Val d'Isère
Avec pour
acteurs :
Danielle et
Anne Moreau (leurs filles)
Jacques M... et Fernande M... (un couple d'amis)
Claude
R... (un élève de Franz)
Andrée Moreau (une amie sans lien de parenté avec
nous)
Claudine et Michel Van B... (les enfants d'Andrée)
Mimi (ma grand-mère maternelle)
Boy, notre chien
Comment mes parents
survivaient-ils aux vacances que nous passions chaque année en
montagne ? Question que je me pose toujours à l'heure actuelle.
Partis remplis de l'illusion d'un repos bien mérité, de l'espoir de
balades entre gentianes et lys martagons, de sommets atteints et de
glaciers vaincus, ils en revenaient plus éreintés par nos
escapades, nos accidents et nos idées farfelues que deux baudets
après des labours à flanc de montagne.
Il faut le reconnaître,
dès notre arrivée dans les lieux prévus pour une détente
salutaire, nous avions un chic incroyable, ma sœur et moi, pour
provoquer des situations désastreuses. Deux mois de vacances, oui,
mais pour qui ? En tout cas pas pour ma mère qui passait juillet et
août à attendre la nouvelle catastrophe qui suivrait la
précédente..
Notre séjour à Val
d'Isère fut, dans ce domaine, chaud en rebondissements.
Cette année-là, mon
père et ma mère avaient, en compagnie d'un couple d'amis et d'une
amie, loué un chalet situé dans une prairie fleurie, en bordure
d'un torrent impétueux de limpidité parfaite.
Pour les adultes, le
site aurait été paradisiaque n'eussent été les enfants. Et nous
étions nombreux lors de ces vacances : Michel et Claudine Van
B..., Claude R..., ma sœur et moi. Cinq aventuriers
inconséquents auxquels vinrent très rapidement s'ajouter les
enfants des environs.
Ce matin-là, l'un des
premiers du séjour, une grande randonnée fut organisée dans la
montagne pour les bons marcheurs de notre chalet. Comme il fallait
s'y attendre, je fus écartée d'office. Automatiquement, ma mère
fut exclue aussi. Il fallait bien que quelqu'un se sacrifie pour
garder la gamine ! Bon, en attendant le retour de l'expédition,
j'irais jouer parmi les scabieuses, les gentianes et les orchis
vanille puis j'approfondirais ma connaissance du torrent proche.
Toutes ces activités étaient bien tentantes elles aussi. Surtout si
j'arrivais à échapper à la surveillance de ma mère, ce qui ne
manquerait pas d'arriver.
Le départ de la petite
troupe fut glorieux. Personne n'avait oublié son alpenstock, son
piolet ou son sac à dos. Mon père, chaussé de bottines de montagne
d'où sortaient de grosses chaussettes, énumérait déjà à haute
voix tous les trésors à découvrir : lys martagon, sabots de Vénus,
edelweiss ou gentianes acaules. Ces merveilles les attendaient sur
les hauteurs, il en était certain. Quant aux papillons, ils
n'avaient qu'à bien se tenir. Gare à eux, le Tartarin belge se
lançait à l'assaut de leur domaine.
Le retour fut moins
glorieux. L'aile de la mort avait frôlé l'expédition et chacun
revint ébranlé dans ses convictions naïves que la montagne était
une grande amie protectrice. L'incident fut raconté à ma mère en
long, en large et en diagonale afin qu'elle s'imprègne bien du drame
qui s'était joué loin d'elle : En fin de matinée, ma sœur, jouant
sa gracieuse chevrette, sautait parmi les rochers à la recherche
d'edelweiss restés introuvables jusqu'alors. Tout à coup, la fleur
fut là, tentatrice dans son duvet blanc et laineux mais... située
sous un surplomb dangereux : le ravin profond et sombre qui courait
en contrebas ne pardonnerait aucune chute. Insouciante, Danielle
avança un pied. La roche semblait tenir. Rassurée, elle avança
d'un nouveau pas. Les premiers cailloux avaient commencé à se
détacher du bord du sentier pour débouler le long de la paroi,
entraînant avec eux d'autres roches plus importantes.
Le bruit fit sursauter
Fernande. En une fraction de seconde, elle réalisa le drame qui
allait se jouer. Son bras partit vers l'avant, sa main agrippa
l'anorak de l'inconsciente cueilleuse et la ramena vers le milieu du
sentier au moment même où le rocher sur lequel se tenait ma sœur
la seconde précédente se détachait pour rebondir dans le ravin.
Durant de longues secondes, l'écho renvoya le bruit de sa chute aux
oreilles de la petite troupe pétrifiée d'horreur. Le drame fut
évité de justesse mais la gaieté s'était envolée et la fin de la
randonnée fut émaillée de réflexions peu agréables en ce qui
concernait les agissements inconséquents des adolescents. Jacques et
Fernande, Andrée et Claudine ainsi que Claude lançaient des regards
appuyés mais peu amènes vers ma sœur. Mon père, après une
aphonie momentanée suivie d'une explosion de colère libératrice
d'un trop-plein de stress, avait vu s'envoler le plaisir de
cueillettes rares. Il suivait les sentes montagneuses, le cerveau en
compote et les mollets flageolants. Seul, Michel, chevalier sans peur
et sans reproche, grand pourfendeur de toute injustice et défenseur
des pucelles en détresse, admira en connaisseur le contre-exploit de
sa copine et le lui fit savoir à voix basse.
Ce premier incident
aurait dû alerter tous les adultes quant à la vigilance continue
qu'il allait falloir exercer sur notre petite troupe. Mais bon, la
nature humaine est ainsi faite que cette fameuse surveillance fut
rapidement relâchée.
(à suivre)
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