Galanteries et compagnie
Ce que j'apprécie le plus dans ce beau pays nommé France, c'est la galanterie que l'on y rencontre, le respect vis-à-vis des femmes et, par dessus tout, la beauté du langage utilisé par de nombreux citoyens.
Un régal !
Ces vertus qui font aussi la grandeur et l'agrément d'un peuple, c'est sur un parking de Vaison-la-Romaine que je les trouve avec régularité.
Dernièrement, voulant quitter mon emplacement dans l'allée centrale d'un parking, je fis une marche arrière plus que lente : je me méfie très fort des hurluberlus qui arrivent à fond de train sur cette aire, pressés par le temps qui n'arrête pas de passer et par le désir d'effectuer un achat de dernière minute.
Donc, un recul lent . Cette lenteur me permit d'apercevoir, sur ma droite, un véhicule se déplaçant en marche arrière. Par prudence, je m'arrêtai. Roulant dans le sens inversé de la trajectoire traditionnelle, l'homme ne me vit pas. Bong !!! Quoi d'étonnant ? Il vint heurter mon pare-chocs arrière. Bien que l'ayant vu arriver, je fus quand même surprise par le choc : persuadée que le conducteur adverse stopperait avant le baiser métallique final, une fraction de seconde, j'avais quitté des yeux son recul dangereux. Cette distraction d'une fraction de seconde fut suffisante pour que je n'utilise pas mon klaxon.
Bon, le mal était fait, quelle attitude adopter sinon celle de sortir en gardant son calme pour constater les dégâts ? Je sortis donc.
Et c'est ici que Feydeau aurait pu prendre quelques notes intéressantes.
Au milieu de l'allée, un couple s'était arrêté bien avant le choc pour observer les manœuvres de nos deux autos. Dès mon apparition, le mâle du couple sudiste, pour bien asseoir sa supériorité, fit entendre son propre avertisseur sonore : « Ah ! Bien sûr ! Encore une femme au volant ! On pouvait s'y attendre ! »
Mes oreilles n'arrivaient pas à croire ce qu'elles entendaient. Incroyable mais vrai : on avait lâché le crétin de service dans Vaison-la-Romaine. Je me tournai vers lui et lui susurrai : « Votre vue ne semble pas très bonne, la femme, elle, avait immobilisé son véhicule. Celui qui a embouti sa voiture est un homme ! »
En plus d'une imbécilité chronique, l'interlocuteur semblait traîner, accroché à ses basques un manque total de politesse. Après un hoquet rageur, sans aucune excuse pour son intervention inopportune, il prit le bras de sa moitié et se remit en marche vers les magasins.
De l'aventure, un seul regret m'est resté : penser qu'il y a, à Vaison (ou ailleurs), une femme obligée de vivre avec ÇA ! Bon, rien ne lui interdit, à cette moitié, de monter dans sa voiture et de quitter son malotru d'époux. Mais ….. pas en marche arrière s'il vous plaît, elle pourrait se faire traiter de … FEMME !
La fin de l'histoire fut sans importance, il n'y avait pas eu de gros dégâts et l'automobiliste fautif et désolé s'était répandu en excuses.
Ce même parking m'aide à améliorer mon vocabulaire et ensoleille mes passages en ville.
Ce jour-là, une seule place restait libre lorsque j'arrivai devant le magasin. Pour mon malheur et malgré la possession d'une petite Toyota au rayon de braquage impressionnant, l'espace à occuper se situait juste après un tournant en épingle à cheveux. Impossible de s'y placer en une seule manœuvre. J'entamai donc mon tournant, stoppai, fis une petite marche arrière pour reprendre ensuite le mouvement vers l'avant et m'arrêter correctement sur l'emplacement choisi.
Le temps était magnifique, chaud, un ciel bleu à l'infini et la vitre de ma portière était abaissée. Je pus ainsi entendre : « Connaaasse !!! »
Je jetai un coup d'œil dans la direction d'où s'était élevé l'aimable beuglement. En fait, la manœuvre que je venais d'effectuer m'avait pris une quinzaine de secondes. C'en était trop pour le jeune homme qui me suivait et avait dû marquer un temps d'arrêt. Quinze secondes ! je lui avais volé quinze secondes de sa précieuse vie. Quel scandale ! Il avait donc éprouvé le besoin immédiat de sortir une tête rouge à l'extrême et de me faire part de son énervement en un seul mot. Son langage fleuri mais restreint me laissa rêveuse. Les tempéraments sudistes sont parfois un tantinet décoiffants et celui qui veut s'adapter ici ne doit pas rester coincé dans une linguistique trop puriste. De toute évidence, à armes égales, j'aurais dû répondre : « Putain! Tu m'fais chier...! Espèce de résidu de crétin ! Fais-toi plaisir en te grattant les couilles, abruti ! » Mais … je dois reconnaître que je manque d'entraînement avec cette magnifique langue française nouvelle mouture. Pour mon malheur, je n'ai pas des décennies de pratiques quotidiennes comme certains. Mes pensées peuvent bouillonner, les mots ne me viennent pas assez vite. Je demeurai donc quelques secondes supplémentaires devant mon volant à me remettre les idées en place et à réfléchir : comme une partie de notre jeunesse était belle, cordiale, chaleureuse même ! C'est toujours un plaisir de se dire qu' un jour, peut-être, l'individu devenu adulte, s'il continue à être aussi couillu, sera à la tête d'une entreprise.
De cette joyeuseté, ce midi-là, il m'est finalement resté une question incongrue : « Faut-il deux N au mot con(n)asse… ? »
Lors de mon troisième tête-à-tête, il fut surtout question de surcharge pondérale.
Après m'être garée (toujours sur le même parking), je sortis de ma voiture, heureuse d'avoir trouvé, cette fois, un emplacement facile, presque isolé et bien ombragé. J'étais en train de contourner l'arrière de la Toyota lorsque je vis arriver une grande masse sombre : un homme en surpoids. L'individu se planta devant moi et, d'une voix de rogomme, m’interpella sans tendresse : « Et comment je fais, moi, pour rentrer dans ma voiture ? Vous avez vu la place que vous m'avez laissée ? » Sans un mot, je me tournai, vérifiai l'espace pris par ma voiture et celui pris par la sienne. Ma Toyota se trouvait exactement centrée entre les deux lignes blanches, l'autre véhicule, déporté, mordait bien trop sur sa gauche. Je reportai mon regard vers le charmant interlocuteur, évaluai le volume du ventre, des fesses et des biceps et dus bien constater que si cette masse de graisse tentait de s'introduire entre les deux autos ce ne serait pas sans difficultés.
Riposter ? Faire remarquer que le mieux garé des deux n'était pas celui qui le pensait, que je n'étais pas responsable de son surpoids et qu'une nourriture mieux gérée aidait, c'est certain, dans la vie quotidienne. Toutes ces remarques auraient été mesquines et... mal venues face à la corpulence de l'adversaire. Le plaisir d'un peu d'humour ne valait pas un coup perdu sur une place de parking trop isolée et devenue tristounette. Je fus lâche, fis demi-tour et remontai dans ma voiture pour la décaler vers la gauche.
Comme d'habitude, c'est sans un merci que l'homme s'introduisit dans son auto et partit imposer son surpoids dans un autre lieu.
Maintenant, quand je descends à Vaison-la-Romaine, et dans la mesure du possible, je fais un tour de carrousel sur le parking pour vérifier si, oh ! bonheur ! il n'y aurait pas trois places libres côte à côte. Dans ce cas, je choisis celle du milieu avec un champ visuel bien dégagé.
Au volant, la vue c'est la vie !


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