samedi 8 mars 2014

Petit matin

 
Septembre 2014
 
Pipi or not pipi

Tic, tic, tic, tic, tic ...
Vraiment, cet oiseau doit arrêter de marcher sur le gravier de la terrasse ! Ce bruit est dérangeant.
Derrière l'oiseau, le paysage est magnifique : des iris, aussi élevés que les cyprès, se balancent au souffle tiède de la brise. Un nuage rose passe et repasse, s'accroche aux fleurs, se dissout pour réapparaître immédiatement. L'oiseau grossit, grossit, grossit. Oh! Misère, il va exploser, salir les iris, barbouiller le nuage...
Un stress me prend.
Tic, tic, tic, tic, tic …
Le bruit a recommencé, plus rapide, plus réel.
J'entrouvre les yeux.
Je suis enveloppée par la chaleur de la couette que je serre à pleines mains sous mon menton. Le lit est tiède et douillet comme un nid. Faut-il vraiment faire cet effort désagréable et ouvrir grand les yeux ?
Tic, tic, tic, tic, tic ….
Le bruit continue à se frayer un chemin jusqu'à mon cerveau encore embrumé : Madame, ma chienne, tourne en rond dans la chambre. Elle lance son alerte matinale à l'aide de ses petits ongles noirs et solides.
Brusquement, elle décide qu'elle a assez tambouriné le sol et se lance sur le côté du matelas pour y asséner quelques coups de patte. La technique est au point. On y sent une longue habitude, un entraînement quasi quotidien.
Poc, poc, poc ….
Cette fois, impossible d'échapper à la réalité de l'appel. Je tourne la tête pour voir l'heure. J'hallucine : 6 heures 33.
   - Non, mais, tu as vu l'heure ? Je suis retraitée ou pas ?
Pas de réponse. C'est normal.
Poc, poc, poc … l'appel au secours reprend.
Dans la pénombre, les grands yeux pleins d'espoir et de joie se mettent à briller, la grande copine vient de parler.
   - Bon, O.K., je me lève, arrête de faire tout ce raffut.
Je sors les jambes du lit, pose les pieds au sol. Horreur, j'ai raté mes pantoufles et c'est le froid intense du carrelage qui me fait frissonner de la plante des pieds aux racines des cheveux.
Entre-temps, Némo est venu se joindre à Madame pour la fête matinale. Hop, un petit bond joyeux à droite, hop, hop, une bousculade du cul contre Madame qui lui lance un regard peu amène. Qu'à cela ne tienne : sloup ! Un petit baiser, babines rousses contre babines blanches.
Madame n'en démord pas : si tôt le matin, Némo l'énerve et, relevant la tête, elle l'ignore. C'est moi qu'elle fixe droit dans les yeux. Et ses yeux me disent : « Alors, on se presse ou pas ? J'ai des besoins urgents, ne fais pas semblant de l'ignorer. »
Constatant avec joie que je me suis enfin levée, Madame quitte la chambre et se dirige vers la porte du jardin. Épaule contre épaule, Némo l'accompagne. En grommelant et frissonnant, je suis.
Écarter la tenture, trouver la clé, ouvrir la porte, cela ne prend que quelques secondes.
« Allez, vas-y, Madame, voilà, la porte est ouverte ! »
Pas de réaction, ni Madame ni Némo ne bougent. Seuls, deux cous se sont tendus, deux museaux ont avancé et les truffes vibrent à l'unisson pour humer l'air extérieur. Il me semble que j'entends les cerveaux fonctionner. « Trop humide » semblent-ils dire.
   - Ben, oui, quoi, il pleut, vous n'allez pas en faire tout un plat. Allez, zou ! Dehors ! Pipi, il faut faire pipi !
    - Vas-y, toi, si tu veux. Tu ne vois pas qu'il pleut ?
C'est la réponse que je crois percevoir.
    - Eh bien, oui, il pleut, et alors ? Moi, j'y vais. Qui m'aime me suive !
A cette heure précise, il semble bien que personne ne m'aime. Alors que j'ai fait un grand pas en avant pour donner l'exemple et que je me trouve maintenant sous la fine pluie matinale, les deux autres ont fait demi-tour et ont retrouvé qui son panier, qui son fauteuil.
Furibarde, je rentre, m'ébroue, verrouille la porte avec la ferme intention de me recoucher.
Sitôt la couette encore tiède repositionnée, j'entends s'élever dans le calme du matin deux ronflements heureux.
En ce qui me concerne, j'ai compris. Il ne me sera plus possible de dormir. La petite pluie m'a bel et bien réveillée. La journée peut commencer.
Et toujours les ronflements jumeaux.


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