* Sincèrement, je n'ai pas essayé d'épater la galerie mais ce rapide de la Dent Noire, je l'ai franchi en marche arrière.
Il faut le savoir, il existe des kayaks particulièrement rétifs aux ordres donnés par la rame. Le mien était de ceux qui n'écoutent rien et préfèrent foncer, la proue rageuse, vers les plus gros rochers. Une fois engagé dans le rapide, si votre kayak décide de faire demi-tour, essayez alors de le raisonner ! Impossible. Bon gré mal gré, vous êtes bien obligé de suivre le mouvement même si l'absurdité est criante.
Un seul regret : ne pas voir défiler le paysage dans le bon sens.
Une seule récompense : les applaudissements des secouristes en bord de rivière (cela, c'est ce que mon fils affirme avec son humour légendaire).
** Retournement complet du kayak.
Lancée par un rocher, traître parmi les traîtres, une vague vicieuse est arrivée, a rempli l'embarcation et l'a fait chavirer avant que l'on ait pu dire ouf !
Une expérience à vivre une fois dans sa vie.
A mon avis, c'est là que vous pouvez vérifier si les poissons ont de beaux yeux. C'est là aussi que vous perdez tout sens de l'orientation. Nord, sud ? Qui connaît encore ? Dans ce cas, ce que l'on sait c'est qu'il y a plein de grosses bulles côté lumière et des algues côté galets. Et ça tourne et tourbillonne avec d'immenses bruits de glouf plouf schlouf...
Ami d'extrême urgence, le gilet de sauvetage vous ramène vers un monde de soleil et de chants d'oiseaux.
Vient ensuite la grande désillusion en ce qui concerne la solidarité, ici de la nature, là d'une bande d'adolescents.
Lorsque votre tête émerge enfin de l'eau, vous entrevoyez la possibilité de reprendre pied rapidement.
"Que nenni, brave naufragé" hurlent en choeur tous les glauques galets de l'Ardèche. "Essayez donc de nous marcher dessus". Avec courage, vous essayez. Splash ! Resplash ! Et reresplash ! Toutes les viscosités du monde semblent s'être réunies sous vos pieds et chaque nouvel effort vous fait replonger.
Juste à ce moment-là, allez savoir pourquoi, vous entrevoyez l'intérêt de pratiquer "la flottaison les pieds devant".
C'est la dérive reposante, le calme, la douceur de vivre. Il suffit de se laisser emporter au gré d'une eau redevenue calme. Et l'on se met à imaginer que la descente de l'Ardèche, couché sur le dos, ma foi, ce ne serait pas mal non plus.
Arrive alors le moment attendu : moins de courant, peu d'eau et un fond de galets clairs. C'est certain, vous allez pouvoir sortir de l'onde tiède pour remonter dans votre kayak.
Avec une grande naïveté, vous tendez votre rame (celle que vous n'auriez pas lâchée pour tout l'or du monde) vers des adolescents qui, de la rive, depuis quelques minutes, vous observent d'un oeil torve.
"Allez les gars, attrapez-la et tirez-moi hors de l'eau !" Cela, c'est ce que vous pensez car, dans l'aventure, vous avez momentanément perdu la voix. En dehors d'un rien d'écume et d'une queue de poisson, rien ne sort plus de votre bouche.
Sur la rive, pas la moindre réaction, aucune main ne se tend. Seuls, des yeux ahuris vous fixent comme s'ils voyaient Nessie sortir de son loch.
Et m..... Vous êtes bien capable de faire seul cet ultime effort et merci pour l'aide de dernière minute, les amis !
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