Le
« Berceau Blanc »
Il
fallait parfois attendre plusieurs jours avant que notre mère ne
descende à Mons et, quand elle n'avait pas oublié ses promesses, le
régal était de l'accompagner. Elle nous emmenait alors «Au
Berceau Blanc» car, disait-elle, c'était le «meilleurrr» magasin
de jouets de la ville.
Maintenant
que j'y repense, je ne sais si c'était le « meilleurrr »
mais en tout cas c'était le plus fourni en mille et une choses
accumulées sur les rayons pour apporter de la joie aux enfants.
Dès
l'arrêt
du
tram sur la Grand-Place, nous descendions la rue principale en
faisant du lèche-vitrines. Une première halte
avait parfois lieu chez les demoiselles Thiébaud qui tenaient la
«meilleurrre» mercerie et chez lesquelles ma mère adorait acheter
l'une ou l'autre petite chose : un essuie de cuisine, une manique ou
un bout de lin qu'elle comptait broder. Rien dont elle eut
réellement besoin mais dont elle pourrait parler avec ses amies. Enfin!
Cela ne nous concernait pas et nous n'attendions que l'arrivée «Au Berceau Blanc».
De
loin, l'enseigne nous tirait l'œil : un petit berceau métallique
peint en blanc qui se balançait au gré du vent au-dessus de la
porte d'entrée du magasin. Nous arrivions près de notre caverne
d'Ali Baba, notre petit cœur battait plus vite, nous avions
tendance à presser le pas et entrions dans un état d'euphorie
certaine après avoir entendu le bruit cuivré de la clochette
suspendue à la vieille porte qui s'ouvrait avec des tremblements de
parkinsonnienne.
De
la poupée la plus somptueuse ou de l'auto à pédales jusqu' à la bille en terre cuite, on pouvait
tout trouver dans ce paradis du jouet. Les étagères dégorgeaient
leurs appâts : cordes à sauter, trains, autos, mécanos, vêtements
de poupées, balles, jeux de quilles, ours en peluche , dominos, jeux
des familles, tout, tout, tout y était.
Dans
ce fouillis, une chatte n'y aurait pas retrouvé ses jeunes mais
nous, d'une visite à l'autre, nous nous souvenions exactement de l'emplacement de chaque jouet et, la boîte contenant les palets n'ayant pas
changé de place, c'était vers elle que nous
nous dirigions d'un pas assuré.
Le choix était parfois laborieux.
Entre un palet en verre blanc formant une grosse marguerite, un
palet en verre rose pâle à rayures symétriques ou un palet vert
amande, lequel se faire offrir ? Un œil sur les palets, l'autre sur
le reste du magasin où les tentations les plus fortes nous
susurraient : «Laisse tomber ce bout de verre et viens plutôt vers
nous», nous entrions en transe. La situation était cornélienne.
Dans
le domaine du choix, ma mère se laissait peu souvent fléchir. Nous
étions venues pour un nouveau palet et non pour autre chose. A la
limite, elle acceptait comme dépenses supplémentaires une pipe en
terre cuite pour moi et une figurine d'indien pour la collection de
ma sœur mais rien de plus. Il faut dire que les finances familiales
étaient suffisantes pour vivre «à l'aise» mais ne permettaient
pas de gabegie dans le domaine des jouets.
Volontiers,
elle promettait l'achat d'une poupée bouclée, d'un âne en peluche
ou d'un petit train à clé mais ce serait à l'occasion d'une fête
importante : la Noël, la Saint-Nicolas, Pâques ou un anniversaire.
Cette longue attente pour un cadeau important rendait l'arrivée de
ce dernier bien plus festive et notre joie en était décuplée.
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