Les
larmes essuyées et séchées, je cherchais toujours à rejoindre
notre groupe. L'explosion de joie de la fin du concours produisait,
sur mes amis, le même effet chaque matin et, quand j'arrivais,
chacun était déjà parti dans une direction différente de la
plage. Michel, l'explorateur impénitent, se trouvait dans des
lointains inaccessibles, en train de sauver la veuve et l'orphelin de
service. Claudine, avec ses préférences plus précieuses,
s'essayait à la confection de fleurs en papier crépon qui
serviraient à l'ouverture d'un magasin de fleuriste creusé dans le
sable. Elle n'avait nul besoin de moi. Seule, l'aide artistique de ma
grand-mère était acceptée. Ma sœur et Guy, quant à eux,
n'avaient de cesse de rejoindre la mer et ses premières profondeurs.
Comme par hasard, c'était aussi ce qui m'intéressait le plus et je
tentais de les rattraper le plus vite possible malgré l'ardeur
qu'ils mettaient trop souvent à s'éloigner de la pleureuse grecque
que je représentais.
De gauche à droite : ma soeur, Claudine, moi et Michel |
Afin
d'éviter tout nouveau drame futur, ma mère intervenait une nouvelle
fois, appelait ma sœur et lui faisait comprendre qu'elle devait
emmener la petite avec elle et
ne pas lui lâcher la main dans les vagues et
ne pas aller trop loin, il y avait des trous d'eau
et
si elle
avait froid, il fallait revenir tout de suite ET...ET...ET...
La voix enflait au fur et à mesure de l'éloignement de notre trio.
De quoi vous faire détester pour le reste des vacances.
Une fin de matinée, je crois
que pour Guy et pour ma sœur, la coupe saline fut pleine. Ils ne
discutèrent pas lorsque ma mère leur intima l'ordre de surveiller
mon avancée dans les vagues. Bon, très bien, je voulais affronter
la Mer du Nord ? J'allais l'affronter et ensuite je n'aurais pas à
aller me plaindre.
A gauche de la photo, Guy et à droite, Danielle |
Ils me prirent chacun par une main et face aux
vagues de plus en plus fortes, me firent avancer. Parfois, je perdais
pied mais l'un puis l'autre m'encourageait, me faisait miroiter une
proéminence sableuse, plus loin, toujours plus loin. Et, effectivement, nous sentîmes bientôt sous nos pieds une remontée
du sable qui fit émerger nos jambes hors de l'eau à hauteur des
genoux.
Un vrai sentiment de victoire
m'envahit. J'étais allée bien plus loin que d'habitude et j'étais
très fière de moi. Les mains protectrices m'avaient lâchée et je
pouvais, à ma guise, continuer vers l'horizon, aller à gauche, à
droite, tâter le sable du bout des orteils dans l'espoir de
découvrir un coquillage plus beau que ceux que nous ramassions sur
la plage. Des algues poussées par la marée montante venaient
s'enrouler autour de mes chevilles, je les attrapais pour les lancer
le plus loin possible dans la mer et j'observais avec ravissement ces
envolées de longues lanières gonflées de leurs petits flotteurs.
Tout occupée par mes jeux et
mes découvertes, je ne vis pas tout de suite que les deux acolytes
chargés de ma surveillance s'étaient esquivés en douceur pour
rejoindre la plage avant que l'eau n'ait trop avancé et ne soit
devenue trop profonde.
(à suivre)
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