dimanche 9 juin 2013

Promenade dans les vignes (2)


 Promenade dans les vignes  (2)

Près des orchis, une forte odeur sucrée proche de celle des fleurs d'oranger ou de jasmin : c'était les genêts scorpions qui n'en finissaient pas d'envoyer leurs messages odorants vers une multitude d'abeilles charpentières plus bleues les unes que les autres. C'est ainsi que je me retrouvai prise dans les fins rais bleus zigzaguant jusqu'à la folie, des genêts vers le ciel et du ciel vers les vignes. Un tissage intangible.
Tout à mon bonheur, entourée par tant de beautés naturelles, dans l'immédiat, je ne vis pas, presque à mes pieds, un grand lézard vert vif mesurant une trentaine de centimètres. Il fut surpris, mais bien moins que moi. Pris de panique, il s'orienta de travers et fonça dans ma direction. Courant de droite et de gauche, l'animal finit par me passer entre les jambes. Horrifiée par sa longueur, l'embonpoint de son dos perlé mais surtout par la rapidité et la vivacité de son approche, je fis un immense bond en hurlant à pleins poumons car, une fraction de seconde, je crus qu'il allait se faufiler dans la jambe de mon jean. Je ne sais si un lézard a des oreilles ni si celui-ci ressentit les vibrations de mon cri mais un fait est certain, ma panique augmenta la sienne. Au lieu de filer dans les broussailles, il perdit la raison, fit demi-tour et revint vers moi, véloce comme pas deux. Prise d'une danse de Saint-Guy incontrôlable, me voilà, sautant d'un pied sur l'autre, au milieu des vignes, espérant une seule chose : ne pas retomber sur la verte bête. Le reptile, en fin de compte, réussit à rassembler ses idées bien avant moi et se faufila dans les herbes sèches pour disparaître sur le versant ensoleillé des orchis, au grand désespoir de ma Belle Brune qui, arrivée à la rescousse, en aurait volontiers fait son petit déjeuner.
Il fallut ensuite vérifier d'un œil honteux qu'aucun vigneron cultivant les terres environnantes n'avait pu assister, même de loin, à cette scène digne d'une caméra cachée car alors, mon honneur s'en serait relevé avec difficulté. Heureusement, aucun Provençal à l'horizon. Seul le cri avait pu être entendu de très loin. Et tant que personne ne saura que c'est moi qui hurle dans les vignes à la vue d'un petit saurien….il n'y aura jamais de lézard.
Mais aussi, il faut que je raconte ce qu'une autre voisine m'avait susurré quelques jours auparavant. Il paraît, d'après cette dame, que ces grands lézards verts ont une bouche pleine de petites dents aiguës tournées vers l'intérieur et que, quand ils vous mordent pour se défendre, il est impossible de les détacher de la chair attaquée tant ils serrent les mâchoires. Il faut alors couper le morceau de chair pour se débarrasser de la bête. Bon, nous ne vivons pas très loin de Marseille mais les légendes comportent toujours en elles une part de vérité. Cette explication peut aider à comprendre ma panique face au reptile vert qui, par ailleurs, était d'une beauté à tomber. Certaines coquettes portent avec ostentation leurs grands colliers de perles autour du cou, lui il portait sa multitude de perles vertes sur tout le corps et en toute simplicité.
Évidemment, si l'histoire de cette dame est une galéjade, pour le coup, j'aurai été ridicule deux fois


Merci à Jacques pour sa relecture et ses conseils

Dans les vignes, du côté de Séguret



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