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Ma copine, la Belle Brune |
Et
nous voilà sur le chemin du retour. A cœur vaillant, rien
d'impossible. De plus, les kilomètres parcourus à l'aller se
feraient plus facilement au retour puisque le chemin, maintenant
descendait.
C'est
alors que j'entendis une nouvelle fois sa voix. Elle susurrait avec
des modulations d'une grande tendresse. Irrésistible.
-- Némo,
mon petit bonhomme, viens voir ce que j'ai trouvé.
Je
me retournai et pus voir sa main gauche levée bien haut par dessus
l'épaule tandis que la droite tenait fermement la boîte argentée.
Qu'avait-elle trouvé cette fois
? Si elle m'appelait ,
ce
ne pouvait qu'être pour un peu de nourriture. Parfois, elle emporte
quelques biscuits pour nous récompenser si nous avons un bon rappel.
Le bon rappel, c'est rare mais cela arrive à son grand étonnement.
Surtout en ce qui me concerne.
Je
fis donc demi-tour et revins vers elle au petit trot.
Confiant, trop
confiant. Je me le dis
chaque fois : je devrais être moins crédule
car lorsque sa voix est si douce, il y a souvent une arnaque à la
clé mais, vous l'aurez compris, comme tous les mâles, je suis
incapable de résister aux chants des sirènes surtout si j'y ajoute
l'espoir d'une gratification gustative. Et me voilà assis, face à
elle, les yeux levés
pour tenter de discerner ce qu'elle tenait en hauteur. « Clic
clac ! clic clac ! clic clac ! » Trop tard, je venais de me
faire avoir et l'intensité de mon âme et de mon regard
se trouvait
dans sa boîte argentée.
-- Oh,
merci, Némo, tu vas être splendide avec ce soleil qui illumine tes
babines !
Oui,
fort bien mais où était la récompense ? J'avais eu un bon rappel,
nom d'un chien ! Je me mis à aboyer pour faire comprendre qu'il
était temps que sa main gauche s'abaisse en une offrande
intéressante. La main s'abaissa, en effet, mais, au lieu de
s'ouvrir, elle se mit à se balancer comme celle de l'auguste semeur et je
vis s'envoler dans les airs un petit quelque chose qui plana une fraction de seconde pour aller atterrir parmi tous les
cailloux du chemin.
O.K., elle voulait jouer
à «cherche la nourriture» ? Pas de problème. J'allais lui
montrer que l'esprit de Sherlock faisait partie de ma personnalité.
Et je partis au pas de course, reniflant à gauche, humant le sol à
droite, grattant de la patte ici ou là. Incroyable, rien, je ne
sentis ni ne trouvai rien. Seule, l'odeur des pierres chauffées au
soleil montait du chemin. Quel était encore ce tour de passe-passe
par lequel elle avait tenu à démontrer sa supériorité ?
Supériorité ? Au ras des pâquerettes, oui ! Elle avait dû
ramasser un petit caillou ou un bout de bois, simulacre d'une
friandise canine. Chez elle, je ne déteste rien tant que lorsqu'elle
me fait accroire ces fausses
récompenses.
Enfin,
j'en pris mon parti et me remis à trotter à sa suite sur le chemin.
Mes rêves avaient changé. Les petits mirages qui flottaient
maintenant devant moi étaient formés par un bol d'eau bien fraîche,
une gamelle de nourriture et un bon coussin moelleux.
Le
retour au logis ne posa plus aucun souci.
Chacun reprit sa place : la «belle brune» à l'arrière,
moi, à la place du mort,
elle,
au volant. Comme d'habitude, aucune fantaisie. Le jour qui me verra
au volant ne s'appelle pas demain.
Je
vais vous faire un aveu : les promenades que je préfère sont celles
que je m'organise en solitaire. Dès le matin, filer dans la pinède,
fureter dans les vignes, vérifier si rien de bon ne traîne chez les
voisins, ça c'est le pied. Et là, dès que la fatigue se fait
sentir, dès qu'une petite faim me creuse l'estomac ou que la soif me
prend, hop ! chemin du retour. Elle dit que cela s'appelle fuguer.
Mais quelle différence fait-elle entre se promener et fuguer ?
Il
faudra qu'un jour, quelqu'un m'explique.
Merci à Jacques pour sa relecture du texte et ses conseils