Nettoyage
à grande eau
A l'occasion de notre premier
séjour en Savoie, mes parents avaient loué une maison dans le joli
village du Mollard près d'Albiez-le-Vieux.
Je pense que nous fûmes le second groupe de touristes à venir passer des vacances dans ce village où
l'on nous accueillit avec beaucoup de sympathie (Les premiers étant les scouts qui avaient refilé l'adresse à mon père).
Les autochtones allaient pouvoir
analyser la vie des Belges, ce qui leur réserva bien des
surprises, il faut l'avouer.
Dès notre arrivée, les propriétaires de la maison vinrent ouvrir les portes et les volets
du logis loué et firent entrer notre famille afin de montrer
l'emplacement des différentes pièces, de la vaisselle, du linge de
maison … En fait, tout était très simple : une cuisine-salle de
séjour au rez-de-chaussée et une grande chambre à coucher au
premier étage. Pour passer de l'une à l'autre, un escalier
extérieur avec un balcon courant tout le long de la façade.
Il faut se souvenir que nous
étions dans la seconde moitié des années 40 et que les commodités
n'étaient pas ce qu'elles sont actuellement. Il y avait de
l'électricité mais l'eau se trouvait à la fontaine proche. Pas de
médecin encore moins de pharmacien; chacun, dans le village avait
son lopin de terre pour la culture des légumes; le pain était cuit
au feu de bois dans le four communal. Je n'en garde aucun souvenir
mais je suppose que pour la viande, ma mère s'adressait à nos
propriétaires.
Qu'à cela ne tienne, l'environnement était tellement beau ! Vers le sud, les Aiguilles
d'Arves, à l'est le Mont Emy, à l'ouest, le glacier de l'Étendard
: nous nous trouvions au centre d'un cirque de montagnes superbes.
Personne n'allait chicaner sur les détails de la vie quotidienne.
Personne ? Ma mère peut-être ! Car... qui allait devoir tout
prendre à bras le corps ? Comme d'habitude, elle, bien entendu.
C'est ainsi qu'après une nuit
d'un repos mérité, dès l'aurore, elle quitta notre chambre, bien
décidée à nettoyer à fond la salle de séjour qui, la veille, lui
avait semblé un rien poussiéreuse. Surtout le sol !
Elle prépara le balai, la
serpillère et, après avoir empoigné le seau, elle se rendit à la
fontaine d'où elle rapporta l'eau nécessaire au nettoyage. Et hop !
L'onde claire fut envoyée sur le sol.
Le premier seau d'eau fut
suivi d'un second. Et ma mère frotta, frotta, frotta. Puis elle
racla, racla, racla. Plus elle s'acharnait, plus le revêtement gris
devenait boueux ... Jamais elle n'avait imaginé qu'une telle couche
de poussière eût pu s'accumuler dans un logement.
Dieu merci ! Avant le troisième
seau d'eau, la propriétaire arriva pour offrir un pain qu'elle
venait de cuire. Horrifiée, elle s'écria :
- Mais que faites-vous ?
- Je nettoie, répondit ma mère.
- Vous nettoyez à l'eau un sol
en terre battue ? Mais vous n'y arriverez jamais ma pauvre dame !
Et c'est là que nous vîmes le
premier effondrement maternel.
Bien beau récit. Il nous rajeunit de quelques décennies.
RépondreSupprimerMerci, André
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