mardi 23 mars 2021

David Geselson - comédien, auteur et metteur en scène

 

   « Je pense à la façon de rester en lien avec les autres »  - David Geselson

 

 

David Geselson Crédits : Simon Gosselin
 


 

 

Aujourd'hui avec le comédien, auteur et metteur en scène, David Geselson, à l'occasion de la parution de ses « lettres non-écrites » aux éditions du Tripode. 

A quoi pense-t-il ce matin ?


 

 

Je pense à plusieurs choses. Je pense à la façon de rester en lien les uns avec les autres. A comment réussir à retisser des liens dans la période que nous traversons et j’ai repensé à un conte qui m'a été raconté quand j'étais jeune.

 


"Dans ce conte,  on dit qu'il y a 36 justes qui font tenir le monde sur leurs épaules. Et la plupart du temps, ces justes, ces femmes et ces hommes sont des gens très simples. On dit souvent que ce sont des tisserands, des gens qui tissent des tissus, des habits, des couvertures, des choses pour se protéger un peu. Le problème, c'est qu’en portant le monde, ces justes portent aussi tout le malheur du monde, ce qui fait qu'à leur mort, ils sont tellement refroidis par la douleur qu'ils ont supporté, qu’on dit qu'il faut mille ans à ceux qui restent, aux vivants, pour les réchauffer.
On raconte qu'un jour, le cœur du monde a entendu la source du monde, sa bien-aimée. Par source, vous pouvez entendre ce que vous voulez. Cette source du monde a appelé le cœur du monde en chantant. Ils étaient chacun à l'autre bout du monde et le cœur du monde s'est mis à battre de toutes ses forces et il s'emballait à l'idée de retrouver sa bien-aimée. Le cœur du monde décide alors de suivre le chant de cette source et de traverser le monde entier à travers tous les continents. Il arrive au pied de la montagne de la source, alors, il décide d’en faire l’ascension pour rejoindre son amour. Il monte vers elle pendant des heures, mais le jour décline, s'assombrit, la nuit arrive. Le cœur du monde commence à perdre de vue la source du monde. Le soleil disparaît. La source va bientôt totalement disparaître dans l'obscurité. Or, si le cœur du monde en vient à perdre de vue la source, sa bien-aimée, lui aussi va disparaître, son cœur va s'arrêter de battre. Et si le cœur du monde s'arrête de battre, alors toutes les espèces vont disparaître. Le monde va finir. Il faut absolument qu'il y arrive. Il faut que le cœur du monde rejoigne sa bien-aimée. Mais le temps file, l'obscurité envahit tout. Le cœur du monde ne voit presque plus son amour. Tout va finir. A ce moment-là, au pied de la montagne, il y a un de ces justes, un de ces tisserands qui passe. Il allait amener des tissus dans la ville voisine. La source du monde chante de plus en plus fort. Elle espère pouvoir guider le cœur du monde vers elle avec son chant, malgré l'obscurité. Mais il est vraiment trop tard. Le cœur du monde est perdu dans la pénombre. Le jour décline et à ce moment-là, sur cette montagne, tous les animaux, toutes les créatures vivantes, les oiseaux, les arbres, les rivières, les loups, les femmes, les hommes, les ours, tous ceux qui peuplent cette contrée se mettent à chanter. Ils reprennent ensemble le chant de la source. Toutes les créatures se mettent à chanter le chant de la source du monde. Et avec ce chant, ce juste, ce tisserand qui passait par-là, tisse du temps. Le jour se fige. Le cœur du monde réussit finalement à rejoindre son amour, la source, et c'est comme ça que fait de chant d'amour, on dit depuis ce jour, qu'il reste toujours juste assez de temps pour un jour de plus."          David Geselson

 
 France Culture, mardi, 23 mars 2021 - 8 h 55



 

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