samedi 16 février 2013

Souvenirs d'enfance (7) Dans les bois


Dans les bois 

Crédit photo : Fond d'écran HP



En quittant l'allée qui menait chez les Marbaix, sur la gauche des bois, nous nous enfoncions dans une zone assez touffue. Fougères, ronces et taillis de noisetiers se mélangeaient là allègrement.
Une cinquantaine de mètres d'avancée sauvage nous amenait près d'une grotte située au bord d'un étang. Construite de main d'homme, faite d'épais silex assemblés par un mortier grossier, cette grotte n'avait rien de bien esthétique. La nature aurait fait mieux.
Nul n'aurait pu dire à qui cet assemblage de gros silex avait été dédié. Des amours romantiques s'y étaient-ils abrités ? Des amants fous y avaient-ils caché leurs ébats ? Une croyance maladive y avait-elle placé une vierge bleue ou une quelconque sainte disparue aujourd'hui ? Mystère.
Il est vrai que le mystère régnait là. Ce lieu, abandonné depuis belle lurette, était alors envahi par une végétation luxuriante. Épaisse chevelure de lierre, fougères scolopendres, et ronces sournoises avaient pris d'assaut les pierres, leur apportant ce vert glauque et cette atmosphère lugubre des lieux humides et sombre.
Je ne sais pour ma sœur, mais, personnellement, je me méfiais de cet endroit dans lequel notre imagination débridée avait situé la mort d'une belle inconnue et, même quand le soleil chaleureux de l'été chauffait le cœur du bois, il y flottait un voile de tristesse. C'était toujours avec précaution que je m'y rendais.
Une mélancolie latente s'étendait aussi à l'étang qui, lui-même repris par la nature dominante, ne respirait plus qu'entre quelques trouées de roseaux, d'iris jaunes et de lentilles d'eau.
Le danger était là, bien présent. L'humus humide du sol et l'étang se confondaient en nombre d'endroits et il fallait une attention soutenue pour ne pas quitter l'un et se perdre dans l'autre.
Cependant, la beauté des iris et le brun velouté des massettes étaient trop attirants pour que nous y résistions longtemps. De temps à autre, nous nous en approchions dans l'espoir d'y cueillir un haut bouquet soufre et chocolat. Le plus souvent, nous ne pouvions atteindre que les myosotis bleus qui, eux, n'avaient pas eu l'intelligence d'enfoncer leurs racines assez loin du bord de l'étang pour s'y protéger de nos mains destructrices.
Parfois, alertées par le craquement lointain de branches sèches, quittant à toute vitesse le bord de l'étang, nous montions sur le toit de la grotte pour nous aplatir au milieu des lierres et des herbes hautes : le garde forestier arrivait. A ses oreilles entraînées à reconnaître le moindre bruit de son domaine, nos bavardages et nos rires d'enfants n'avaient pu échapper. Il détestait nous rencontrer, divaguant de droite et de gauche, effrayant son gibier ou maraudant sous les pommiers privés. Mais surtout, conscient du danger de l'étang, il ne tolérait pas nous y trouver.
Il arrivait que, trop affairées à la surveillance des têtards ou des grenouilles, nous ne l'entendions pas venir et c'était alors l'engueulade assurée. D'autre fois, lorsque notre attention n'avait pas été prise en défaut, couchées en hauteur, nous ne bougions plus. Il passait, tournait autour de la grotte, s'arrêtait, attentif au moindre bruit, longeait le bord de l'étang puis s'éloignait, certain que nous nous trouvions dans les environs proches. Il nous cherchait au sol, nous étions en hauteur. Après son passage, nous redescendions silencieusement par les silex qui, à l'arrière de la grotte, formaient une pente plus douce. Après quoi, prenant nos jambes à notre cou, nous rejoignions l'allée principale où, si le temps ne nous était pas compté, ma sœur organisait une incursion dans une autre partie du bois ou dans le parc de l'une des propriétés privées incrustées dans nos terrains de liberté.


Crédit photo : inconnu

Le groupe des coureurs des bois : à l'extrême gauche, Danielle Moreau, à l'extrême droite, Odette Blomart, au centre Anne Moreau. L'aîné du groupe, Henri Jouveneau (?) et les sœurs d'Henri. Notre chien Boy faisait souvent partie des aventures

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