Val d'Isère (suite)
Crédit photo : Google banque d'images - torrents de montagne |
Cette première expérience torrentueuse ne fut pas la dernière et ne me servit pas de leçon. Je savais que le cours d'eau devenait dangereux en fin d'après-midi. Mais à quel moment de la journée se situe une fin d'après-midi quand on a huit ans ? Ajoutons à cette insouciance que j'aimais beaucoup faire de l'esbroufe lorsque je me trouvais en compagnie d'enfants de mon âge. Ces éléments rassemblés provoquèrent une nouvelle catastrophe.
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Après avoir chanté et
rechanté notre répertoire, nous décidâmes de passer à des
activités plus physiques. Nous quittâmes le dessous du balcon et
nous dirigeâmes vers l'île devenue accessible à tout un chacun
depuis que les adultes y avaient oublié le pont formé par la grosse
poutre. Et hop! Nous passâmes sans encombre. L'île, ce jour-là,
n'offrait pas d'intérêt particulier et nous continuâmes nos
explorations sur la seconde rive qui présentait l'avantage d'être
moins piétinée et donc plus prometteuse de découvertes nouvelles.
Furetant de-ci, de-là, nous nous retrouvâmes bientôt assez loin en
aval de notre point de passage.
C'est ce moment que
choisit le soleil pour commencer à disparaître derrière la
montagne. Aussitôt, la température se fit plus fraîche, les ombres
mauves des sommets s'allongèrent et nous pensâmes à rentrer auprès
de nos parents. Chacun, sauf moi, fut d'accord pour refaire le chemin
en sens inverse. Je voulus leur en mettre plein la vue et déclarai
qu'il serait plus rapide de traverser le torrent à cet endroit : il
suffisait d'enlever ses chaussures. Les arguments d'opposition se
mirent à pleuvoir. L'eau avait commencé à monter. On ne pouvait
pas enlever ses chaussures à cause des vipères. Nous n'allions pas
pouvoir poser les pieds nus sur les galets, cela ferait mal. L'eau
était bien trop froide etc... etc... Ma décision ne fléchit pas et
je demandai à mes amis atterrés par l'inconséquence de mon projet
de bien regarder comment j'allais leur ouvrir la voie. Je m'assis,
enlevai mes petites bottines et mes soquettes puis, prenant mon
courage et mes chaussures à deux mains, je m'engageai dans le
torrent. Effectivement, l'eau était plus que froide. Glaciale,
pourrait-on dire. Je n'en laissai rien paraître. Comme les amis
l'avaient dit, marcher sur les galets faisait très mal et, à tout
moment, je risquais de me tordre une cheville. Je m'entêtai et
poursuivis mon avancée mais de plus en plus lentement. Lorsque je
fus au milieu du torrent, je réalisai enfin la folie de mon
entreprise : le courant, à cet endroit était devenu tellement
violent qu'il m'interdisait d'encore soulever un pied ni pour une
marche arrière ni pour une marche avant. Je stationnai, cherchant
avec angoisse comment me tirer de ce pétrin sans y perdre mon
honneur. J'avais beau m'accrocher à mes bottines, ne reposant sur
rien, celles-ci ne pouvaient me sauver la mise. Derrière moi, les
commentaires goguenards commençaient à fuser: «Vas-y, avance !»
«Pourquoi t'arrêtes-tu ?» «Tu as peur des poissons ?» «Je
pensais que c'était si facile !»
Achever un homme à
terre a toujours fait partie des habitudes humaines. Rien ne me fut
épargné et surtout pas les petits ricanements qui vrillent les
tympans comme des forets.
Mon père, ce héros |
L'émotion fut tangible
chez tout le monde et la réprimande fut de nouveau au rendez-vous.
Plus jeune que ma sœur, je bénéficiai quand même d'une certaine
compréhension pour mon manque de réflexion et ne fut pas trop
grondée. Si punition il y eut, je n'en garde pas mémoire.
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