samedi 7 décembre 2013

Souvenirs d'enfance (17 - 1ère partie) Fin de guerre

Fin de guerre




De ma naissance je ne garde comme souvenirs que ceux que ma mère ou ma grand-mère voulurent bien me raconter. Et encore faut-il rester méfiant quant à leur véracité car ma mère avait une telle tendance à transformer les faits en fonction de ses fantasmes qu'il planera toujours un doute concernant ses dires.
Une chose reste certaine, les périodes qui précédèrent et suivirent fin 1943 furent pleines de fracas et de fureur. Non, bien sûr, à cause de ma venue au monde mais en raison d'une guerre qui n'en finissait pas de finir. 
 Et pourtant, mon père, grand rêveur accroché à des espoirs de paix, avait prédit que pour ma naissance, le conflit serait terminé. Ma mère, confiante, l'avait cru et je fus mise en route. 
 Fol espoir déçu ! Erreur de calcul ! Le jour de mon arrivée, les bombardements continuaient ce qui interdit tout déplacement vers un hôpital et obligea ma mère à accoucher sur la table de cuisine de mes grands-parents. Enfin, au moins, là, il faisait chaud et nous n'étions pas dans la rue. De médecin, point. L'homme était probablement occupé à recoudre des blessés de guerre, je n'ai donc rien à lui reprocher. Ce fut Madame Clara, la sage-femme du village, qui officia aidée par ma grand-mère. Mimi, avec son bon sens slave, était toujours prête à retrousser ses manches quelles que fussent les circonstances et la naissance de sa seconde petite fille était, à ses yeux, une circonstance qui en valait la peine.
En ce mois de décembre, la famille n'avait pas encore atteint le bout du tunnel creusé par la guerre mais le chemin parcouru était déjà pas mal long. Semée de privations, de recherches de nourriture, d'une courte fuite en France  devant l'envahisseur et de l'arrivée d'un chien irlandais nommé Jimmy, cette période de leur vie allait laisser plus d'amertume que de joies. Sans vouloir jouer au gros cou, je fus peut-être l'une de ces joies.
Ma sœur, elle, eut bien deux reproches à faire aux optimistes parents qui étaient les nôtres. Deux reproches suite à deux promesses non tenues  : lors de l'annonce de mon arrivée, ma mère avait eu l'idée saugrenue de lui laisser croire que je serais son cadeau de Saint-Nicolas et, absurdité suprême, que je serais un petit frère...

Bon, c'était la guerre et on ne pouvait tout prévoir mais quand même, il y avait eu un grand manque de réflexions chez nos géniteurs. Le six décembre, personne ne frappa à la porte pour apporter le frère promis et Danielle dut attendre jusqu'au huit pour accueillir une sœur. Que l'âne du grand Saint ait refusé d'avancer durant deux jours à cause des bombardements, passe encore, mais lui accorder le pouvoir de transformer un garçon en fille, c'était peu crédible. On comprend la désillusion de mon aînée qui, rapidement tenta de m'éliminer en me vidant un flacon de gouttes nasales dans les narines. La tentative ne fut pas renouvelée et j'y survécus très bien.

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