Fin de guerre
....
Chaque fois qu'un bombardement commençait, toute la
famille se précipitait dans les caves de la demeure familiale et s'y
tenait coite jusqu'à la fin de l'alerte. Mais, enfermée entre les
solides murs du sous-sol, toutes portes fermées, les soupiraux à
charbon bien obturés, comment savoir si les bombes tombaient encore
ici ou là, si Quaregnon avait été touché ou si, le danger écarté,
tout un chacun pouvait remonter dans la cuisine ?
C'est alors que la messagère de l'espoir, ma
grand-mère en l'occurrence, commençait son va-et-vient entre la
cave et le grenier. Elle quittait l'abri familial du sous-sol,
traversait la cuisine de son pas de souris vaillante, grimpait
l'escalier menant aux chambres puis celui menant au grenier. Là,
attentive aux bruits extérieurs, elle se dirigeait vers celle des
lucarnes qui la placerait dans la meilleure position pour observer
les bombardements qui ravageaient notre Borinage.
C'était souvent la ville de Saint-Ghislain qui était
visée à cause de sa gare de formation mais, rien n'étant parfait,
même du côté allemand, les bombes rataient le plus souvent leur
cible pour s'égarer sur les villages environnants et sur nos chers
terrils.
Sans peur et sans reproche, notre chevalier, armé de
sa seule candeur, observait avec soin, calculait les distances,
comptait les déflagrations puis, l'escarcelle mentale bien garnie,
reprenait le chemin de la cave pour offrir sa manne de renseignements
à une famille blême et terrée.
Enterrée sous les décombres, ma famille ne le fut
jamais grâce aux viseurs défaillants de la Luftwaffe et c'est
ainsi qu'au fil des années, les petites anecdotes familiales,
s'étoffant de plus en plus, firent passer Alexandra du statut de
simple grand-mère au statut d'héroïne de guerre dans le cœur de
ses petites-filles.
Alexandra Prokhorova (années 80) : sculpture de Danielle Moreau |
J'ai toujours faim de vos histoires. Encore une SVP.
RépondreSupprimerPoint trop n'en faut pour ne pas atteindre l'indigestion. De plus, je ne possède, actuellement, qu'une soixantaine de textes. Alors, à petites doses, à petites doses pour tenir un certain temps. Merci pour vos appréciations.
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