur et à mesure de l‘approche, les légères vibrations du sol se transformèrent en tremblements plus effrayants.
Danielle me saisit le bras et, dans un souffle, murmura : „C‘est un ours !“
C‘était aussi à cet animal que je pensais sans oser le dire. Les pas d‘un homme n‘auraient pas provoqué de telles vibrations…
Nous étions tétanisées dans nos fins sacs de couchage qui étaient loin de valoir le rempart d‘un château fort.
Je ne sais quelles furent les pensées de ma sœur en cet instant de frayeur intense. Je me souviens des miennes qui furent d‘un crétinisme impérial : „Pourvu qu‘il ne s‘asseye pas sur la tente, pourvu qu‘il ne nous sente pas et ne s‘asseye pas...“
Au lieu de suivre le sentier normal, l‘animal suivait un passage situé entre notre voiture et la tente.
Osant à peine respirer, crispée dans une immobilité de mort, n‘ayant aucune pensée pour les terribles griffes de l‘animal, je ne pensais qu‘à ses grosses fesses qui auraient pu m‘écraser si, par dessus la toile de tente, elles s‘étaient affaissées sur mon petit corps doux et tiède.
Certaines personnes vous racontent qu‘en cas de danger extrême, l‘être humain voit sa vie défiler à grande vitesse, moi, je n'imaginais qu‘un cul poilu en train de faire exploser ma cage thoracique, image sordide s‘il en fut !
Après quelques secondes qui nous parurent une éternité, ignorant notre présence à ses pieds, l‘ours poursuivit son chemin jusqu‘à un second espace poubelle. Là, comme un enragé, il se mit à secouer et à déplacer les conteneurs hermétiquement fermés pour la nuit, tapant sur les parois et les couvercles dans un bruit métallique infernal, espérant y trouver une nourriture facile à emporter.
Trop, c‘en fut trop pour les nerfs fatigués de l‘un des campeurs qui, non loin de notre tente, sortit de sa caravane et se mit à vociférer contre l‘animal tapageur.
Il faut croire que cette voix, se répercutant d‘un arbre à l‘autre dans la nuit, effaroucha le plantigrade. Nous l‘entendîmes s‘enfoncer dans les fourrés et le calme revint enfin .
Mon Dieu ! Comme le simple bruit du vent ou l‘infime clapotis d‘un lac peut être agréable à qui s‘endort dans la nature !
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