Dans
les bois
Crédit photo : Fond d'écran HP
En
quittant l'allée qui menait chez les Marbaix, sur la gauche des
bois, nous nous enfoncions dans une zone assez touffue. Fougères,
ronces et taillis de noisetiers se mélangeaient là allègrement.
Une
cinquantaine de mètres d'avancée sauvage nous amenait près d'une
grotte située au bord d'un étang. Construite de main d'homme,
faite d'épais silex assemblés par un mortier grossier, cette
grotte n'avait rien de bien esthétique. La nature aurait fait
mieux.
Nul
n'aurait pu dire à qui cet assemblage de gros silex avait été
dédié. Des amours romantiques s'y étaient-ils abrités ? Des
amants fous y avaient-ils caché leurs ébats ? Une croyance
maladive y avait-elle placé une vierge bleue ou une quelconque
sainte disparue aujourd'hui ? Mystère.
Il
est vrai que le mystère régnait là. Ce lieu, abandonné depuis
belle lurette, était alors envahi par une végétation luxuriante.
Épaisse chevelure de lierre, fougères scolopendres, et ronces
sournoises avaient pris d'assaut les pierres, leur apportant ce vert
glauque et cette atmosphère lugubre des lieux humides et sombre.
Je
ne sais pour ma sœur, mais, personnellement, je me méfiais de cet
endroit dans lequel notre imagination débridée avait situé la mort
d'une belle inconnue et, même quand le soleil chaleureux de l'été
chauffait le cœur du bois, il y flottait un voile de tristesse.
C'était toujours avec précaution que je m'y rendais.
Une
mélancolie latente s'étendait aussi à l'étang qui, lui-même
repris par la nature dominante, ne respirait plus qu'entre quelques
trouées de roseaux, d'iris jaunes et de lentilles d'eau.
Le
danger était là, bien présent. L'humus humide du sol et l'étang
se confondaient en nombre d'endroits et il fallait une attention
soutenue pour ne pas quitter l'un et se perdre dans l'autre.
Cependant,
la beauté des iris et le brun velouté des massettes étaient trop
attirants pour que nous y résistions longtemps. De temps à autre,
nous nous en approchions dans l'espoir d'y cueillir un haut bouquet
soufre et chocolat. Le plus souvent, nous ne pouvions atteindre que
les myosotis bleus qui, eux, n'avaient pas eu l'intelligence
d'enfoncer leurs racines assez loin du bord de l'étang pour s'y
protéger de nos mains destructrices.
Parfois,
alertées par le craquement lointain de branches sèches, quittant à
toute vitesse le bord de l'étang, nous montions sur le toit de la
grotte pour nous aplatir au milieu des lierres et des herbes hautes :
le garde forestier arrivait. A ses oreilles entraînées à
reconnaître le moindre bruit de son domaine, nos bavardages et nos
rires d'enfants n'avaient pu échapper. Il détestait nous
rencontrer, divaguant de droite et de gauche, effrayant son gibier ou
maraudant sous les pommiers privés. Mais surtout, conscient du
danger de l'étang, il ne tolérait pas nous y trouver.
Il
arrivait que, trop affairées à la surveillance des têtards ou des
grenouilles, nous ne l'entendions pas venir et c'était alors
l'engueulade assurée. D'autre fois, lorsque notre attention n'avait
pas été prise en défaut, couchées en hauteur, nous ne bougions
plus. Il passait, tournait autour de la grotte, s'arrêtait,
attentif au moindre bruit, longeait le bord de l'étang puis
s'éloignait, certain que nous nous trouvions dans les environs
proches. Il nous cherchait au sol, nous étions en hauteur. Après
son passage, nous redescendions silencieusement par les silex qui, à
l'arrière de la grotte, formaient une pente plus douce. Après quoi,
prenant nos jambes à notre cou, nous rejoignions l'allée principale
où, si le temps ne nous était pas compté, ma sœur organisait une
incursion dans une autre partie du bois ou dans le parc de l'une des
propriétés privées incrustées dans nos terrains de liberté.
Crédit
photo : inconnu
Le
groupe des coureurs des bois : à l'extrême gauche, Danielle
Moreau, à l'extrême droite, Odette Blomart, au
centre Anne Moreau. L'aîné du groupe, Henri Jouveneau (?) et les
sœurs d'Henri. Notre chien Boy faisait souvent partie des aventures
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