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J'essayai bien de faire comprendre que, ma foi, j'avais aussi quelques problèmes articulaires. Je me mis à émettre de petits gémissements plaintifs, tournai sur moi-même plusieurs fois, tentai de sautiller pour atteindre la table, rien n'y fit. Seule, une phrase humiliante me tomba dessus comme une douche froide : « Arrête de faire le clown, Némo, tu n'amuses que toi ! Ta copine va mal et tu fais l'idiot ! »
J'essayai bien de faire comprendre que, ma foi, j'avais aussi quelques problèmes articulaires. Je me mis à émettre de petits gémissements plaintifs, tournai sur moi-même plusieurs fois, tentai de sautiller pour atteindre la table, rien n'y fit. Seule, une phrase humiliante me tomba dessus comme une douche froide : « Arrête de faire le clown, Némo, tu n'amuses que toi ! Ta copine va mal et tu fais l'idiot ! »
Ah,
ça, cette méchanceté, elle me la copiera ! Et devoir entendre cela
devant la vétérinaire en plus ! J'avais l'air de quoi pour finir ?
Et
bien, tout simplement d'un clown qui a presque réussi son coup après
tout car la belle masseuse m'a regardé et a dit : « Mais il
est rigolo, ce petit chien, je suis persuadée qu'il ne refusera
pas... »
Quoi
? Quoi ? Quoi ? Un petit massage ?
« …
une petite croquette. »
A
peu de chose près, on faillit me soigner pour un infarctus foudroyant tant la déception fut violente.
Nous
repartîmes ensuite, non en chantant et la fleur aux dents mais le
cœur lourd et les idées noires.
Dès
le lendemain, je réalisai pleinement que nos promenades allaient
désormais suivre la courbe des systoles de la Belle Brune.
Alerté
par la visite médicale de la veille, je remarquai enfin que ma
compagne marchait à petits pas, la tête un peu basse comme si
l'effort à faire la dépassait. Comment n'avais-je pu voir plus tôt
qu'elle s'arrêtait de temps à autre, le regard perdu vers des
horizons que je n'apercevais pas encore.
Finies
les grandes échappées sauvages dans les vignes ou dans les taillis.
Terminés les entraînements à la course pour savoir qui de nous
deux arriverait premier ou première au poulailler du Mas des
Carlines. Adieu aux montées échevelées parmi les genévriers pour
suivre des odeurs alléchantes de gibier. Bien sûr, tout cela je
pourrai toujours le faire mais où sera l'amusement si je dois le
faire seul ? Je compris enfin le bonheur qui avait été le nôtre
jusqu'à aujourd'hui et qui semblait s'éloigner dans une brume de
souvenirs, à petits pas, à tout petits pas comme ceux de ma copine.
La mort venait d'avancer l'un de ses pions.
La mort venait d'avancer l'un de ses pions.
La
mort ? A croire que c'est devenu un sujet de conversation privilégié
lorsqu'elle téléphone à mon autre très chère copine, sa sœur.
Et
patati et patata et inévitablement : « Oh ! Tu sais qui
est mort ? »
Et
c'est reparti...
Parfois même, un petit rire mal contenu accompagne l'information. Incroyable, non ?
Elles
feraient bien de ne pas trop se réjouir quand elles abordent ce
sujet. Vu leur grand âge actuel, je ne voudrais pas jouer les
Cassandre, mais elles doivent admettre qu'elles sont probablement
dans leur dernière ligne droite, celle dans laquelle tout coureur
chevronné tente une dernière accélération.
Mais quelle course espèrent-elles gagner maintenant ? L'idée ne leur vient-elle pas qu'elles sont en tête de gondole ?
Mon conseil personnel ? Décélérez,
mesdames, décélérez si vous ne voulez pas que l'on dise bientôt
en vous regardant : « La petite vieille dort, la petite vieille
dort, la petite vieille dort... »
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