Il est des matins où, quand on se lève, le ciel gris vous rend morose et vous fait plonger dans les souvenirs les moins agréables de votre jeunesse.
Et quand ces souvenirs prennent la direction du Lycée Royal Marguerite Bervoets, ils ne peuvent qu'être déprimants... en tout cas pour moi !
Une première tentative d'intégration en quatrième et en cinquième primaires avait déjà eu lieu à l'initiative de mes parents. Ma déprime fut telle alors que, après quelques semaines de pleurs et de révoltes, je pus prendre le chemin de l'école communale de notre village.
L'âge de 12 ans étant arrivé, il me devint impossible de marquer mon désaccord par des crises de nerfs, il fallut coûte que coûte que j'entre en sixième latine dans ce lycée montois.
En toute objectivité, il devait bien y avoir des printemps et des débuts d'été avec floraison de marronniers et rayons de soleil dans cet établissement ... mais ma détestation était telle que je ne garde comme souvenir que ceux des couloirs sombres, des odeurs de poussière, des tabliers bleus ou des surveillantes à la voix grondeuse.
Tout cela n'était que décor car le plus terrible se trouvait en classe lorsque, le lundi matin, entrait notre professeur de mathématique, petite femme sèche n'offrant jamais le moindre sourire réconfortant.
Consciente de l'importance mondiale des quatre opérations, cette femme avait inventé une torture mentale des plus sadiques, le calcul rapide (ma sœur l'appelait "calcul commando").
-- Prenez un quart de feuille.... Votre nom, la date ...
Aïe ! les cinq premiers mots annonçaient l'horreur qui allait suivre.
Tous les crayons pointés vers le quart de feuille, tous les yeux tournés dans sa direction, un silence de mort couvrant la classe de sa cape sombre, elle commençait :
-- six fois sept... plus quatre... divisé par deux... moins sept... Etc...Etc ...
Il n'est pas difficile de réaliser que celle qui ratait le premier calcul ratait tous les autres vu l'entrelacement des calculs et des réponses. Mariage létal s'il en fut.
Eh bien, croyez moi ou pas, chaque semaine, je ratais le premier calcul. Stress et méconnaissance mathématique se donnaient la main pour m'achever tous les lundis.
La torture se poursuivait le mardi. Madame Z entrait en classe, déposait son cartable sur le bureau, en sortait la petite pile de nos quarts de feuille et commençait à les distribuer en citant les noms et les points.
-- Unetelle : huit, unetelle : six, unetelle : neuf ... Moreau, Anne, zéro.
Bon, c'était couru.
Je sentais, sur mes épaules qui se tassaient, les regards de mes camarades de classe, je voyais le petit morceau de papier blanc atterrir sur mon banc et, vite, je le faisais glisser dans mon cartable pour tenter de l'oublier.
Même si, ce jour-là, le soleil brillait à l'extérieur, dans la classe, la lumière se faisait plus terne, le tableau devenait plus gris et Madame Z prenait la forme sombre du Commandeur.
Pierre à pierre, un mur s'élevait entre la mathématique et moi, chaque pierre portant le nom d'échec.
Un point positif émerge quand même de tous ces lundis d'horreur : ce supplice hebdomadaire me traumatisa tant et si bien que, plus tard, devenue enseignante moi-même, jamais au grand jamais il ne me vint à l'idée de faire subir pareille injustice à mes élèves.
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