Aujourd'hui,
je vais parler d'une personne que, tous, nous avons appréciée
durant les longues années où elle fut notre concierge, secrétaire,
préposée aux machines, infirmière bénévole et ceci et
cela, la liste entière serait trop longue à dérouler.
Elle
s'appelait Madame G....
Sans
elle, l'école n'aurait jamais eu ce parfum de café frais lorsque
nous y arrivions le matin. Nos maux de tête auraient perduré sans
l'aspirine qu'elle nous apportait et nos doutes ou démotivations
n'auraient été si bien combattus sans les petites paroles de
réconfort qu'elle trouvait dans son cœur chaleureux. Elle était,
sans conteste, la mère de cette école.
Il
advint un jour durant lequel elle enfila même le tablier des
lavandières.
Notre
directeur, Monsieur Hacker, ayant décidé de dupliquer une note de
service, s'installa dans la salle des machines, bien décidé à ne
faire appel qu'à ses compétences personnelles. Or, le duplicateur à
alcool, ancêtre de la photocopieuse, ne faisait pas partie de ses
tasses de thé favorites ! Il introduisit donc son support-papier
original dans la machine, et, un peu trop confiant en ses capacités, commença à
tourner la manivelle.
Rien,
rien de rien n'apparut sur la première feuille qui sortit blanche
comme neige.
Notre
Hacker recommença, toujours sans résultat. La feuille à dupliquer
avait été placée à l'envers.
Elle fut retirée, l'énervement
monta.
Le directeur prit un linge et de l'alcool, trop généreusement, pour nettoyer le tambour métallique qui devint bleu d'encre ravageuse.
Par
quel malheureux hasard cette encre se retrouva-t-elle sur le pantalon
gris clair de notre directeur ? Lui seul aurait pu le dire, ce qu'il
ne fit jamais.
Face
à une telle catastrophe, une unique solution : « Madame G...,
venez vite, il y a de l'encre sur mon pantalon ! »
La
brave Madame G... accourut, constata les dégâts puis déclara :
- Allez
dans votre bureau et enlevez votre pantalon, je vais essayer de
faire partir les taches avec de l'alcool.
- Vous
croyez ?
- Vous
avez une autre idée ?
Ce
qui fut dit fut fait et voilà notre directeur en caleçon derrière
son bureau.
Après
quelques minutes d'attente, toc ! toc ! Qui va là ? C'est moi
mère-grand je vous apporte un petit pot de beurre ...
Non,
évidemment, les choses ne se passèrent pas ainsi mais le toc ! toc
! eut bien lieu et le rôle du loup ne fut pas tenu par notre
directeur.
Monsieur
Hacker, croyant au retour de Madame G..., cria d'une voix forte :
« Entrez ! ».
Alors
qu'il s'était remis debout, prêt à enfiler son pantalon nettoyé,
quel ne fut pas son effroi lorsqu'entra une mère
d'élève habillée en grand chic. Celle-là, il l'avait totalement
oubliée ainsi que le rendez-vous qu'il lui avait accordé !
Ce
que vit cette dame, ce fut un directeur qui, au lieu de venir lui
serrer la main et l'inviter à s'asseoir, se laissa tomber d'un bloc
dans son fauteuil pour introduire ses jambes sous son bureau.
Comme
accueil, c'était assez inhabituel, il faut le dire.
Quelle
excuse notre directeur trouva-t-il ? Ne la connaissant pas, je ne
pourrais la dévoiler. Oh, cet homme n'était pas à cours
d'imagination et il en trouva une qu'il alla tirer de derrière ses
fagots personnels mais il n'avoua certainement pas, qu'à la minute
même, sous le bureau, ses fines jambes roses et poilues dansaient la
carmagnole au rythme des pieds en chaussettes qui battaient la
mesure.
Comment
la connaissance de cette aventure arriva-t-elle aux oreilles de tous
les enseignants ? Non ! Pas grâce à « la salvatrice »
de service qui fut alors toute discrétion mais grâce à notre
directeur lui-même. Dès le matin suivant, il nous fit partager
cette aventure burlesque tout en sirotant le café fraîchement passé
par notre dévouée Madame G....
Ce
jour-là et longtemps après même, nous n'arrêtâmes pas de rire chaque fois que nous le
vîmes passer dans les couloirs, des papiers à la main.
De petits souvenirs aux relents bien alcoolisés !
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