"L'ange noir" - John Connoly

La chute des anges rebelles - Pierre Brueghel l'Ancien

 

Prologue

   "Les anges rebelles tombaient, festonnés de feu.

   Ils dégringolaient dans le vide, aussi maudits que l'est un aveugle de fraîche date car, de même que l'obscurité est plus terrible pour ceux qui ont connu la lumière, l'absence de grâce est ressentie plus intensément par ceux qui ont autrefois vécu dans sa chaleur. Ils hurlaient dans leurs tourments, et les flammes qui les dévoraient éclairaient pour la première fois les ténèbres. Ceux d'entre eux qui churent le plus bas se tapirent dans les profondeurs et s'y créèrent  un monde où habiter.

   Dans sa chute, le dernier ange regarda le ciel et vit tout ce qui lui serait refusé pour l'éternité, image si terrible qu'elle se consumait sous ses yeux. Au moment où les cieux se refermaient au-dessus de lui, il lui fut donné de voir le visage de Dieu disparaître dans les nuages sombres, et la beauté, la tristesse de cette image se gravèrent pour toujours dans sa mémoire et dans sa vision. Il fut condamné à errer à jamais en paria, rejeté même par les siens, car que pouvait-il y avoir de plus angoissant pour eux que de voir, chaque fois qu'ils le regardaient dans les yeux, le fantôme de Dieu tremblotant dans le noir de ses pupilles ? 

   Il se sentait si seul qu'il se scinda pour avoir de la compagnie dans sa solitude et, ensemble, les deux parties jumelles de ce même être parcoururent la terre encore en formation. Elles furent rejointes par une poignée d'autres proscrits las de se terrer dans le lugubre royaume qu'ils avaient créé. Qu'est-ce que l'enfer, après tout, si ce n'est l'absence éternelle de Dieu ? Connaître l'enfer, c'est être privé à jamais de la promesse de l'espoir, de la rédemption, de l'amour. Pour ceux qui ont été abandonnés, l'enfer n'a pas de géographie.

   Ces anges finirent par se lasser aussi de parcourir un monde désolé sans un exutoire pour leur rage et leur désespoir. Ils trouvèrent un lieu profond et sombre où dormir et s'y cachèrent en attendant la venue des hommes. Au bout de nombreuses années, on creusa des mines, on éclaira des galeries, et la plus profonde de ces mines, riche en argent, se trouvait en Bohême, à Kutnà Hora, et s'appelait Kank.
   On dit que, lorsque les mineurs parvinrent au plus profond de Kutnà Hora, les flammes de leurs lampes vacillèrent, comme agitées par le vent là où il ne pouvait y en avoir, et l'on entendit s'exhaler un grand soupir, semblable à celui d'âmes libérées de leurs fers. Une puanteur de brûlé s'éleva et les galeries s'effondrèrent. Une tempête de saletés et de poussière balaya la mine, étouffant et aveuglant tout sur son passage. Ceux qui survécurent parlèrent de voix dans l'abîme, de battements d'ailes au sein des nuages noirs. La tempête monta par le puits principal, éclata dans le ciel de nuit, et tous ceux qui la virent aperçurent en son cœur un foyer rouge, comme si elle était en flammes. 
   Les anges rebelles adoptèrent l'apparence humaine et entreprirent d'instaurer un royaume invisible où ils régneraient par la ruse et la corruption. Ils avaient à leur tête les démons jumeaux, les plus puissants d'entre eux, les Anges Noirs. Le premier, répondant au nom d'Ashmaël, se plongea dans le feu des batailles et murmura de vaines promesses de gloire à l'oreille de chefs ambitieux. L'autre, appelé Ismmaël, mena sa propre guerre contre l’Église, contre les représentants sur la terre de Celui qui avait banni son frère. Il se glorifia des incendies et des viols, et son ombre tomba sur les monastères mis à sac et les chapelles ravagées par le feu. Chaque moitié de cet être portait la marque de Dieu telle une paille blanche dans l’œil, Ashmaël dans le droit, Immaël dans le gauche.
   Or dans son arrogance et sa colère, Immaël laissa un homme l'entrevoir un instant sous sa forme véritable. Il se retrouva face à un moine cistercien du monastère de Sedlec nommé Erdric et ils s'affrontèrent au-dessus de cuves d'argent liquide dans la grande fonderie proche de Sedlec. Immaël, surpris au moment où d'homme il se changeait en Autre, fut projeté dans le minerai brûlant. Erdric demanda qu'on fasse lentement refroidir le métal et Immaël se retrouva pris dans l'argent, incapable de s'échapper de la plus pure des prisons.
   Ashmaël ressentit la peine de son jumeau et entreprit de le libérer, mais les moines le cachèrent soigneusement et le tinrent hors de portée de ceux qui voulaient le délivrer. Ashmaël ne cessa cependant de chercher son frère et fut rejoint dans sa quête par ceux qui partageaient sa nature ainsi que par des hommes corrompus par ses promesses. Afin de pouvoir se reconnaître, ils gravèrent sur eux-mêmes une marque : une fourche à deux dents, car, dans les vieilles légendes, telle était la première arme des anges déchus.
   Et il se donnèrent le nom de Croyants.  

