03 avril 2022
Incroyable mais vrai ! voici ce que je viens de retrouver en cherchant un autre article !!! https://annemoreau.blogspot.com/2020/08/lelegance-du-herisson-muriel-barbery.html
Quand je dis que je perds la mémoire !
Les pertes de mémoire ont quand même un avantage... si on peut dire : lorsque je lis un livre pour la seconde fois, ayant oublié l'avoir déjà lu, je découvre...
Cette semaine, la découverte qu'on appellera relecture ne m'emballe pas ou plus.
La logorrhée scripturale de cette écrivaine me laisse froide; à la limite, elle m'énerve, raison pour laquelle, je l'avoue, j'ai sauté quelques-uns des chapitres consacrés aux cogitations absurdes de Paloma, 13 ans.
Un exemple parmi de nombreux autres : l'explication d'une tristesse adulte dans un développement que j'ai lu, relu et même plus pour tenter d'en synthétiser la substantifique moelle ... mais j'ai un doute ! Il me semble m'être égarée dans les allées de l'enfer et m'y être engluée...
"Quelle est cette guerre que nous menons, dans l'évidence de notre défaite ? Matin après matin, harassé déjà de toutes les batailles qui viennent, nous reconduisons l'effroi du quotidien, ce couloir sans fin qui, aux heures dernières, vaudra destin d'avoir été si longuement arpenté. Oui, mon ange, voici le quotidien : maussade, vide et submergé de peine. Les allées de l'enfer n'y sont point étrangères; on y verse un jour d'être resté là trop longtemps. D'un couloir aux allées : alors la chute se fait, sans heurt ni surprise. Chaque jour, nous renouons avec la tristesse du couloir et, pas après pas, exécutons le chemin de notre morne damnation."
Mais l'humour qui foisonne dans ces pages, celui-là, je l'apprécie pleinement.
En parlant d'un morceau de poulpe :
"Qu'allons-nous chercher l'éternité dans l'éther d'essences invisibles ? Cette petite chose blanchâtre en est une miette bien tangible."
Maquillage :
"J'ai badigeonné mes lèvres d'1 couche de rouge à lèvre"Carmin profond" acheté il y a 20 ans pour le mariage d'une cousine. La longévité de ces choses ineptes, quand des vies valeureuses périssent chaque jour ne laissera jamais de me confondre."
Psychanalyse :
"Maman a annoncé hier soir au dîner comme si c'était un motif de faire couler le champagne à flots que cela faisait dix ans pile qu'elle avait commencé son "ânâlyse". Tout le monde sera d'accord pour dire que c'est mer-veil-leux ! Je ne vois que la psychanalyse pour concurrencer le christianisme dans l'amour des souffrances qui durent. Ce que ma mère ne dit pas, c'est que ça fait dix ans aussi qu'elle prend des antidépresseurs."
Alors ce passage, je l'ai vraiment aimé !
"La Civilisation, c'est la violence maîtrisée, la victoire toujours inachevée sur l'agressivité du primate. Car primates nous fûmes, primates nous restons, quelque camélia sur mousse* dont nous apprenions à jouir. C'est là toute la fonction de l'éducation. Qu'est-ce qu'éduquer ? C'est proposer inlassablement des camélias sur mousse comme dérivatifs à la pulsion de l'espèce, parce qu'elle ne cesse jamais et menace continuellement le fragile équilibre de la survie." (*dans un film japonais de Ozu, le camélia symbolise le raffinement et la simplicité de cette fleur d'une grande beauté opposés à la violence du monde)
Quant à cet extrait, j'ai bu du petit lait en le lisant . Tellement bien observé concernant le chien et sa maîtresse snobinarde !
"Le savoureux de l'affaire tient dans le fait qu'il s'obstine à être un chien quand sa maîtresse voudrait en faire un gentleman. Lorsqu'il sort dans la cour, au bout, tout au bout de sa laisse de cuir fauve, il regarde avec convoitise les flaques d'eau boueuse qui paressent là. Sa maîtresse tire-t-elle d'un coup sec sur son joug qu'il abaisse l'arrière-train jusqu'à terre et, sans plus de cérémonie, se lèche les attributs. Athéna, la ridicule whippet des Meurisse, lui fait tirer la langue comme à un satyre lubrique et ahaner par avance, la tête farcie de fantasmes. Ce qui est spécialement drôle chez les cockers, c'est lorsqu'ils sont d'humeur badine, la manière chaloupée dont ils progressent; on dirait que, chevillés sous leurs pattes, des petits ressorts les projettent vers le haut -- mais en douceur, sans cahot. Cela agite aussi les pattes et les oreilles comme le roulis le bateau, et le cocker, petit navire aimable chevauchant la terre ferme, apporte en ces lieux urbains une touche maritime dont je suis friande.
Neptune, enfin, est un gros goinfre prêt à tout pour un vestige de navet ou un croûton de pain rassis. Lorsque sa maîtresse passe devant le local à poubelles, il tire comme un fou en direction dudit, langue pendante et queue déchaînée. Pour Diane Badoise, c'est le désespoir. A cette âme distnguée, il semble que son chien aurait dû être comme les jeunes filles de la bonne société de Savannah, dans le sud confédéré d'avant la guerre, qui ne pouvait trouver mari que si elles feignaient de n'avoir point d'appétit.
Au lieu de cela, Neptune fait son yankee affamé."
Bon, je ne vais pas retranscrire tout le livre par peur d'en oublier les bons morceaux ! Parce qu'il y en a de bons et même d'excellents !"
Au train où vont les choses, dans quelques mois, je l'aurai oublié et je pourrai le relire tout en me disant : "Ah, ce passage me remet en mémoire certains éléments !"
https://www.liberation.fr/livres/2007/07/05/faut-il-ecraser-le-herisson_97601/
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