Promenade dans les vignes (2)
Près des orchis, une forte odeur sucrée proche de celle des fleurs d'oranger ou de jasmin : c'était les genêts scorpions qui n'en finissaient pas d'envoyer leurs messages odorants vers une multitude d'abeilles charpentières plus bleues les unes que les autres. C'est ainsi que je me retrouvai prise dans les fins rais bleus zigzaguant jusqu'à la folie, des genêts vers le ciel et du ciel vers les vignes. Un tissage intangible.
Tout à mon bonheur, entourée
par tant de beautés naturelles, dans l'immédiat, je ne vis pas,
presque à mes pieds, un grand lézard vert vif mesurant une
trentaine de centimètres. Il fut surpris, mais
bien moins que moi. Pris de panique, il s'orienta de travers et fonça
dans ma direction. Courant de droite et de gauche, l'animal
finit par me passer entre les jambes. Horrifiée par sa longueur,
l'embonpoint de son dos perlé mais surtout par la rapidité et la
vivacité de son approche, je fis un immense bond en hurlant à
pleins poumons car, une fraction de seconde, je crus qu'il allait se
faufiler dans la jambe de mon jean. Je ne sais si un lézard a des
oreilles ni si celui-ci ressentit les vibrations de mon cri mais un
fait est certain, ma panique augmenta la sienne. Au lieu de filer
dans les broussailles, il perdit la raison, fit demi-tour et revint
vers moi, véloce comme pas deux. Prise d'une danse de Saint-Guy
incontrôlable, me voilà, sautant d'un pied sur l'autre, au milieu
des vignes, espérant une seule chose : ne pas retomber sur la verte
bête. Le reptile, en fin de compte, réussit à rassembler ses idées
bien avant moi et se faufila dans les herbes sèches pour disparaître
sur le versant ensoleillé des orchis, au grand désespoir de ma
Belle Brune qui, arrivée à la rescousse, en aurait volontiers fait
son petit déjeuner.
Il fallut ensuite vérifier
d'un œil honteux qu'aucun vigneron cultivant les terres
environnantes n'avait pu assister, même de loin, à cette scène
digne d'une caméra cachée
car alors, mon honneur s'en serait relevé avec difficulté.
Heureusement, aucun Provençal
à l'horizon. Seul le cri avait pu être entendu de
très loin. Et tant que personne ne
saura que c'est
moi qui hurle
dans les vignes à la vue d'un petit saurien….il
n'y aura jamais
de lézard.
Mais
aussi, il faut que je raconte ce qu'une autre voisine m'avait susurré
quelques jours auparavant. Il paraît, d'après cette dame, que ces
grands lézards verts ont une bouche pleine de petites dents aiguës tournées vers l'intérieur et que, quand ils vous mordent pour se
défendre, il est impossible de les détacher de la chair attaquée
tant ils serrent les mâchoires. Il faut alors couper le morceau de
chair pour se débarrasser de la bête. Bon, nous ne vivons pas très
loin de Marseille mais les légendes comportent toujours en elles une
part de vérité. Cette explication peut aider à comprendre ma
panique face au reptile vert qui, par ailleurs, était d'une beauté
à tomber. Certaines coquettes portent avec ostentation leurs grands
colliers de perles autour du cou, lui il portait sa multitude de
perles vertes sur tout le corps et en toute simplicité.
Évidemment,
si l'histoire de cette dame est une galéjade, pour le coup, j'aurai
été ridicule deux fois
Merci à Jacques pour sa relecture et ses conseils
Dans les vignes, du côté de Séguret |
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