8 mai 2013
Moi, Némo, le roi de la critique |
Nous faisions tous une sieste méritée après nos courses du matin
dans les vignes lorsque, brusquement, elle s'est redressée en criant
:
--Allez,
il fait trop beau, on va dans la montagne.
Ma copine et moi sommes restés sans réaction et nous avons continués à somnoler, les yeux mi-clos, le souffle calme parfois ponctué d'un petit ronflement d'aise chez la «belle brune».
Ma copine et moi sommes restés sans réaction et nous avons continués à somnoler, les yeux mi-clos, le souffle calme parfois ponctué d'un petit ronflement d'aise chez la «belle brune».
Sa
voix a repris de plus belle :
--On
va se promener, allez, promenade dans la montagne.
Ça,
le mot promenade, tout le monde le comprend. La "belle brune" et
moi sommes presque tombés de nos paniers respectifs et, dans un
dérapage incontrôlé, avons atteint la porte à la vitesse grand V.
Et
hop ! En un coup de reins, nous étions tous installés dans sa
voiture; moi à l'avant, la «belle
brune» à l'arrière, elle devant ce gros cercle gris qui ne sent
même pas bon et qu'elle appelle un volant. Je sais que c'est un
volant et qu'elle y tient comme à la prunelle de ses yeux. Pas de
partage, jamais. Dès qu'elle entre dans la voiture, elle me dit :
--Tire-toi
Némo, c'est ma place, c'est moi qui conduis, c'est moi qui tiens le
volant.
Bon,
si elle y tient tant que cela à ce volant puant ! Et je sais qu'elle
y tient car, dès le départ, elle s'y accroche des deux mains comme
si notre vie à tous en dépendait. Et me voilà, une fois de plus,
relégué à la place du mort. C'est elle qui appelle cela la place
du mort car, pour moi, ce serait plutôt la place d'où l'on chute.
C'est vrai, quoi, si elle oublie de me retenir dans les tournants,
hop, je valse au sol dans n'importe quelle position. Que je me
retrouve sur le dos ou sur le ventre, c'est de toute façon
l'engueulade assurée.
--Mais
couche-toi, bon sang, je te le dis chaque fois, si tu restes debout
sur le siège, tu n'as pas d'équilibre.
Un
jour, je me casserai une patte, elle sera bien avancée. Ce sera le
véto au lieu de la montagne. Qu'elle les prenne plus doucement ses
tournants ! Ce n'est quand même pas si difficile que cela à
comprendre : moi, je suis trop petit. Si je veux voir le paysage, il
faut que je reste bien planté sur mes quatre pattes durant les
trajets. D'ailleurs, même la "belle brune" valse parfois au sol
quand il y a un coup de frein trop violent. Et pourtant c'est une
obéissante,
elle,
la
"belle brune". Toujours installée en position couchée après le
démarrage. Mais bon, nous n'avons peut-être pas la conductrice la
meilleure non plus. Ce n'est pas un reproche, juste une simple
constatation.
Trêve
de digression. Nous sommes donc partis pour la montagne, la
soixante-huitarde (référence à son âge mais elle pense
naïvement que je ne le connais pas), moi et la "belle brune".
Dès
notre arrivée, les retrouvailles avec les fines odeurs du gibier
nous ont mis en émoi. Une sente de
renard, un gîte de lièvre, une ancienne bauge de sanglier, tout
était bon pour filer dans n'importe quelle direction. Et nous avons
couru, nous avons couru à en perdre haleine. Comme dans la chanson :
"...des traces, toujours des traces... " ou quelque chose du même
genre mais, vous m'avez compris. Houlà ! voilà que je me prends
pour De Gaulle. Pourtant, entre les deux tailles, "y a pas photo"
comme disent les petits-enfants de ma maîtresse.
La
"belle brune" a une capacité de récupération qui m'épate. Après
vingt minutes de courses effrénées, elle n'était toujours pas
fatiguée. Disparaître dans les buissons pour réapparaître cent
mètres plus loin, c'est sa spécialité. Moi, je l'admets, je n'aime
pas trop ça. Les minuscules sentes ombragées me tentent bien plus
que ce maquis plein d'épines qui s'accrochent à mes poils, rempli
de chausse-trappes et de branches qui me cinglent le museau. Merci,
très peu pour votre serviteur. Et voilà pourquoi j'ai abandonné la
partie de chasse et suis revenu marcher plus sagement au milieu du
chemin. Bien sûr, la langue me pendait déjà jusqu'aux genoux et
notre «addicte» à la marche s'en est aperçue. C'est sa voix la plus douce que j'ai entendue; celle qu'elle utilise toujours pour me flatter.
"
Oh,
mon pauvre petit bonhomme! Tu as soif ? Et j'ai oublié de prendre la
bouteille d'eau. "
Pourquoi
me poser la question s'il n'y a pas de solution. Ça, c'est bien
elle. Des oublis, encore des oublis. Entre nous pour marcher, ça va,
mais pour ce qui est de la tête... Nous n'en dirons pas plus.
"Ne
te tracasse pas,
a-t-elle repris, nous
allons aller jusqu'à la source, tu pourras y boire. "
Oui,
si je ne suis pas mort d'ici là. Mais elle ne se rend pas compte !
La source est, pour le moins, à encore une demi-heure de marche.
Parfois, je me demande si elle ne veut pas m'achever.
Là-dessus,
voilà la "belle brune" qui est revenue
à toutes pattes pour recevoir, elle aussi, sa part d'encouragements.
Lèche-bottes, mais lèche-bottes celle-là ! Une flagorneuse de première. Du jamais vu
! Et je te fais un petit câlin par-ci et je te saute vers la figure
pour un bisou de chienne. C'est facile de sauter et de tourbillonner
pour se faire bien voir quand on a des pattes si longues. Moi, si je
saute, je ressemble plus à une grenouille qu'à un chien. Bien sûr,
mon petit surpoids n'arrange pas
les choses. A se demander si ce n'est pas pour cela que ma dame me
fait marcher. Une fois de plus, je ne veux rien dire mais pour elle
non plus, ce n'est pas du luxe....
La
marche a repris. Plus haut, toujours plus haut. " On
va jusqu'au col " a-t-elle dit. Le col c'était bien mais c'était loin d'être la
source.
Vous voulez que je vous dise ? A la source, nous n'y sommes jamais
arrivés.
................................. (à suivre)
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