Toute
notre enfance, des heures durant, nous avons joué avec ces petits
palets sans jamais nous soucier de leur beauté intrinsèque. Les
lançant dans les cases des marelles sans retenue malgré leur
fragilité, les poussant parfois du pied avec violence et, arrivées
à la dernière case du jeu, les envoyant à travers les airs dans
les mains de la partenaire qui devait prendre le relais. Ces petits
trésors avaient ainsi voltigé de pied en main jusqu'au jour où,
n'ayant pas été rattrapés ils s'étaient cassé sur un sol trop
dur ou sur une pierre pointue.
Les
larmes remplaçaient le plaisir du jeu et la course à la victoire.
Je partais alors mendier un nouveau palet auprès de notre mère.
Immanquablement, la réponse venait : «Attends, attends, tu vois
bien que je suis occupée» ou «Demain, je vais à Mons, je
«passerrrai» en acheter un» ou pis encore «Si tu es sage, je
verrrrai...» Cette dernière réponse était la plus terrible.
Comment savoir si nous serions assez sages? Ce flou entourant la
réponse était usant, c'était le chantage maternel le plus
sournois. Avions-nous des raisons d'espérer? N'oublierait-elle
pas? Irait-elle à Mons comme elle le disait?
Ma
mère était coutumière de ces paroles jetées en l'air pour calmer
l'interlocuteur. Elle n'y accordait aucune valeur, elles étaient
sans importance à ses yeux mais nous laissaient souvent dans une
expectative désagréable. Bon ! Ma mère était humaine comme tant d'autres mères, Dieu merci.
Dans
l'attente de l'achat, l'imagination prenait le pouvoir. Un caillou
un peu plat, un petit morceau de tuile cassée, une vieille boîte
métallique de cachoux que nous remplissions de sable, tout était
bon pour continuer nos parties de marelle jusqu'à la dispute
suivante.
(à suivre)
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