La chute de Lucifer  -  Gustave Doré

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Kutn%C3%A1_Hora

Ishmaël et Immaël : Le prénom Ismaël est un dérivé du mot " ishma'êl" qui se traduit par "Dieu a entendu". En hébreu, ishma'-'êl signifie « Dieu entend (car l'éternel t'a entendu dans ton malheur) »

Kank - kank = cancer(+-)

fourche à deux dents : https://mythologica.fr/grec/hades.htm

https://generationvoyage.fr/visiter-kutna-hora-ossuaire-sedlec/

"Qui sont Satan et Lucifer et quelle est la différence entre les deux ?  : Diable : (du latin "diabolus, et du grec "diabolos", calomniateur) Le diable représente dans la religion chrétienne l'esprit du mal, le mauvais génie. Pour la théologie, il est un ange déchu qui s'oppose à Dieu. Depuis l'iconographie médiévale, le diable est le chef suprême des démons. Il est dès lors représenté comme un monstre humain, griffu, à la figure terrifiante, avec de longues oreilles pointues, des cornes, une poitrine de femme, des pieds fourchus et une longue queue. Pouvant prendre des apparences séduisantes, il essaie de corrompre l'homme et de l'entraîner dans le pêché. 

Satan : (de l'hébreu "haschatan", adversaire). Satan, qui apparaît souvent dans la Bible, est le chef des anges qui se sont rebellés dans la Genèse, devenant ainsi des démons. C'est lui qui tente Eve dans l'Eden en prenant la forme d'un serpent ou qui tente Jésus dans les évangiles. On lui prête la faculté de changer d'apparence pour mieux séduire. Satan est représenté sous des traits différents, serpent, mi-homme mi-bouc (inspiré du dieu Pan), dragon, Léviathan. On lui attribuait la présidence du Sabbat des sorcières. Satan est honoré en tant qu'adversaire de Dieu et de l'Eglise dans des cultes appelés satanisme.

Lucifer : (du latin "lux", lumière et "ferre", porter, littéralement : "Porteur de lumière").
En tant que Dieu latin, Lucifer était le porteur de lumière, l'esprit de l'air et personnifiait la connaissance.
L'expression "Porteur de lumière" était aussi utilisée durant les premiers siècles après J.C. pour désigner le Christ. Ce n'est qu'au Haut Moyen Age que le nom de Lucifer a été employé pour désigner Satan. Dans la Vulgate (première traduction de la Bible en latin par saint Jérôme), il est la transcription du mot hébreu Heylel en "Astre du matin" (planète Vénus). Lucifer était le plus beau des anges, chef de la milice céleste. Par orgueil et avidité du pouvoir, il a voulu devenir l'égal de Dieu et s'est révolté contre lui. Chassé du ciel et envoyé en enfer, il est devenu Satan, le chef des démons.
Sa révolte est considérée par les gnostiques comme celle de la recherche de la connaissance que Dieu voulait cacher aux hommes. Porteur de lumière, il serait, pour les sectes lucifériennes, plus puissant que Dieu, simple Démiurge (luciférisme).
Les termes de diable, Satan, Lucifer, démon, Belzébuth, Belial, Méphisto... sont souvent employés comme synonymes. Autres noms du diable ou de Satan : le prince de ce monde, le prince des ténèbres, le Malin, "le Mauvais", le "Tentateur", le chef des démons, le Maître de l'enfer....
Dans la religion musulmane, le diable s'appelle Iblis ou Chaytan."