mercredi 8 janvier 2014

Souvenirs d'enfance (17 - 3ème partie et fin) Fin de guerre

Fin de guerre
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Chaque fois qu'un bombardement commençait, toute la famille se précipitait dans les caves de la demeure familiale et s'y tenait coite jusqu'à la fin de l'alerte. Mais, enfermée entre les solides murs du sous-sol, toutes portes fermées, les soupiraux à charbon bien obturés, comment savoir si les bombes tombaient encore ici ou là, si Quaregnon avait été touché ou si, le danger écarté, tout un chacun pouvait remonter dans la cuisine ?
C'est alors que la messagère de l'espoir, ma grand-mère en l'occurrence, commençait son va-et-vient entre la cave et le grenier. Elle quittait l'abri familial du sous-sol, traversait la cuisine de son pas de souris vaillante, grimpait l'escalier menant aux chambres puis celui menant au grenier. Là, attentive aux bruits extérieurs, elle se dirigeait vers celle des lucarnes qui la placerait dans la meilleure position pour observer les bombardements qui ravageaient notre Borinage.
C'était souvent la ville de Saint-Ghislain qui était visée à cause de sa gare de formation mais, rien n'étant parfait, même du côté allemand, les bombes rataient le plus souvent leur cible pour s'égarer sur les villages environnants et sur nos chers terrils.
Sans peur et sans reproche, notre chevalier, armé de sa seule candeur, observait avec soin, calculait les distances, comptait les déflagrations puis, l'escarcelle mentale bien garnie, reprenait le chemin de la cave pour offrir sa manne de renseignements à une famille blême et terrée.
Enterrée sous les décombres, ma famille ne le fut jamais grâce aux viseurs défaillants de la Luftwaffe et c'est ainsi qu'au fil des années, les petites anecdotes familiales, s'étoffant de plus en plus, firent passer Alexandra du statut de simple grand-mère au statut d'héroïne de guerre dans le cœur de ses petites-filles.


Alexandra Prokhorova (années 80) : sculpture de Danielle Moreau

2 commentaires:

  1. J'ai toujours faim de vos histoires. Encore une SVP.

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    1. Point trop n'en faut pour ne pas atteindre l'indigestion. De plus, je ne possède, actuellement, qu'une soixantaine de textes. Alors, à petites doses, à petites doses pour tenir un certain temps. Merci pour vos appréciations.

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