Imaginons (je dis bien IMAGINONS) que Dieu existe ...
Dieu
venait de finir une longue sieste de plusieurs siècles...
Lorsqu'il
se pencha sur son œuvre pour y jeter un coup d’œil, Il fut
horrifié par ce qu'il vit.
Tout
était bouleversé : les forêts disparaissaient, les oiseaux ne se
faisaient plus entendre, les terres étaient étouffées ou
incendiées, les mers n'envoyaient plus que des déchets, des paquets de cocaïne et des
animaux agonisants sur les plages; les montagnes se couvraient de
détritus et d'excréments humains, les abeilles se mouraient par
milliers...
"Quelle
erreur de leur avoir dit de croître et de se multiplier pensa-t-il
en regardant les hommes. Moi qui pensais que Ma Créature était le
summum de toutes mes créations ! La fine fleur de ce qui se faisait
à l'époque ! Pour être honnête, je dois reconnaître que cela
avait déjà mal commencé avec cette femme libertaire et son assassin
de fils. C'est là que j'aurais dû intervenir et les détruire
immédiatement et sans remord aucun . Après tout, il aurait suffi
de remettre l'ouvrage sur le métier !
Mon
Dieu ! Mon Dieu ! mais que faire pour redresser cette situation
infernale ? Bon, je suis stupide. En disant "Mon Dieu !" je
m'adresse à moi-même. Mais alors à qui puis-je m'adresser ? ? ?
Pas à Satan quand même. »
Un
ricanement se fit entendre, suivi par des paroles
mielleuses : "Tu veux un coup de main, Le Vioc ?
Je peux t'aider. Quelques bonnes grosses guerres, et un
pan de cette humanité pourrie disparaîtra. Si j'utilise rage,
choléra, peste bubonique, typhus, ébola, cancer, sida, parsemés
de-ci, de-là sur les cinq continents, un autre pan s'écroulera. Et
que penses-tu de quelques dictateurs supplémentaires ? Ils font un
excellent travail ceux-là ! Emprisonnements, tortures, disparitions,
gaz lacrymogènes, flash-ball, toutes ces petites
gâteries qui mènent les familles décimées vers des
exodes mortels ..."
Dieu
réfléchit ... "Non, dit-Il, ne te tracasse pas pour les
dictateurs. Ils sont déjà en train de se multiplier un peu partout.
Laisse faire, ils s'en sortent bien sans nous.
Et
puis, comme d'habitude, tu essaies de prendre la main, croyant que je
ne te vois pas venir. Allez, zou ! redescends dans tes brasiers, je
me passerai de toi.»
Bien
décidé à mettre son grain de sel pour accélérer la disparition
du genre humain, Satan se retira en chantant
:
«Tourner le temps à l'orage
Revenir à
l'état sauvage
Forcer les portes, les barrages
Sortir le
loup de sa cage
Sentir le vent qui se déchaîne
Battre
le sang dans nos veines
Monter le son des guitares
Et le
bruit des motos qui démarrent
Il suffira d'une étincelle,
D'un rien, d'un geste
Il suffira d'une étincelle,
D'un
mot d'amour
Pour...
Allumer le feu
Allumer le feu
Et faire danser les diables et les dieux ... »
"Je
vais commencer par agrandir mes geôles, pensa-t-il, il faut pouvoir
loger tout le monde lors du grand débarquement ! " Cette idée
le mit en joie et il se précipita pour donner ses ordres aux séides
qui l'attendaient près
de l’âtre monumental.
Dieu,
de son côté, ayant entendu le chant de Satan, éructa de rage ,
envoyant ici et là des éclairs aveuglants. Mais c'était sans
effets ni importance car il y avait bien longtemps que les hommes
étaient devenus aveugles à toutes les beautés qui leur avaient été
offertes...
--
Pourquoi ai-je tant dormi ? gémit-Il en s'arrachant les cheveux et
les poils de sa barbe."
--
Parce que, contrairement à ce que tu penses, tu es loin d'être
parfait !" lui cria Satan du fin fond de son royaume.
-- "JE
SUIS PAR-FAIT
!" hurla Dieu.
--
Si tu étais parfait, tu n'entrerais pas dans de telles colères et
tu n'aurais pas été arrogant au point de vouloir créer l'homme à
ton image !" répondit Satan pour mieux le narguer.
A
ces vérités, Dieu écuma littéralement de rage, Il empoigna son
grand bâton et, dans un excès très excessif de son tempérament
tumultueux, Il l'envoya droit sur la terre qui explosa en mille
morceaux bleus, bruns, verts, rouges suivant les lieux
d'où ils étaient issus.
C'est
ainsi que l'on put voir flotter dans l'univers entier, ici quelques
poissons ahuris, là un volcan en éruption, plus loin un char
d'assaut en route vers... quoi ? on ne le sut jamais.
Un peu partout des têtes, des bras, des vieillards vagissants, des
bébés rieurs, des nids tièdes, des grottes sombres avec leurs
ours, les braves et les méchants dans un mélange incroyable; et
même, très loin, aux confins de l'univers infini, Mélanchon* qui
criait : "Qu'on lui offre la Légion d'Honneur !" ... Là,
personne ne put jamais deviner si Jean-Luc* parlait de
Dieu, de Satan ou du Cheminot...
Puis,
tout fut englouti dans le plus grand des trous noirs, non détecté
jusqu'alors, nommé éternité.