Promenade dans les vignes (1)
Cette
matinée fut chaude en événements divers. Dès ma sortie du logis
pour aller
promener ma chienne et mes chats, une voisine m'appela
pour me montrer une longue cohorte de chenilles processionnaires qui
terminaient la traversée de la route. Cette dame avait déjà fait
abattre l'un des pins de son jardin car, tous les ans, les chenilles
y faisaient leurs nids en forme d'énormes boules cotonneuses. Elle
me conta que l'un de ses chiens s'étant trop approché de ces
exodes poilus, ce fut la course vers le cabinet
vétérinaire le
plus proche pour enrayer l'inflammation de la gueule et de la langue
provoquée par le volettement des poils urticants. La suite de ses
explications fut effrayante : « Certains chiens en meurent car
si on ne s 'aperçoit pas immédiatement des dégâts par
contact, il faut couper un morceau de la langue ou faire euthanasier
le chien qui ne pourrait plus se nourrir ». Au fur et à mesure
de l'avancée de son récit, je sentais la sueur perler sur mon
front. Mais où donc était partie ma chienne et où mes chats se
baguenaudaient-ils encore ? Enfin, je me dis que l'on ne pouvait pas
tout avoir : le soleil de Provence et le repos de l'âme. C'eut été
trop beau.
Ayant récupéré ma
Belle Brune et les quatre matous, je continuai alors ma route vers
les vignes sous un ciel bleu vif illuminé d'un large sourire
ensoleillé. La belle Brune marchait en tête suivie de sa maîtresse,
elle-même suivie des quatre chats marchant chacun queue dressée,
sérieux comme des papes partis à la reconquête d'Avignon. Dans les
vignes, je découvris plusieurs cerisiers porteurs d'une incroyable
quantité de petites drupes vertes, grosses comme un ongle. Plus
loin, un figuier adolescent dressait ses jeunes fruits de la taille
d'un pouce charnu. Cette région, c'était Byzance à n'en pas
douter. La fin du printemps et l'automne ne seraient qu'une explosion
de saveurs. Concernant ce figuier, une question m'avait turlupiné
plusieurs jours de suite : à quel moment avait-il fleuri ? Je le
longeais régulièrement et je n'avais rien remarqué. M'étant
inquiétée du phénomène auprès d'un pépiniériste, j'avais enfin
compris : « C'est normal, la fleur est à l'intérieur du
fruit » m'avait-il expliqué, moqueur. Ce mystère éclairci me
permit de continuer à surveiller le grossissement des figues sans
avoir à me stresser pour une radioactivité quelconque ou une
modification génétique inconnue.
Je continuai alors ma
promenade, écrasant avec allégresse les humbles calaments qui
dégagèrent un superbe arôme de menthe poivrée, laissant derrière
moi une longue traînée de senteurs tièdes et piquantes. Tous ces
petits plaisirs, pour arriver devant deux orchis que j'avais
découverts quelques jours auparavant. Observer ces fleurs et leur
évolution me procurait un réel plaisir ! J'aimais rendre
hommage à leur beauté époustouflante : chaque tête était
formée d'un petit calot arrondi couleur lie de vin. Sous le calot
avançait une lèvre colorée de tons rose pâle et crème sur
laquelle de minuscules perles nacrées brillaient au soleil. Une pure
merveille.
à suivre
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire