dimanche 1 septembre 2013

Souvenirs d'enfance (13) Lycée Royal de M... La division ( POUR MON FILS FRANCOIS et POUR MON PETIT-FILS MARCEAU )

Lycée Royal  de M ......

                       La division

(N'ayant quasiment jamais été scolarisée durant les 3 premières années primaires et la 4ème ne m'ayant pas marquée par des acquis importants en mathématique ou autres matières, voici le souvenir d'un début de cinquième primaire)

J'étais seule, debout devant un tableau noir, si souvent lavé, frotté, essuyé, qu'il en avait pris une teinte verdâtre. Usé quoi.
Seule devant deux lignes blanches tracées à la craie, l'une verticale et assez longue, l'autre horizontale, beaucoup plus courte et accrochée haut sur le côté droit de sa voisine. De part et d'autre, deux nombres. Celui de gauche était, de toute évidence, plus important que celui de droite. De cet aspect des choses, j'avais une conscience objective mais cette objectivité n'était d'aucune valeur au regard de la méconnaissance des divisions qui était la mienne. Car c'était bien une division qui se dressait devant moi comme une potence. Il n'y manquait que la corde pour m'y pendre.
J'avais beau regarder cette opération sous toutes ses coutures, je ne voyais vraiment pas comment il fallait s'y prendre pour en venir à bout. Aide-toi et le ciel t'aidera! Mais où était-il donc ce ciel qui aurait pu aider une jeune mécréante en pleine déconfiture mathématique?
A vrai dire, j'étais tellement tétanisée par le stress de la situation que je n'arrivais plus à penser. Le peu que je connaissais du principe de la division écrite était maintenant en déroute et plus les minutes passaient plus l'angoisse montait et moins le cerveau fonctionnait. Un véritable Waterloo scolaire.
Et oui, je le savais bien qu'à gauche se trouvait un gros nombre joufflu qui aurait dû être réduit à néant par le petit agressif de droite et que ce dernier avait pour mission de faire couler son adversaire à pic vers le bas du tableau. A part cela, bernique! Tout s'embrouillait.
Depuis cinq minutes, mon esprit macérait dans un jus de désespoir noir suie et mon corps, bloqué en position verticale, rêvait d'une chaise salvatrice.


Osant à peine respirer, je sentais derrière moi, toute une classe qui retenait son souffle dans l'attente de la très probable explosion finale déclenchée par une institutrice au tempérament volcanique, furieuse d'être tenue en échec par «cette petite imbécile qui le faisait exprès de ne rien comprendre».



Mais non, je ne le faisais pas exprès, Madame D....  Si j'en avais eu la possibilité, cette division, je vous l'aurais expédiée en deux coups de cuillère à pot. C'eut été un bonheur que de la pulvériser d'une craie ferme, de cette même craie qui pendouillait si lamentablement au bout de ma main fatiguée d'être crispée. Je me serais fait une joie de prouver à toute la classe que j'étais, moi aussi, capable d'effectuer correctement une opération complexe. Et je t'aurais divisé à gauche, et multiplié à droite, mentalement, pour vérifier, juste le plaisir de vérifier, et je t'aurais soustrait à gauche, encore une fois, et j'aurais accéléré la cadence, plus vite, encore plus vite jusqu'à la réduction finale de tous les chiffres à zéro. Ah! Le bonheur, le bonheur inégalé de voir ce zéro débouler enfin sur la ligne d'arrivée.
Pour mon malheur, aucun chiffre n'avait encore quitté la ligne de départ !
(à suivre)

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