Septembre 2014
Pipi
or not pipi
Tic,
tic, tic, tic, tic ...
Vraiment,
cet oiseau doit arrêter de marcher sur le gravier de la terrasse !
Ce bruit est dérangeant.
Derrière
l'oiseau, le paysage est magnifique : des iris, aussi élevés que
les cyprès, se balancent au souffle tiède de la brise. Un nuage
rose passe et repasse, s'accroche aux fleurs, se dissout pour
réapparaître immédiatement. L'oiseau grossit, grossit, grossit.
Oh! Misère, il va exploser, salir les iris, barbouiller le nuage...
Un
stress me prend.
Tic,
tic, tic, tic, tic …
Le
bruit a recommencé, plus rapide, plus réel.
J'entrouvre
les yeux.
Je
suis enveloppée par la chaleur de la couette que je serre à pleines
mains sous mon menton. Le lit est tiède et douillet comme un nid.
Faut-il vraiment faire cet effort désagréable et ouvrir grand les
yeux ?
Tic,
tic, tic, tic, tic ….
Le
bruit continue à se frayer un chemin jusqu'à mon cerveau encore
embrumé : Madame, ma chienne, tourne en rond dans la chambre. Elle
lance son alerte matinale à l'aide de ses petits ongles noirs et
solides.
Brusquement,
elle décide qu'elle a assez tambouriné le sol et se lance sur le
côté du matelas pour y asséner quelques coups de patte. La
technique est au point. On y sent une longue habitude, un
entraînement quasi quotidien.
Poc,
poc, poc ….
Cette
fois, impossible d'échapper à la réalité de l'appel. Je tourne la
tête pour voir l'heure. J'hallucine : 6 heures 33.
- Non,
mais, tu as vu l'heure ? Je suis retraitée ou pas ?
Pas
de réponse. C'est normal.
Poc,
poc, poc … l'appel au secours reprend.
Dans
la pénombre, les grands yeux pleins d'espoir et de joie se mettent
à briller, la grande copine vient de parler.
- Bon,
O.K., je me lève, arrête de faire tout ce raffut.
Je
sors les jambes du lit, pose les pieds au sol. Horreur, j'ai raté
mes pantoufles et c'est le froid intense du carrelage qui me fait
frissonner de la plante des pieds aux racines des cheveux.
Entre-temps,
Némo est venu se joindre à Madame pour la fête matinale. Hop, un
petit bond joyeux à droite, hop, hop, une bousculade du cul contre
Madame qui lui lance un regard peu amène. Qu'à cela ne tienne :
sloup ! Un petit baiser, babines rousses contre babines blanches.
Madame
n'en démord pas : si tôt le matin, Némo l'énerve et, relevant la
tête, elle l'ignore. C'est moi qu'elle fixe droit dans les yeux. Et
ses yeux me disent : « Alors, on se presse ou pas ? J'ai des
besoins urgents, ne fais pas semblant de l'ignorer. »
Constatant
avec joie que je me suis enfin levée, Madame quitte la chambre et se
dirige vers la porte du jardin. Épaule contre épaule, Némo
l'accompagne. En grommelant et frissonnant, je suis.
Écarter
la tenture, trouver la clé, ouvrir la porte, cela ne prend que
quelques secondes.
« Allez,
vas-y, Madame, voilà, la porte est ouverte ! »
Pas
de réaction, ni Madame ni Némo ne bougent. Seuls, deux cous se sont
tendus, deux museaux ont avancé et les truffes vibrent à l'unisson
pour humer l'air extérieur. Il me semble que j'entends les cerveaux
fonctionner. « Trop humide » semblent-ils dire.
- Ben,
oui, quoi, il pleut, vous n'allez pas en faire tout un plat. Allez,
zou ! Dehors ! Pipi, il faut faire pipi !
- Vas-y,
toi, si tu veux. Tu ne vois pas qu'il pleut ?
C'est
la réponse que je crois percevoir.
- Eh
bien, oui, il pleut, et alors ? Moi, j'y vais. Qui m'aime me suive !
A
cette heure précise, il semble bien que personne ne m'aime. Alors
que j'ai fait un grand pas en avant pour donner l'exemple et que je
me trouve maintenant sous la fine pluie matinale, les deux autres ont
fait demi-tour et ont retrouvé qui son panier, qui son fauteuil.
Sitôt
la couette encore tiède repositionnée, j'entends s'élever dans le
calme du matin deux ronflements heureux.
En
ce qui me concerne, j'ai compris. Il ne me sera plus possible de
dormir. La petite pluie m'a bel et bien réveillée. La journée peut
commencer.
Et
toujours les ronflements jumeaux.
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