Hou
! Hou ! Le menteur, le menteur !
Samedi dernier, l'envie me prit
d'aller photographier les crocus de printemps dans la montagne.
Sitôt pensé, sitôt décidé
et me voilà partie, appareil photo en poche, avec mes deux amours
poilus.
Durant toute la marche, mes
regards furetèrent à gauche, furetèrent à droite, rien. Mais, pas
de problème, je connais l'habitat des crocus, il se trouve près du
col et nous devions encore monter durant quelques minutes.
A l'approche du sommet
toujours pas de crocus dans l'environnement immédiat. Je
m'apprêtais à escalader le bord du chemin et à aller fouiller
entre les touffes de thym lorsque j'aperçus, sous un chêne vert, un
homme d'une soixantaine d'années appuyé à la portière de son 4X4.
Il m'observait.
J'ai pour habitude (cela me
jouera peut-être un jour une sale blague), lorsque je suis en
promenade sur des sentiers peu civilisés, de saluer les personnes
que je rencontre.
Je gardai donc mon appareil en
poche et m'approchai de l'homme qui me surveillait du coin de l'œil.
Ah ! La chance ! Dans sa main
droite, il tenait un crocus. S'il en avait trouvé un, c'est qu'il y
en avait.
- Bonjour, dis-je, je vois que
vous avez un crocus. Justement, je suis montée pour les trouver.
Son regard s'assombrit
légèrement.
- Oh ! Mais vous arrivez trop
tard, me répondit-il. La saison est finie et vous n'en trouverez
plus un seul.
- Oui, mais vous en avez trouvé
un !
- C'est le dernier, je vous
l'offre.
Et, aimablement, il me tendit le
crocus que je pris avec précaution.
- Êtes-vous certain qu'il n'y a
plus un seul crocus ?
- Oui, je peux vous l'affirmer
car je suis botaniste. Depuis le début de l'après-midi, je
répertorie toutes les espèces de fleurs qu'il y a en ce moment
dans la montagne. Et ... vous vous êtes quand même rendu compte
que la saison a trois semaines d'avance, non ?
- Oui, mais enfin … Je suis
déçue, j'étais venue pour les photographier. J'adore ces
premières fleurs printanières.
Aux mots de photographie, le
monsieur sembla éprouver une petite gêne mais continua la
conversation comme si de rien n'était.
Cet homme était un puits de
connaissances multiples. Nous parlâmes des fleurs, des époques
géologiques, des champignons, de protection de la nature... enfin,
de tout et de rien mais cela nous amena quand même à l'heure du
coucher du soleil et nous nous saluâmes fort civilement avant de
reprendre chacun notre route.
Deux jours passèrent et le
souvenir des crocus me revint. Non, ce n'était pas possible qu'il
n'en reste plus un seul. Il y a toujours bien un petit dernier qui
voit le jour après tous les autres. Il fallait que je retourne
vérifier.
Anorak, appareil photo, chiens
et, rebelote, le chemin de la montagne.
Cette fois-ci, je ne me
laisserais plus embobiner par n'importe quelle conversation, fut-elle
du plus haut intérêt, j'allais chercher.
Arrivée au col, je me dirigeai
droit vers la végétation arborescente et …. Hou! Le menteur, le
menteur !
Invisibles du chemin, à droite, à gauche, au pied des
chênes kermès, entre les touffes de thym, sous les petits genévriers, les
crocus fleurissaient, mauve pâle, tendres, fragiles, laissant
filtrer le soleil à travers leurs pétales translucides.
Hou ! Le menteur, le menteur !
Je compris alors sa tactique de
renégat : craignant une cueillette dévastatrice et sans savoir que j'étais venue uniquement pour des photos, il m'avait fait
croire à une fin de floraison précoce. Bougre de malhonnête, va !
On m'y reprendra encore à faire
confiance à un inconnu rencontré dans la montagne.
Et de un... |
Et de deux ... |
Encore un ... |
Et na ! |
Et na ! na ! na ! |
Et à la une, à la deux, à la trois, youp la la, voilà, gros menteur, j'ai photographié ce que je voulais ! |
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