Californie, juillet 2000
Notre tente montée, ma sœur et moi nous rendîmes compte qu’elle attirait l’œil de tous les campeurs américains voisins.
Il ne nous fallut pas longtemps pour comprendre la raison des regards, des sourires et même des rires qui nous entouraient : quelques pas en dehors de notre parcelle nous permirent de découvrir que notre tente était la naine au milieu des titans. Autour de nous, rien que d’énormes caravanes. Vous voyez, quand je dis énormes, c’était à la mesure de tous les produits made in USA : auvents, marchepieds, salons extérieurs avec vases, fleurs, couverts dressés et tutti quanti. Des caravanes obèses… Le problème avait déjà commencé…
Après notre installation, pourquoi ai-je dû me rendre à l’accueil ? Plus aucun souvenir en dehors de celui-ci : alors que je suivais les sentiers qui y menaient, une dame m'interpella et, d’un air désapprobateur, me demanda si j’étais seule dans le camping. Fort étonnée je lui répondis que non, que ma sœur était là aussi. Sans se départir d'un ton grondeur, elle continua, ajoutant recommandation après recommandation, pour me dire que je ne devais pas circuler seule, que c’était dangereux, que le soir arrivait etc...etc…
Bon ! Sur l’instant, je ne saisis pas d’où pouvait venir le danger et continuai mon chemin. Je comprendrais plus tard ... Comme plusieurs fois déjà des autochtones avaient fait preuve d’une très grande amabilité à notre égard, cette mini conversation m’affermit dans l’idée que les Américains étaient bien plus sympathiques que ce que les Européens en pensaient.
La nuit arriva. Oubliées les mises en garde. Bien enroulées dans notre sac de couchage, nous nous endormîmes rêvant à tous ces oiseaux bleus (des geais bleus, je pense) si peu farouches qui étaient venus picorer non loin de nous lors du souper.
Bardaf ! Badamoum ! Bang ! Clong ! Clong ! Ces bruits infernaux nous réveillèrent en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Puis un grand silence bientôt remplacé par le faible bruit d'un pas lourd se dirigeant vers notre tente.
Au fur et à mesure de l’approche, les légères vibrations du sol se transformèrent en tremblements plus effrayants.
Danielle me saisit le bras et, dans un souffle, murmura: «C’est un ours !» C’était aussi à cet animal que je pensais sans oser le dire. Les pas d’un homme n’auraient pas provoqué de telles vibrations… *
Nous étions tétanisées dans nos fins sacs de couchage qui étaient loin de valoir un rempart en bonnes pierres de taille.
Au lieu d'emprunter le sentier du camp, l’animal suivait l'espace qui passait entre notre voiture et la tente.
Je ne sais quelles furent les pensées de ma sœur en cet instant de frayeur intense. Personnellement, je me souviens des miennes qui furent d’un crétinisme impérial : «Pourvu qu’il ne s’asseye pas sur la tente, pourvu qu’il ne nous sente pas et qu’il ne s’asseye pas...» Pourquoi se serait-il assis ? Cette incohérence de pensées était ingérable.
Le cerveau congelé par la frayeur, osant à peine respirer, crispée dans une immobilité mortifère, n’ayant aucune pensée pour les terribles griffes de l’animal, je ne pensais qu’à ses grosses fesses qui auraient pu m’écraser si, à travers la toile de tente, elles s’étaient appuyées sur mon petit corps doux et tiède.
Certaines personnes vous racontent qu’en cas de danger extrême, l’homme voit sa vie défiler à grande vitesse. Moi, je ne voyais qu’un cul poilu en train de faire exploser ma cage thoracique. Image sordide s’il en fût !
Après quelques secondes qui nous parurent une éternité, ignorant de notre présence à ses pieds, l’ours poursuivit son chemin jusqu’à l’espace poubelles. Là, comme un enragé, tout comme il l'avait fait à l'entrée du camping, il se mit à secouer et à déplacer les conteneurs fermés, tapant sur les parois et les couvercles dans un bruit métallique infernal, espérant y trouver une nourriture facile à emporter.
Trop, c’en était trop pour les nerfs fatigués de l’un des campeurs qui, non loin de notre tente, sortit de sa caravane et se mit à vociférer contre l’animal tapageur.
Il faut croire que cette voix, se répercutant d’un arbre à l’autre dans la nuit, effaroucha le plantigrade. Nous l’entendîmes s’enfoncer dans les fourrés et le calme revint enfin.
Mon Dieu ! comme le simple bruit du vent dans le feuillage ou l’infime clapotement d’un lac peut être agréable à qui s’endort dans la nature !
* Il faut savoir qu'à l'entrée de chaque camping, en plus d'être prévenus qu'il y a des tiques, les nouveaux arrivants sont prévenus d'un autre désagrément par un panneau demandant une grande prudence par rapport aux ours. Le soir, rien ne doit traîner, ni autour des tentes ni dans les voitures. Depuis des années, les ours ont pris l'habitude de venir aux provisions sur les lieux de vacances.
Un autre souvenir : Camping du Parc Yosemite : Casier de rangement pour la nourriture (à cause des ours). 👍
Un matin, nous avons trouvé un avertissement laissé par les rangers sur le pare-brise de notre voiture. Lors de leur ronde, ils avaient constaté que nous avions oublié un bidon de jus de cranberries sur le siège arrière de la voiture.
Dans le Parc Yosemite, j'ai appris que si certains ours deviennent un peu trop dangereux, ils sont endormis et déplacés bien plus loin où ils ne peuvent plus représenter de danger.
Pour rire un peu ... mais c'est vrai ...
https://www.pagesjaunes.ca/trucs/comment-eviter-les-ours-en-camping/
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