La Louve romaine et les jumeaux | Aperto blogo
Cours de latin. (1)
La
sixième latine nous vit aborder le cours de langue ancienne sous la
férule de Monsieur M..., homme très ouvert à toutes les sortes de
tricheries inventées par des cerveaux de douze et treize ans. Et, dans ce
domaine, nous mettions bien plus d'application et de persévérance
que pour étudier «rosa, rosa, rosam... »
Pourquoi
avoir choisi la tricherie plutôt que l'effort dans l'étude ? Il
semble que, dès le départ, un refus de dépendance intellectuelle
(que l'on qualifie parfois de paresse) traversa notre classe et alla
en s'amplifiant grâce à l'indifférence de notre professeur.
Bien
sûr, toutes n'y succombaient pas, mais presque toutes étaient
touchées par ce vilain défaut.
Comme
dans chaque société, il y avait parmi nous des niveaux différents
: les moins nombreuses, bonnes élèves, pas nécessairement
boutonneuses, ne trichaient pas ; les élèves moyennes parfois
étudiaient, d'autre fois préféraient tricher quand l'exercice
demandé dépassait leurs compétences ; le troisième peloton
trichait plus souvent qu'il n'étudiait, même s'il n'y avait aucune
difficulté à comprendre la nouvelle matière. A croire que pour ce
groupe, la tricherie relevait d'un sport dans lequel l'effort
précédent devait toujours être dépassé par l'effort suivant.
Cette
sixième latine ne fut cohérente que dans un seul domaine : aucune
d'entre nous ne dénonça jamais sa voisine même si parfois certains
regards en disaient long.
Avant
les examens de Noël, nous avions bien intégré l'idée qu'avec
Monsieur M... le dicton «pas vu, pas pris» serait toujours à
l'ordre du jour.
C'est
ainsi que, le jour fatidique du contrôle trimestriel , les poches et
les plumiers remplis de copions, nous nous installâmes chacune à notre banc.
La
version à traduire distribuée et le thème de contrôle à peine
placé au tableau, à la surprise générale, la plus délurée d'entre nous sortit de son
cartable des revues un peu légères.
Nous la vîmes, armée d'un culot incroyable,
se lever, s'avancer vers le bureau de notre professeur et,
faussement candide, demander à ce
dernier si, pendant que nous travaillerions, il voulait regarder ces
hebdomadaires. Alors, là, nous en restâmes babas
quand nous l'entendîmes accepter avec un petit sourire en
coin et que nous le vîmes prendre les
revues et s'installer confortablement pour les feuilleter à son
aise.
Plus
laxiste que cela, on ne pouvait pas imaginer. Pourquoi encore se
stresser, se culpabiliser ? Les copions volèrent d'un banc à
l'autre, les feuilles d'examen furent soulevées afin que les
meilleures pussent en faire profiter les moins bonnes. Pour
souffler, c'est à peine si nous faisions encore l'effort de baisser
la voix. Parfois, Monsieur M... levait les yeux, se gargarisait la
gorge pour nous faire comprendre qu'il ne fallait pas exagérer puis,
un léger calme revenu, se replongeait dans son étude des revues
coquines.
Que
certaines arrivèrent à rater cet examen, je n'arrive toujours pas
à en comprendre le pourquoi.
Quelques-unes ne furent pas assez futées pour tirer parti de cette
immense foire d'empoigne qu'était devenue
notre classe le jour de l'examen de Noël et elles n'obtinrent pas
la moyenne en latin. Il faut de tout pour faire un monde et une fois
de plus, la preuve en fut donnée. De toute manière, une réussite
générale aurait peut-être mis la puce à l'oreille de notre
directrice quant aux facilités qui nous étaient accordées au cours
de latin.
C'était l'époque où,
dans mon orthographe personnelle, langue et lange n'étaient pas trop différenciés ! ! ! |
à suivre
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire