Et
à part ça, ça va ? (1ère
partie)
Cette
année-là arrivèrent dans ma classe deux élèves sortis d'une
école voisine que l'on venait de fermer.
Lorsque je
découvris leurs lacunes, je fus horrifiée : aucun des deux ne
savait ni lire, ni écrire en dehors de quelques syllabes de base.
Quant à la mathématique, c'était une catastrophe.
Je fis ma
petite enquête de laquelle il ressortit que, durant l'année
scolaire précédente, leur instituteur avait pris de nombreux et
longs congés pour raison de santé. Son remplacement avait, très
souvent, été effectué par la femme de ménage de l'école ! ! !
Non, vous ne
rêvez pas, c'était bien ce qui s'était passé !
Ce
préambule, pour que l'on puisse imaginer, ne fut-ce qu'un instant, à
quel point les deux jeunes garçons (et tous leurs compagnons)
étaient restés à l'abandon en première année primaire.
Il y eut des
heures et des heures de cours privés pour remettre à niveau ces
deux-ci. Petit à petit, leurs cerveaux sortirent des brumes de la
déscolarisation. Florian s'en tira très bien même. Son camarade,
peu volontaire, eut moins de chance.
Parfois, les
rechutes étaient douloureuses. Enfin, douloureuses, jamais pour
Florian qui en voulait encore et encore.
Une matinée,
lors d'une application de calcul, il rata complètement son
exercice; à l'heure de la récréation, je lui demandai de rester
cinq minutes près de moi.
Nous nous
assîmes l'un à côté de l'autre et je lui expliquai, calcul après
calcul, pourquoi chaque réponse était fausse et comment il aurait
pu surmonter les difficultés. Après quoi, je l'invitai à aller
jouer.
L'espoir
chevillé à cette petite âme d'enfant m'a toujours éblouie. A sept
ans, il ne voulait pas lâcher prise et, avant de quitter la classe,
il me regarda et demanda avec un grand sourire : « Et
à part ça, ça va? »
La question
était ahurissante après l'échec flagrant de la matinée et je fus
déstabilisée. Mais que répondre d'autre pour que le désir de
réussite subsiste ? Ma réponse fut donc : « Oui, à part ça,
ça va. Tu vas y arriver ».
Là-dessus,
heureux, l'enfant partit rejoindre ses copains en faisant l'avion.
Avec l'aide
de ses parents, le soir, et avec moi, sur l'heure de midi, Florian apprit à surmonter tous ses échecs. En juin, il avait retrouvé un
niveau suffisant pour pouvoir passer en troisième année.
Toute la
gloire lui en revient pleinement et je peux dire que ce jeune Florian est l'un des souvenirs heureux de ma carrière.