samedi 6 avril 2013

Souvenirs d'enfance (9 -première partie-) Val d'Isère


 Val d'Isère  

Avec pour acteurs :

Franz et Tamara Moreau
Danielle et Anne Moreau (leurs filles)
Jacques M... et Fernande M... (un couple d'amis)
Claude R... (un élève de Franz)
Andrée Moreau (une amie sans lien de parenté avec nous)
Claudine et Michel Van B... (les enfants d'Andrée)
Mimi (ma grand-mère maternelle)
Boy, notre chien


Comment mes parents survivaient-ils aux vacances que nous passions chaque année en montagne ? Question que je me pose toujours à l'heure actuelle. Partis remplis de l'illusion d'un repos bien mérité, de l'espoir de balades entre gentianes et lys martagons, de sommets atteints et de glaciers vaincus, ils en revenaient plus éreintés par nos escapades, nos accidents et nos idées farfelues que deux baudets après des labours à flanc de montagne.
Il faut le reconnaître, dès notre arrivée dans les lieux prévus pour une détente salutaire, nous avions un chic incroyable, ma sœur et moi, pour provoquer des situations désastreuses. Deux mois de vacances, oui, mais pour qui ? En tout cas pas pour ma mère qui passait juillet et août à attendre la nouvelle catastrophe qui suivrait la précédente..

Notre séjour à Val d'Isère fut, dans ce domaine, chaud en rebondissements.
Cette année-là, mon père et ma mère avaient, en compagnie d'un couple d'amis et d'une amie, loué un chalet situé dans une prairie fleurie, en bordure d'un torrent impétueux de limpidité parfaite.
Pour les adultes, le site aurait été paradisiaque n'eussent été les enfants. Et nous étions nombreux lors de ces vacances : Michel et Claudine Van B..., Claude R..., ma sœur et moi. Cinq aventuriers inconséquents auxquels vinrent très rapidement s'ajouter les enfants des environs.

Ce matin-là, l'un des premiers du séjour, une grande randonnée fut organisée dans la montagne pour les bons marcheurs de notre chalet. Comme il fallait s'y attendre, je fus écartée d'office. Automatiquement, ma mère fut exclue aussi. Il fallait bien que quelqu'un se sacrifie pour garder la gamine ! Bon, en attendant le retour de l'expédition, j'irais jouer parmi les scabieuses, les gentianes et les orchis vanille puis j'approfondirais ma connaissance du torrent proche. Toutes ces activités étaient bien tentantes elles aussi. Surtout si j'arrivais à échapper à la surveillance de ma mère, ce qui ne manquerait pas d'arriver.

Le départ de la petite troupe fut glorieux. Personne n'avait oublié son alpenstock, son piolet ou son sac à dos. Mon père, chaussé de bottines de montagne d'où sortaient de grosses chaussettes, énumérait déjà à haute voix tous les trésors à découvrir : lys martagon, sabots de Vénus, edelweiss ou gentianes acaules. Ces merveilles les attendaient sur les hauteurs, il en était certain. Quant aux papillons, ils n'avaient qu'à bien se tenir. Gare à eux, le Tartarin belge se lançait à l'assaut de leur domaine.


Le retour fut moins glorieux. L'aile de la mort avait frôlé l'expédition et chacun revint ébranlé dans ses convictions naïves que la montagne était une grande amie protectrice. L'incident fut raconté à ma mère en long, en large et en diagonale afin qu'elle s'imprègne bien du drame qui s'était joué loin d'elle : En fin de matinée, ma sœur, jouant sa gracieuse chevrette, sautait parmi les rochers à la recherche d'edelweiss restés introuvables jusqu'alors. Tout à coup, la fleur fut là, tentatrice dans son duvet blanc et laineux mais... située sous un surplomb dangereux : le ravin profond et sombre qui courait en contrebas ne pardonnerait aucune chute. Insouciante, Danielle avança un pied. La roche semblait tenir. Rassurée, elle avança d'un nouveau pas. Les premiers cailloux avaient commencé à se détacher du bord du sentier pour débouler le long de la paroi, entraînant avec eux d'autres roches plus importantes.
Le bruit fit sursauter Fernande. En une fraction de seconde, elle réalisa le drame qui allait se jouer. Son bras partit vers l'avant, sa main agrippa l'anorak de l'inconsciente cueilleuse et la ramena vers le milieu du sentier au moment même où le rocher sur lequel se tenait ma sœur la seconde précédente se détachait pour rebondir dans le ravin. Durant de longues secondes, l'écho renvoya le bruit de sa chute aux oreilles de la petite troupe pétrifiée d'horreur. Le drame fut évité de justesse mais la gaieté s'était envolée et la fin de la randonnée fut émaillée de réflexions peu agréables en ce qui concernait les agissements inconséquents des adolescents. Jacques et Fernande, Andrée et Claudine ainsi que Claude lançaient des regards appuyés mais peu amènes vers ma sœur. Mon père, après une aphonie momentanée suivie d'une explosion de colère libératrice d'un trop-plein de stress, avait vu s'envoler le plaisir de cueillettes rares. Il suivait les sentes montagneuses, le cerveau en compote et les mollets flageolants. Seul, Michel, chevalier sans peur et sans reproche, grand pourfendeur de toute injustice et défenseur des pucelles en détresse, admira en connaisseur le contre-exploit de sa copine et le lui fit savoir à voix basse.
Ce premier incident aurait dû alerter tous les adultes quant à la vigilance continue qu'il allait falloir exercer sur notre petite troupe. Mais bon, la nature humaine est ainsi faite que cette fameuse surveillance fut rapidement relâchée.
                                                                                           (à suivre)

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